Après un passage à l’Assemblée nationale, la proposition de Loi sur la démocratisation du sport a été examinée au Sénat. En amont, le Sgen-CFDT a été reçu en audience pour échanger avec les rapporteurs. L'occasion de rappeler les enjeux et les finalités de l'EPS à l’Éducation nationale.
Seule organisation syndicale enseignante présente lors de cette table ronde organisée par les sénateurs, le Sgen-CFDT a pu échanger autour des articles de la proposition de loi sur la démocratisation du sport. Sans véritable colonne vertébrale, ce texte parlementaire entend démocratiser la pratique du sport dans la société.
Abordant aussi bien la problématique d’accès aux sports des personnes porteuses de handicap, que celle de l’accès aux installations sportives des clubs, ou encore la pratique physique des enfants à l’école, le texte propose parfois de fausses bonnes idées et accentue certaines confusions. En cause, nous semble-t-il, une non-distinction des temps, des espaces et des finalités des formes de pratiques proposées aux jeunes. Mais aussi une méconnaissance des réalités de terrain, notamment dans l’exercice de l’EPS et de l’USEP dans le premier degré.
Offrir aux jeunes une pratique physique diversifiée, sur tout le territoire et non promouvoir un élitisme sportif…
En tout état de cause, pour le Sgen-CFDT, il ne s’agit pas de promouvoir un élitisme sportif avec pour seule ambition un affichage en vue des jeux olympiques de 2024. Il s’agit bien d’offrir aux jeunes une pratique physique diversifiée, sur tout le territoire.
Disponibilité et utilisation des infrastructures
Pour le Sgen-CFDT, la volonté de réactiver des instances et outils de recensement des infrastructures, et d’évaluation des besoins de chaque public sur chaque territoire, est intéressante. Ce travail de recensement, et de rénovation, de construction, nécessite un dialogue interministériel et inter-collectivités. De même, chaque acteur doit avoir connaissance des contraintes propres à chaque structure afin d’optimiser les répartitions.
Au regard de la réalité actuelle sur le territoire, les priorités seraient à reconsidérer selon deux axes :
Évaluer la qualité et le nombre des infrastructures
⇒ permettre à tous les groupes des écoles, collèges, et lycées de disposer d’installations adaptées et accessibles
⇒ dispenser à la fois les heures d’EPS et avoir des créneaux horaires pour les Associations Sportives et l’USEP.
Envisager le recensement des structures sportives appartenant à des établissements scolaires
⇒ permettre éventuellement de récupérer certains créneaux inoccupés sur des temps non scolaires et hors Associations sportives, à destination des clubs.
⇒ conventionner le partage de créneaux et la mutualisation des structures.
Pour le Sgen-CFDT, l’école étant obligatoire, les créneaux d’EPS (premier et second degré), ainsi que les temps d’AS et d’USEP, doivent être priorisés. Cette loi, malgré nos retours, ne le rappelle pas suffisamment.
Articulation des différents temps d’activités physiques de l’enfant
La proposition de loi envisage la création d’un nouveau dispositif : le plan sportif local.
Pour le Sgen-CFDT, un nouveau dispositif ne semble pas nécessaire, voire paraîtrait contre-productif. En effet, Le projet éducatif de territoire (PEdT) permet déjà, par sa définition, de s’intéresser aux temps scolaires, périscolaires et extrascolaires. C’est bien dans cet espace que doit se construire le parcours de l’élève par rapport à sa pratique physique. À ce titre, il semble urgent d’améliorer l’actuelle iniquité d’infrastructures sur le territoire.
Beaucoup d’équipements, notamment en zone rurale, ne peuvent permettre certaines pratiques. Soit parce qu’elles nécessitent un équipement particulier, soit du matériel particulier. La non prise en compte de cette inégalité favoriserait donc des activités plus « médiatiques » et très souvent sportives. Cela, au détriment de la découverte de pratiques physiques et/ou artistiques moins répandues. Il convient donc que cette proposition de loi favorise une véritable réflexion territoriale facilitant l’accès à tous d’une offre diversifiée (pour les temps scolaires, périscolaires et/ou extrascolaires).
Finalités et enjeux éducatifs de ce texte
Le texte de loi sur la démocratisation du sport tend à mélanger les différents temps d’expression corporelle pour l’enfant et le jeune :
- Ceux du temps de l’école en général, ceux de l’EPS, de l’AS et de l’USEP
- Ceux, extra scolaires, consacrés aux différentes activités physiques et sportives, pratiquées au sein des clubs ou des associations.
Il en découle une confusion dans les finalités, les acteurs, les temps et les formes de pratiques à proposer.
Pour le Sgen-CFDT, lorsque les circulaires s’adressent au public scolaire, et aux temps scolaires, elles doivent s’inscrire dans des finalités propres à l’Éducation nationale. En outre, il convient de distinguer ce qui relève de l’organisation globale de l’École, pour une prise en compte de la santé et du bien-être des jeunes dans leur dimension corporelle, émotionnelle, psychique. Et ce qui relève des apprentissages moteurs. Sur ce point, les enseignants doivent être considérés comme les responsables pédagogiques de ces enseignements.
Loi sur la démocratisation du sport : Un vocabulaire ambigu
Nous avons insisté lors de l’audience sur les précautions à prendre dans le vocabulaire employé dans les circulaires. En effet, les termes de « pratiques sportives », de « parcours sportif » étaient employés de façon quasi univoque. Ce qui a comme conséquence d’exclure, de fait, un grand nombre d’autres pratiques physiques. Les pratiques artistiques, les arts martiaux, les pratiques circassiennes, sont susceptibles d’offrir aux enfants et élèves d’autres types d’expériences motrices, et relationnelles. La version adoptée au Sénat parle davantage d’activités physiques et sportives.
La seule relation d’opposition, régie en outre par une organisation compétitive fédérale, ne peut et ne doit définir l’ensemble des expériences motrices scolaires. Pour le Sgen-CFDT, les différentes formes de relations sont à explorer. De plus, l’EPS doit rendre les jeunes conscients des modes de relation à soi-même, aux autres, et à l’environnement. Engagés dans les différentes formes de pratiques, ils peuvent à terme se situer et choisir.
Un texte flou qui semble ne pas prioriser l’EPS
Cette proposition de loi sur la démocratisation du sport, qui envisage de façon uniforme tous les temps et champs d’expérience motrice de l’enfant, interpelle. Le Sgen-CFDT a tenu à rappeler les singularités de chaque espace d’intervention. S’il y a objet commun dans l’expression corporelle, les enseignants ne poursuivent pas les mêmes finalités que les structures extra-scolaires. Ces activités ne sont pas mises en œuvre avec le même public. Elles s’inscrivent dans des temporalités spécifiques et ont leurs propres objets d’enseignements (qui ne se résument pas aux activités sportives). De fait, penser l’ensemble de ces espaces d’activités physiques comme un continuum nous interroge.
Pour le Sgen-CFDT, il est important d’éclaircir la réflexion commune. Il faut prioriser les actions de l’État sur ce champ large de l’offre des activités physiques. L’École s’adresse à tous les jeunes. Elle reste, pour la pratique physique et l’acquisition d’un regard réflexif et critique sur celle-ci, le principal acteur éducatif.