Construire le parcours des élèves nécessite que les professionnel.le.s puissent travailler ensemble et échanger. Le conseil école-collège est un des outils. Dans le réel, l'absence de pilotage et de moyens pour reconnaitre le travail des personnels engagés dans cette liaison réduit les possibles.
Sabah Athimni est principale du Collège « Les Gaudinettes » à Marange-Silvange en Lorraine. Laurent Vatan est, lui, professeur des écoles de CM1/CM2 à Donnery dans le Loiret. Tout deux ont accepté de croiser leurs regards autour de la Liaison école-collège. Cette liaison doit pour tous les deux prendre une autre dimension tant le besoin de communication entre les équipes professionnelles est nécessaire.
– Pourquoi, selon vous, la liaison entre le CM2 et la 6ème est essentielle dans la construction du parcours de l’élève ?
Sabah : La liaison CM2 -6ème (et plus largement la liaison école-collège ) est essentielle. Elle est trop souvent bâclée ou limitée à quelques échanges ponctuels en début et en fin d’année scolaire. Pourtant, la liaison doit être travaillée pour éviter, limiter la rupture dans le parcours de l’élève :
– au niveau pédagogique /éducatif : dans le cadre du cycle 3 , il est nécessaire de travailler à une harmonisation des modalités d’évaluation des compétences CM1 ( évaluations nationales) CM2 ( constitution des groupes de niveau pour l’entrée en 6ème – si la mesure est maintenue) 6ème (évaluations nationales).
– elle ne peut se limiter à la classe de CM2. Il est opportun de développer des projets pédagogiques/ éducatifs avec les toutes les classes du CP à la 3ème pour renforcer les liens et donner du sens aux liaisons école-collège ( concours, défis lecture, activités sportives …)
Laurent : elle est en effet essentielle à plus d’un titre et devrait permettre d’avoir une continuité du parcours de l’élève en permettant :
- De rassurer les élèves et les aider à se projeter dans leur année de 6ème.
- D’assurer une continuité dans les comportements et les apprentissages.
- D’éviter les ruptures qui mettraient les enfants en situation de difficulté à leur entrée en 6ème.
- De remédier aux incohérences dans les apprentissages.
- De favoriser la construction par les élèves, des compétences attendues, en travaillant à la création de liens porteurs de sens entre le premier et second degré, pour tous les acteurs.
- De positionner le collège dans la suite logique du parcours de l’élève.
- De rassurer les familles en montrant la continuité du parcours de l’élève.
Il s’agit également d’éviter les discontinuités de parcours qui sont liées aux spécificités des structures en elles-mêmes, qui vont impacter la construction du « métier d’élève » pour l’enfant et qui risquent à terme d’amener à « l’échec scolaire ».
Sabah : Je rajouterai que ces liaisons sont également essentielles pour accompagner au mieux les élèves , notamment les Elèves à Besoins Educatifs Particuliers dans le suivi des PAP ( Plan d’Accompagnement personnalisé), PPS (Projet Personnalisé de scolarisation pour les élèves porteurs de handicap), PPRE ( Programme personnalisé de réussite éducative) et autres PAI (Projet d’accueil individualisé pour des soins médicaux nécessitant des aménagements pédagogiques). Ainsi, le Livret Personnel d’Inclusion devrait être un outil utile de suivi du parcours des élèves.
– Quelles formes prennent – elles au sein de vos écoles et établissements ? Qui y participe ?
Sabah : Pour moi, l’impulsion doit venir de la direction du collège et de l’IEN de circonscription. Il doivent piloter les liaisons en impulsant des actions, en dégageant des temps de concertation aux PE /PLC et autres personnels.
Dans mon bassin, le Conseil Ecole/collège, animé par le CE et l’IEN , se réunit au moins trois fois dans l’année avec les Professeurs des écoles, les professeurs de collège, les AESH (accompagnant d’élèves en situation de handicap). Dans notre fonctionnement, un compte rendu avec un plan d’action pluriannuel est partagé avec les participants et des bilans réguliers sont réalisés. Les IA IPR (Inspecteur d’académie-Inspecteur Pédagogique Régional) de français et de maths sont invités pour travailler l’harmonisation dans l’évaluation des compétences.
IL y a ensuite une réunion d’harmonisation qui se réunit début juillet pour préparer la rentrée entre PE de CM2 et Professeurs principaux de 6ème. On y regarde les bilans des compétences des élèves, leur comportement avec une attention particulière sur les EBEP.
Dans le cadre des projets de liaisons, les PE et les écoliers viennent au collège.
Les PE interviennent également dans le dispositif « Devoirs Faits » et en soutien en 6ème dans la cadre du Pacte. A ce titre, ils sont invités en conseil pédagogique.
Laurent : pour ma part, cette liaison prend plusieurs formes :
- Visite d’établissement lors de la journée d’accueil des CM2.
- Intégration de nos élèves dans les cours de sixième.
- Journée portes ouvertes (accueil élèves/parents et rencontre avec l’équipe de direction)
- Rencontres sportives et découverte des différentes infrastructures sportives présentes dans l’établissement et aux abords (découverte également des trajet collège-infrastructures).
A partir de ces différentes modalités, on va retrouver les professeurs des écoles concernés par cette liaison, les professeurs d’EPS (Education Physique et Sportive). Lors de nos visite au sein du collège, les professeurs du collège accueillent les élèves de CM2 au sein de la classe.
Quelles limites voyez vous à cette liaison aujourd’hui ?
Sabah : Pour piloter les liaisons école-collège, il faut être 2, le Chef d’établissement seul ne peut mobiliser les PE. Le temps manque car il n’est pas fléché. Cela occasionne des problèmes de remplacement pour les PE, et une absence de reconnaissance financière avec notamment des réunions placées en fin de journée. Il faut aussi noter la charge de travail qui démotive et ne permet pas un investissement de qualité.
Laurent : Je dois dire que les élèves de CM2 attendent cette visite mais elle ne leur permet pas de tisser de réel lien avec le collège et d’en appréhender réellement le fonctionnement. Lors de nos liaisons, on voit bien la méconnaissance des professeurs de collège vis-à-vis du fonctionnement d’une classe en primaire. Il faudrait donc une liaison et un travail en amont pour permettre de sortir les élèves de l’anonymat quand ils arrivent au collège.
– Que devrait revendiquer le Sgen-CFDT pour les personnels pour rendre cette liaison plus attractive, efficace ?
Sabah : évidemment du Temps de concertation inscrit dans le service des enseignants PE/PLC. Il faudrait selon moi 1 heure par semaine mobilisable et capitalisable tout au long de l’année ou alors un volant d’heures pour rémunérer l’investissement de chacun.e
– un cadrage national plus fort au niveau des CEC (Conseil Ecole Collège)à réunir d’au moins trois fois dans l’année. Cela devrait s’accompagner selon moi, d’un plan de liaison à produire et à évaluer en Conseil Pédagogique – Conseil d’Administration – Conseil d’école en fin d’année scolaire.
Laurent : Si l’intérêt de cette liaison est certain, il faudrait pour moi :
- un cadrage plus « strict » pour les établissements hors rep.
- Davantage de temps de concertations et d’échanges entre professeurs des école et PLC pour apprendre à se connaître, « à s’apprivoiser » et créer un maillage relationnel entre les deux structures, maillage qui est la base pour avoir une liaison efficace. Ce temps est à prendre sur nos animations pédagogiques en incluant les PLC (Constellations par exemple)
- De vrais conseils de cycle 3 (CM1/CM2 et sixième) qui n’existent quasiment pas aujourd’hui.
- Des visites croisées Professeurs des écoles et de collège avec des échanges de services ( à voir avec les pactes ou proposer d’autres pactes « échanges de services »)
- Ne pas baser la liaison uniquement sur l’analyse des évaluations nationales car c’est trop réducteur et inefficace. Cette liaison ne doit en aucune cas induire un bachotage en amont pour préparer ces évaluations.