Interview de Larry Flanagan, président du CSEE, sur le rôle de la COP26 et des syndicats de l’éducation pour promouvoir l'environnement et le développement durable à l’École en Europe.
L’environnement et le développement durable doivent avoir une place dans l’éducation. La COP26 et les syndicats de l’éducation peuvent peser sur les politiques nationales. Pour le Sgen-CFDT, l’engagement ne date pas d’hier…
Quelle est l’implication des pays européens dans l’éducation à l’environnement et au développement durable ?
D’un point de vue pédagogique, le sujet suscite un fort intérêt chez les élèves, ce qui est favorable aux apprentissages.
Il existe cependant de grandes différences entre les systèmes éducatifs :
- dans certains pays, l’éducation à l’environnement fait partie intégrante des programmes ;
- dans d’autres, les questions environnementales ne sont au programme que d’une partie des disciplines (la géographie, la biologie ou l’éducation à la citoyenneté par exemple) ;
- dans les autres pays, l’environnement est absent des programmes.
Le
est convaincu que cette question devrait imprégner l’ensemble des programmes scolaires de tous les pays membres. Or, le sujet est souvent laissé à l’initiative des organismes de formation des personnels éducatifs (Inspé en France) et des établissements scolaires. Il peut aussi relever de projets à court terme qui s’appuient sur des partenariats avec la société civile.Ce que disent fréquemment nos organisations membres, c’est que l’éducation au développement durable manque de référentiels et n’est pas suffisamment intégrée dans la formation des enseignants.
À la COP26, quelle place l’éducation a-t-elle tenue dans les débats ?
L’éducation n’est pas en bonne place dans les résultats de la COP26 qui s’est déroulée à Édimbourg. Mais elle ne l’avait pas été davantage lors des précédents sommets…
En marge de cette réunion, le CSEE a réussi à organiser un séminaire avec les ministres de l’Éducation des États présents. C’était une première et cela marque donc un progrès. Les événements organisés en parallèle par Éducation International ont été très réussis. Il me semble que la COP26 agit comme un catalyseur pour les actions éducatives conçues au sein du CSEE.
Le CSEE salue les progrès réalisés lors des accords de la COP26 même s’il sait qu’ils sont limités. A l’intérieur de la CSI, nous sommes conscients qu’il y a fort à faire en dehors de ces événements médiatisés.
Comment le CSEE intervient-il pour influencer l’Union européenne sur les questions environnementales ?
Ces questions ont une place reconnue au sein de l’UE. Mais ces questions vont au delà de l’éducation.
L’éducation au développement durable est abordée dans le dialogue social que nous avons avec la EFEE (European Federation of Education Employers), l’organisation des employeurs de l’éducation. Mais c’est aussi un domaine que nous abordons dans nos propres décisions politiques. Ainsi, à l’heure actuelle, nous mettons en œuvre un projet global sur le rôle des syndicats de l’éducation en matière de développement durable (en anglais, on parle de durabilité, sustenability ).
Cela nous amène à recueillir des informations sur les besoins des personnels d’éducation dans ce domaine pour développer ensuite des documents qui permettent à nos membres d’aborder ces questions avec leurs adhérent·es. Il s’agit de prendre en compte leurs besoins, y compris dans le dialogue social avec les employeurs.
Comment donner un pouvoir d’agir sur ces enjeux environnementaux aux personnels de l’éducation ?
En matière pédagogique, il existe déjà une vaste gamme de ressources disponibles que les équipes enseignantes peuvent utiliser en les adaptant à leur classe, à leur projet. Pour le CSEE, garantir un accès facile à ces informations doit permettre de faire avancer les choses. C’est une question vive pour les élèves et cela rend plus efficace leur apprentissage. Elle peut être abordée dans chaque discipline ou de manière globale, et ce à tous les âges.
Pour moi, il y a deux aspects cruciaux : le temps et la collaboration. Dans la plupart des pays européens, les programmes d’enseignement sont surchargés et focalisés sur la réussite aux examens. C’est un handicap en matière d’enseignement au développement durable. Ce dernier exige du temps et de l’espace à la fois pour les personnels et les élèves.
Il est absolument indispensable que l’accent soit mis sur la préparation des personnels (y compris les chefs d’établissements) par le biais d’une formation professionnelle initiale et continue accessible et gratuite.
Le rôle du CSEE est de construire des argumentaires avec les syndicats affiliés. Cela doit contribuer à l’élaboration de nouveaux droits pour les personnels. Chaque syndicat affilié, dans son pays, peut donc les porter au niveau local afin que les personnels puissent participer à l’effort nécessaire sur l’environnement et le développement durable (par exemple, déplacements doux favorisés par la mise en place d’indemnités).
Comment favoriser l’intégration de l’environnement et du développement durable dans la pédagogie ?
Dans la plupart des pays européens, les programmes d’enseignement sont surchargés et concentrés autour de la réussite aux examens finaux. Selon moi, c’est contraire à l’objectif que l’on doit se donner en matière d’enseignement au développement durable. Ce dernier a besoin de temps et d’espace pour le personnel éducatif mais aussi pour les étudiants.
Il est (…) absolument indispensable que l’accent soit mis sur la préparation des personnels (y compris les chefs d’établissements) par le biais d’une formation professionnelle initiale et continue accessible et gratuite.
L’éducation au développement durable devrait aussi faire l’objet d’un processus d’apprentissage commun à l’ensemble de la communauté éducative. La création d’espaces communs permettrait de mobiliser l’établissement scolaire tout entier et de développer l’apprentissage par les pairs, le co-apprentissage, la collaboration entre le personnel enseignant et les élèves. Cela signifie également sortir des salles de classe, apprendre en extérieur et avec les partenaires du territoire de l’établissement.
Le climat et les enjeux environnementaux sont-ils fondamentaux dans la formation des enseignants ?
Oui, et c’est un enjeu essentiel pour l’avenir. C’est une question sur laquelle les jeunes s’engagent et c’est un défi qu’ils vont devoir relever. Il faut les équiper pour cela.
Si nous pensons que les enseignants ont un rôle essentiel à jouer pour que les jeunes y parviennent, nous devons exiger qu’ils/elles soient soutenu·es dans leur développement professionnel, et ce dès leur formation initiale.
L’éducation au développement durable nécessite une approche fondamentalement différente de l’apprentissage traditionnel : approches interdisciplinaires, approche globale à l’échelle de l’établissement, approche pratique fondée sur des actions concrètes.
Les personnels d’éducation ont donc besoin de soutien et de formation pour adapter leurs méthodes d’enseignement.
Comment le CSEE peut-il travailler avec d’autres syndicats (hors éducation) ?
Pour certains syndicats, ceux dont les membres produisent des combustibles fossiles, il y a des préoccupations immédiates concernant les emplois et réussir une transition écologiste « juste » est une question centrale. Les syndicats de l’éducation doivent respecter ce défi. Nous pouvons collectivement soutenir des politiques progressistes en veillant à rester unis sur cette question.
Il y a aussi des exemples de syndicats qui ont permis de faire entrer cette question du développement durable et de la protection de l’environnement dans leurs conventions collectives. Ceci, grâce à l’action conjointe avec d’autres syndicats publics. (au Danemark par exemple).
Quelles sont les recommandations du CSEE pour l’éducation à l’environnement ?
Le CSEE et l’Internationale de l’éducation (Teach4thePlanet) ont préconisé une gamme complète d’initiatives politiques que l’on peut trouver sur nos sites web. Les plus cruciales sont le financement public, la formation professionnelle initiale et continue des enseignant·es et l’implication des syndicats de l’éducation dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des politiques en la matière à tous les niveaux (européen, national et local).
Il appartient aux organisations membres d’aborder ces questions au sein de leurs systèmes éducatifs, et, nous l’espérons, de trouver un accord avec leur gouvernement pour que cela soit mis en œuvre dans leur système éducatif en tenant compte des spécificités nationales et/ou régionales.