Si les personnels de direction s’estiment, dans leur grande majorité, satisfaits de l’intérêt de leur travail et du sens qu’ils y trouvent, ils sont 25% à déclarer se trouver en état d’épuisement professionnel. Retour sur les premiers résultats de l'enquête sur le moral des personnels de direction.
Georges Fotinos, docteur en géographie et Inspecteur Général de l’Éducation Nationale honoraire, et Mario Horenstein, médecin psychiatre, ont dévoilé le 25 avril 2017 les premiers indicateurs de leur enquête sur le moral des personnels de direction, dix ans après leur précédente enquête.
Ils ont recueilli 2962 réponses de 13 360 personnels de direction, soit 22,5% du corps.
Les personnels de direction satisfaits de l’intérêt de leur travail
De façon stable depuis 2003 et 2007 (Enquêtes précédentes), les personnels de direction s’estiment satisfaits de l’intérêt de leur travail à 81,03%.
Ils trouvent du sens dans le travail qu’ils réalisent à 83,29%. Ils sont aussi 70% à estimer très motivantes les caractéristiques de leur métier.
La réussite des élèves est la motivation première des personnels de direction
La motivation première de leur métier réside dans la réussite des élèves. Cette attention à la réussite des élèves peut être considéré comme un élément structurant du pilotage des établissements scolaires.
Le manque d’autonomie est ressenti de façon très importante
Ils sont 84,48% à estimer que les décisions sont prises d’en haut contre 43% en 2003. Seuls 41% d’entre eux estiment disposer d’une marge d’autonomie et de d’initiative.
L’autonomie dans le travail est une thématique à explorer avec soin et de façon méthodique. La demande d’autonomie semble en effet résider, d’après les réponses faites, dans une demande d’autonomie du chef d’établissement, notamment dans le recrutement des personnels, plutôt que d’une autonomie de l’établissement.
Le Sgen-CFDT soutient une autonomie qui donne de la responsabilité et des marges de manœuvre aux équipes. Les équipes, et non les chef.fe.s d’établissement seul.e.s qui décident collectivement et démocratiquement ce qu’ils souhaitent faire avec les marges en budget et en dotation horaire dont les établissements doivent disposer.
Pour le Sgen-CFDT, le recrutement et l’affectation des enseignant.e.s dans les établissements ne peuvent pas être faits directement par les chef.fe.s d’établissement. Et si c’était le cas, faut-il bloquer la mobilité de chacun et chacune ? Si le ou la chef.fe d’établissement veut une mobilité géographique, faut-il que tous les personnels le suivent ?
En cas de difficulté, les chef.fe.s d’établissement ne sont que 54% à penser qu’ils peuvent avoir le soutien de leur hiérarchie. Par contre ils pensent pouvoir compter à 81% du soutien de leurs collègues.
Il y a une réelle problématique liée à la gouvernance et au pilotage du système éducatif qu’il s’agit d’interroger.
Les réorganisations du système éducatif (réformes) sont ressenties de façon très négatives : à 84,5% contre 57% en 2003.)
Le Sgen-CFDT regrette à ce titre que le ministère n’ait pas mis en œuvre une véritable conduite du changement. Celle-ci doit passer par une évolution de la gouvernance et du pilotage pédagogique. C’est en responsabilisant les acteurs de terrain que se conduit le changement, pas par l’injonction. C’est la raison pour laquelle le Sgen-CFDT a interpellé le Ministère à plusieurs reprises sur la nécessité de donner du temps aux personnels. Ils doivent en effet pouvoir travailler ensemble sereinement à la mise en œuvre des évolutions contenues dans la loi de refondation.
Un personnel de direction sur quatre en épuisement professionnel
La charge de travail en augmentation est une des premières causes d’épuisement professionnel. Plus de 80% des chef.fe.s d’établissement déclarent travailler plus de 50 heures par semaine (contre 57% 7 ans auparavant). 25,7% déclarent même travailler plus de 60 heures par semaine (contre 17,7% en 2007).
Les femmes apparaissent plus sujettes à un burn-out que leurs collègues masculins.
Les agressions sont également des facteurs à prendre en compte dans les « burn-out » déclarés. Depuis 2010, les personnels de direction ayant été insultés sont passés de 39% à plus de 50%. Les déclarations de bousculade sont passées de 5% à plus de 13% , celles de coups de 1,2 à 3,42%. Quant aux cas de harcèlement ils ont plus que doublé de 12 à 25%.
Les relations avec les parents en nette dégradation
1 personnel de direction sur 3 déclare que les relations avec les parents se sont dégradées (1 sur 10 seulement en 2003).
Ces relations se sont dégradées pour plus de 34% des personnels de direction en 2017. Ils n’étaient que 12,5% à le déclarer en 2007.
Les agressions de la part des parents, (insultes et harcèlement en 1er lieu) sont en très forte augmentation.
Les différends avec les parents sont ressentis comme étant en en augmentation par plus de la moitié des personnels de direction (pas de comparaison avec 2003 ou 2007).
Une réflexion sur ces sujets doit être menée.
Des perspectives d’évolutions professionnelles de plus en plus limitées
70% des personnels de direction ne sont pas satisfaits de leurs perspectives d’évolution professionnelle (1 sur 2 en 2007).
Les perspectives de mobilité interne (mutation sur un autre poste ou sur d’autres fonctions au sein de l’Éducation) Nationale sont très faibles : 26,54%.
Les personnel de direction souhaitent de vraies mobilités de fonction au cours de leur carrière
Les perspectives de mobilité externe (détachement dans un autre fonction publique ou dans un autre secteur) sont encore plus faibles: 18,6%.
La CFDT Fonction publique est signataire du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations. La mise en œuvre de ce protocole au sein du Ministère de l’éducation nationale, mais aussi le résultat des négociations métiers menées depuis 2013 vont permettre d’améliorer les perspectives de carrières et les possibilités de mobilité des personnels de direction.
Les premiers commentaires du Sgen-CFDT
Après avoir salué le travail de Georges Fotinos et de Mario Horenstein, Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-CFDT, a souligné que les personnels de direction étaient souvent le point de cristallisation de beaucoup de tensions au sein du système éducatif. En effet, ils sont les seuls personnels d’autorité en contact quotidien avec l’ensemble des partenaires de l’école.
Les principales questions que révèlent l’enquête sont celles de la gouvernance du système éducatif et du pilotage des établissements qui ne doit pas opposer les personnels.
Il est indispensable de développer une formation initiale et continue de managers éducatifs.
Il est aussi nécessaire que l’institution facilite la mise en réseau des personnels de direction (Groupes d’Analyse de la Pratique Professionnelle). Les difficultés rencontrées peuvent en effet trouver des réponses dans le cadre de l’analyse et de la réflexion collective entre pair.e.s. Faire partie d’un collectif est la meilleure garantie pour garder le moral et ne pas risquer le burn-out.
Les 1ers résultats de l’enquête de Georges Fotinos et Mario Horenstein seront suivis en septembre 2017 d’une analyse complète des réponses des personnels de direction et de propositions pour améliorer la qualité de leur vie au travail.