Artiste aux multiples talents, Olivier Ciappa a conçu en 2012 une exposition photographique, « Couples imaginaires », qui a alors fait beaucoup parler d’elle. Cinq ans plus tard, l’exposition circule toujours et continue de s’enrichir de nouveaux portraits.
Le projet des « couples imaginaires » a germé en réaction à la haine qui a commencé à se déverser au moment des débats sur le mariage pour tous. Je mesurais alors assez soudainement la méconnaissance terrifiante de certains concernant l’homosexualité et l’homoparentalité, mais j’étais aussi consterné par les fantasmes absolument ridicules que véhiculaient nombre d’opposants au projet de loi, qui mélangeaient tout et qui se croyaient autorisés à faire référence à la pédophilie ou à l’inceste.
Je me suis dit qu’il fallait en quelque sorte éduquer leur rétine.
C’est alors que j’ai songé à exposer dans l’espace public des photos qu’ils ne seraient jamais allés regarder d’eux-mêmes, des photos qui allaient favoriser la compréhension, une possible connexion émotionnelle grâce à leur douceur et leur tendresse – et pourquoi pas une possible identification. J’ai alors contacté les personnalités, les artistes et les sportifs.
L’exposition, qui a associé entre autres Aides, Le Refuge et SOS Homophobie, a circulé en France. Elle a été plusieurs fois vandalisée – à Toulouse, à Paris –, mais j’ai aussi noté à chaque fois un bel élan de solidarité de la population et des pouvoirs publics en réaction à ces dégradations.
Par la suite, l’exposition a voyagé dans le monde entier – Canada, Espagne, Allemagne, Brésil, Pérou, Liban, Slovaquie… –, suscitant des réactions différentes selon les pays. Très bien accueillie au Canada en 2015, elle m’a donné l’occasion de réaliser des clichés avec des artistes locaux. Mais au Pérou, les autorités religieuses ont loué une grande quantité de panneaux publicitaires pour concurrencer la mienne. Ils ont détourné les logos et l’intitulé de l’exposition pour la rebaptiser « Les vrais couples », et ont affiché sur les panneaux des photos avec des couples hétérosexuels et des enfants qui mimaient les pauses des sujets de mes photographies. « Voilà à quoi ressemble une vraie famille », pouvait-on lire…
J’avais également pour projet de faire voyager mon exposition dans des pays où l’homosexualité est pénalisée. Je n’ai pas abandonné cette ambition, mais c’est évidemment très compliqué à organiser, ce d’autant que je le fais sans le soutien des autorités diplomatiques…
Je ne savais pas que mon pays couvait autant de haine et d’homophobie, mais avec la Manif pour tous, il a bien fallu admettre que les vannes avaient été ouvertes. C’est d’ailleurs en partie à cause de cela que la procréation médicalement assistée (PMA) a été définitivement écartée : la crainte du gouvernement de remettre le feu aux poudres était trop forte. La Manif pour tous n’aurait alors pas manqué d’établir des liens plus que douteux entre PMA, gestation pour autrui (GPA) et… vol d’enfant !
Je ne savais pas que mon pays couvait autant de haine et d’homophobie…
Force est de constater que ce flot de haine ou parfois simplement de peur viscérale de l’autre ne s’est pas tari et qu’il circule à présent d’une minorité à l’autre, d’une différence à l’autre… Il suffit de voir ce qui s’est passé l’été dernier avec le burkini pour s’en convaincre.
Mais ce n’est pas un problème spécifiquement français : je suis en ce moment aux États-Unis et l’on voit, avec Donald Trump, la haine s’étendre comme une gangrène.
Les calendriers « Couples imaginaires » que je réalise et commercialise, financent pour partie l’installation, effectivement, d’expositions dans les établissements scolaires. Lorsque les fonds nécessaires sont récoltés, on procède aux tirages et à l’expédition – ce peut être très rapide à faire – auprès de l’établissement qui nous a sollicité.
C’est sans lien direct avec ces associations, mais un panneau rappelle la démarche artistique et les enjeux sociétaux du sujet. D’ailleurs, l’exposition est parfois intégrée à un projet pédagogique plus global, porté par un ou plusieurs enseignants. Quant à la réception… disons que l’École est une société en miniature…
Pour aller plus loin :
- La page Facebook de l’artiste
- Le site Internet d’Olivier Ciappa
Les Associations partenaires du projet :
- Aides, association de lutte contre le Sida
- Le Refuge, association qui propose un accompagnement et un hébergement aux jeunes LGBT jetés à la rue, et qui intervient dans les établissements scolaires
- SOS Homophobie, association qui lutte contre l’homophobie en publiant notamment un rapport annuel, et qui intervient en milieu scolaire
- Ardhis, association qui accompagne les demandeurs d’asile LGBT dans leurs démarches, et les couples binationaux LGBT
- La Ravad, association qui accompagne les victimes de discriminations et d’agressions liées à l’orientation sexuelle