Le Sgen-CFDT a milité pour une évolution de l'évaluation des enseignants, dans le 2nd degré comme dans le 1er degré. L'accord PPCR va permettre de mettre en œuvre des évolutions majeures.
Christine Vallin et Christophe Prath, tous les deux IEN dans le département du Nord, analysent ces évolutions.
La responsabilité demande une implication réfléchie, pas une application subie.
Quel avis portez-vous sur la suppression de la note pédagogique et administrative des enseignants ?
L’évolution de notre système éducatif prône un enseignement et une évaluation explicites des élèves, il est nécessaire que ces mêmes conditions aient cours quand on aborde l’évaluation et l’accompagnement des enseignants.
La question de la note a toujours été sujet de discussion entre les inspecteurs. Permet-elle de refléter la qualité de l’action ou de l’engagement de chaque enseignant ? Peut-on réellement rendre compte de la multitude des compétences attendues chez un enseignant, aujourd’hui, par une simple note ? Le fait de décrocher l’évolution de carrière des enseignants de la note d’inspection est une avancée importante. En plus d’éviter le risque d’iniquité, cela permet de valoriser le déroulement de carrière de chacun tout en ménageant la capacité des corps d’inspection à accompagner les enseignants ou les équipes au plus près du terrain.
Quel intérêt trouvez-vous à ce que l’enseignant prépare son rendez-vous de carrière ?
Tout ce qui permet à un enseignant de ne pas avoir l’impression de subir une évaluation, parait aller dans le bon sens. Le bon sens, c’est un travail autour de règles négociées entre deux professionnels de l’éducation en responsabilité de la réussite des élèves. Cette responsabilité demande une implication réfléchie, pas une application subie. Préparer un rendez-vous de carrière, s’interroger sur ses choix professionnels, tout au long de sa vie, paraissent donc tout à fait adaptés.
Est-ce que ces pratiques étaient déjà initiées par les évolutions de l’inspection avant l’accord PPCR ?
Oui, nous sommes nombreux à nous dire que nous avions déjà mis en place des pratiques d’inspection qui nous paraissaient propres à éviter le sentiment d’infantilisation souvent mis en avant par les enseignants, avec des documents de préparations plus réflexifs que statistiques, des entretiens privilégiant la parole de l’enseignant, des questionnaires post-inspection permettant de prendre conscience d’une inspection qui n’aurait pas atteint son objectif.
Il faut aussi penser aux évaluations d’école ou d’unités pédagogiques qui n’interrogent pas seulement la pratique d’un enseignant mais les choix d’une équipe, les gestes professionnels partagés, les projets. L’ensemble des acteurs (y compris élèves et familles) se déclarent intéressés par la dimension d’implication collective présente dans cet autre processus d’évaluation.
Dans le 1er degré, l’absence de double regard est-elle un handicap ? Quelles propositions feriez-vous ?
Il est nécessaire pour un inspecteur, parce qu’il est investi d’une mission par une institution, de toujours… inspecter son action. Ainsi, se demander si cette action n’est pas gouvernée par un pouvoir qui s’affranchirait de règles éthiques relationnelles, ou par une subjectivité non maitrisée permet de parler déjà d’un double regard, à l’intérieur d’un regard.
Mais il est aussi toujours possible de demander à un collègue expert en maternelle, ou issu du champ du handicap, à un collègue IA-IPR, de participer à des inspections conjointes.
Cette question interpelle, toutefois, sur le statut des directeurs d’école. En effet même s’ils ne participent pas directement au processus d’inspection, ils sont souvent les témoins de l’engagement quotidien des enseignants inspectés et à ce titre, entre autres, bénéficient de l’oreille attentive des IEN.
Concernant l’accompagnement des personnels, quelles suggestions pour apporter de l’aide à un enseignant en difficulté ?
Ces situations sont toujours difficiles, voire douloureuses, autant pour l’enseignant que pour l’inspecteur.
Yves Clot, dans Le travail à cœur, ou dans La fonction psychologique du travail parle des multiples situations où le travail meurtrit, ou au contraire enrichit, grandit.
Une situation problématique est une situation complexe, qui s’est installée souvent sur des années, dont l’origine est multifactorielle…
Avant toute action dans l’accompagnement d’un enseignant en difficulté, il est nécessaire de bien s’en souvenir pour ne pas juger et agir hâtivement Ensuite, bien se souvenir aussi qu’une situation problématique est une situation complexe, qui s’est installée souvent sur des années, dont l’origine est multifactorielle : elle n’évoluera pas avec des solutions simplistes et radicales. Sans doute est-il indispensable aussi de penser l’accompagnement de manière collective, et d’engager une dynamique avec implication de la personne, de l’équipe de circonscription, de l’équipe de l’école par exemple à travers des projets qui portent et rendent chacun plus compétent.
Les inspecteurs et les chefs d’établissement ont-ils besoin de formation dans le cadre de la nouvelle évaluation ?
Sans doute est-il besoin d’un cadre plus guidant que celui qui existe en ce moment, qui dépend parfois de chaque inspecteur, ou répond à des directives départementales : afin d’éviter sentiment d’incertitude, d’inquiétude voire d’iniquité. Peut-être, faudrait-il penser aussi à des temps communs de concertations entre inspecteurs et enseignants, pour que l’on entre de plain-pied dans une contractualisation de l’inspection entre tous les acteurs, avec des temps de bilans et régulations ? Ainsi s’ouvrira une ère nouvelle pour l’inspection… et peut-être pour d’autres champs de travail inter-catégoriels.