Interview parue dans le dossier "Contractuels" de Profession Éducation, le mensuel du Sgen-CFDT, n° 270 (août-septembre 2019). Catherine Nave-Bekhti est secrétaire générale du Sgen-CFDT.
Quelle est la place des contractuels à l’Éducation nationale ?
L’Éducation nationale emploie beaucoup de personnels contractuels, dans presque tous les métiers et à tous niveaux de responsabilité. Ainsi, en 2017-2018, le bilan social de l’Éducation nationale recense près de 200 000 agents non-titulaires. Ces agents représentent donc 17 % des personnels du ministère et sont, pour 70 % d’entre eux, des femmes. Chez les personnels non-enseignants, les contractuels représentent plus de 50 % des personnels et sont à 75 % des femmes. Pour le Sgen-CFDT, améliorer les conditions d’emploi des personnels contractuels, réduire leur précarité alors que l’immense majorité est en contrat à durée déterminée, constituent aussi des enjeux d’égalité professionnelle. Les progrès que nous devons continuer à construire pour tous les contractuels bénéficieront en effet en majorité à des femmes.
Pourquoi le ministère recourt-il à l’emploi non-titulaire ?
Les raisons du recours à des personnels contractuels sont le plus souvent le manque de personnels titulaires pour produire le service public d’éducation. C’est le cas notamment pour les emplois administratifs, sociaux, médicaux et de santé, d’enseignement et d’éducation. Cette situation est révélatrice du manque d’attractivité de l’Éducation nationale. Pour certains métiers, l’emploi de contractuels vise à attirer des compétences très spécifiques. Enfin, pour certaines missions, il n’existe que des emplois contractuels. C’est en particulier le cas des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH).
Que va changer la loi de transformation de la fonction publique pour ces agents ?
La CFDT Fonctions publiques a pesé pour que le projet de loi soit porteur de progrès pour les personnels contractuels et de plus grande responsabilité pour l’État employeur.
Elle a obtenu la création d’une indemnité de fin de contrat pour les contractuels ayant des contrats de moins d’un an et une rémunération inférieure à un seuil qui sera fixé par décret. Si cela ne recouvre pas encore exactement ce que nous revendiquions, c’est néanmoins une première avancée. Le Sgen-CFDT veillera à ce que la rédaction des décrets n’exclue pas l’Éducation nationale du champ d’application de cette indemnité.
La loi ancre le principe que l’ancienneté pour le passage de CDD en CDI soit cumulative au sein du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public. Cela peut permettre de faire reculer la précarité. En effet, nous étions souvent saisis par des contractuels qui, à chaque changement d’établissement, voyaient s’éloigner la perspective de passage en CDI. Pour le Sgen-CFDT, il faut aussi que cette disposition signe la fin de la remise à zéro des compteurs à chaque changement d’académie par exemple.
L’action syndicale n’est donc pas terminée ?
Nous ne sommes pas naïfs, nous savons bien qu’il faudra nous impliquer localement et nationalement pour que ces principes soient réellement mis en œuvre. Nous ne savons que trop que des services ont eu pour consigne de ne pas maintenir l’indemnité compensatrice de la hausse de la CSG lorsqu’ils ont repris la gestion des AESH. Changement d’employeur, changement de contrats et pas de continuité des éléments de rémunération alors que la même personne allait poursuivre le même travail. Il faut dire qu’en réalité la gestion de contractuels plus nombreux est difficile pour des services administratifs dont les secteurs RH sont avant tout pensés pour la gestion de fonctionnaires. Difficile aussi tant ces services sont en manque de personnels.
Bref, la loi de transformation de la fonction publique porte des dispositions qui doivent améliorer les conditions d’emploi des agents contractuels. Cependant, nous savons que l’employeur public a beaucoup de progrès à faire pour pratiquer une gestion plus humaine de ces personnels dont le rôle est essentiel à la qualité du service public d’éducation.
Y a-t-il d’autres évolutions qui concernent les contractuels de l’Éducation nationale ?
Sylvie Cluzel et Jean-Michel Blanquer ont pris des mesures concernant les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), qui sont des contractuels. L’objectif visé est de poursuivre un mouvement de déprécarisation long, et pour l’instant trop lent. Au tournant des années 2010, le Sgen-CFDT avait œuvré pour créer l’emploi d’AESH en y garantissant du temps de formation. Cependant, l’État avait continué de recruter en contrat unique d’insertion (CUI) sur ces missions. Dans un premier temps, le gouvernement actuel a souhaité mettre un terme aux CUI sans prévoir la suite pour les personnels assurant l’accompagnement des élèves en situation de handicap dans les écoles, collèges et lycées. Cela avait mené à de nombreuses ruptures de contrats sans que les personnes soient systématiquement reprises sous un autre statut. Le ministère veut développer et donner corps à la formation des AESH. Dans le cadre des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial), le Gouvernement cherche des moyens pour rapprocher le temps de travail des AESH d’un temps plein afin de leur permettre d’accéder à une rémunération décente. L’autre intérêt des Pial est d’intégrer pleinement les AESH au travail en équipe auprès des élèves et de leur famille. Le Sgen-CFDT a cependant clairement rappelé au ministère que la mutualisation ne pouvait pas être systématique, notamment parce que le respect des notifications de la Maison départementale de la personne handicapée doit primer.