GRÂCE À LA PRESSION DE LA SOCIÉTÉ (parents, cinéastes...) et aussi à l'effort de l'institution scolaire qui, en mai 2011, a organisé les Assises nationales du harcèlement à l'École, on parle maintenant de harcèlement en milieu scolaire...
Cet article est extrait du dossier « Le harcèlement scolaire en questions » publié dans Profession Éducation, le mensuel du Sgen-CFDT, en avril 2015.
Le school bullying : Harcèlement et maltraitance entre pairs à l’École.
Le school bullying est une violence répétée, verbale, physique ou psychologique, perpétrée par un ou plusieurs élèves sur une victime qui ne peut se défendre. La caractéristique principale de ce harcèlement — qui peut être direct (en face-à-face) ou indirect (diffusion de rumeurs) — est bien la répétition qui crée chez la victime un sentiment d’insécurité permanente et dangereuse. Les formes principales du bullying — physiques, verbales, relationnelles (ostracisme) — peuvent s’exprimer sur Internet. Le cyberbullying, par excellence, implique l’utilisation de smartphones ou d’Internet. Ces nouvelles formes de harcèlement abolissent la frontière entre harcèlements à l’École et en dehors de l’École. Parfois, elles sont à l’origine de nouveaux conflits dans l’École.
La France a pu appréhender ce phénomène dès la première enquête de victimation et climat scolaire en collège, réalisée au printemps 2011 et publiée par la DEPP1. En sondant 18 000 élèves dans 300 établissements, avait été mis en évidence qu’environ 6 % des collégiens subissent des harcèlements (quel que soit le type d’établissement), et que les élèves de 6e sont les plus touchés. Cette enquête doit amener les personnels scolaires à cesser de penser que le harcèlement est un fait banal, voire un rituel de passage.
Le harcèlement scolaire a une incidence certaine sur l’apprentissage…
Le harcèlement scolaire a une incidence certaine sur l’apprentissage car il altère les fonctions cognitives de la victime (mémorisation, concentration…).
Les enfants et adolescents harcelés ont une opinion plus négative de l’École, sont plus souvent absents et ont des résultats scolaires inférieurs à la moyenne des autres élèves. Le harcèlement dégrade aussi l’estime de soi et entraine anxiété, dépression et idées suicidaires. Il a été identifié comme l’un des « stresseurs » les plus fortement corrélés aux comportements suicidaires chez les ados. Enfin, il marque durablement l’individu victime qui, à l’âge adulte, pourra éprouver plus de difficultés à développer des relations positives.
Il existe des facteurs de risque personnels ou familiaux, mais aussi liés à l’influence des pairs et parfois associés au fonctionnement de l’École. Certains milieux scolaires résistent mieux : collaboration plus importante entre adultes, système disciplinaire clair et cohérent, stabilité des équipes pédagogiques et éducatives, activités communes et implications des parents sont souvent cités comme favorisant un climat scolaire sûr et apaisé.
Principes généraux pour lutter contre le harcèlement…
Dans son rapport sur la prévention du harcèlement, Éric Debarbieux alerte : « le harcèlement et la violence ont tout leur temps : il est impossible d’y faire face sans leur opposer le long temps des politiques publiques qui ne pourront s’élaborer que dans le consensus, et dans un consensus qui va bien au-delà de notre Éducation nationale ». Ce rapport établit quelques principes généraux dans cette bataille contre le harcèlement : lutter contre la solitude des victimes, accepter le droit au changement de comportement des agresseurs, ne pas laisser filer le temps en intervenant plus tôt avec des actions de prévention, former les personnels et sensibiliser contre toutes les discriminations.
Les quinze propositions issues du rapport s’organisent autour des thématiques suivantes :
- entre pairs en montant des campagnes d’opinion à destination des jeunes, en recensant et en créant des outils d’information et de réflexion, en responsabilisant les médias et les opérateurs de téléphonie mobile, en lançant des enquêtes de victimation ;
- en ciblant prioritairement les personnels relais (conseillers principaux d’éducation, assistants sociaux…), et plus généralement tous les personnels en formation initiale et continue ;
- mobilisations collectives : faire de l’École le pivot des services offerts aux jeunes en difficulté, favoriser la communication entre les intervenants auprès des élèves, affirmer le principe de l’inclusion, fédérer les équipes, et enfin promouvoir la place des élèves et des parents dans la prévention ;
- réprimer le harcèlement en allant vers la justice restaurative et en rappelant la responsabilité des témoins et des fonctionnaires.
Lors d’une rencontre du Sgen-CFDT au début de 2014 avec Éric Debarbieux (aujourd’hui à la tête de la délégation ministérielle de prévention et de lutte contre les violences en milieu scolaire), il semblait que la mise en œuvre de ces préconisations était assez compliquée dès lors qu’on sortait du champ transversal du climat scolaire pour entrer dans certaines problématiques : formation des personnels, ou justice restaurative.
Pourtant, la question du harcèlement semble prégnante quand on l’aborde du point de vue des élèves. Pour preuve, les 823 projets proposés par des collégiens et lycéens pour l’édition 2014 d’un concours2 lancé par la délégation ministérielle, qui est riche aujourd’hui de plus de 400 vidéos réalisées par les élèves.
(1) Cf. La note d’information publiée par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, « Résultats de la première enquête nationale de victimation au sein des collèges publics au printemps 2011 »
(2) http://eduscol.education.fr/cid72752/prix-mobilisons-nous-contre-harcelement.html
Pour aller plus loin