Au delà des contenus d'enseignement, l'interdisciplinarité touche à l'identité professionnelle, aux pratiques pédagogiques, aux formes de travail dans les établissement et à leur autonomie...
Veille et analyse, Institut Français de l’Éducation (IFÉ) : dossier de veille, mars 2015 – Catherine Reverdy – compte-rendu.
Au delà des contenus d’enseignement, l’interdisciplinarité dans le secondaire touche :
- à l’identité professionnelle (définie par l’appartenance disciplinaire),
- aux pratiques pédagogiques qui devront être explicitées, partagées,
- aux formes de travail dans les établissement qui devront être collectives,
- à l’autonomie des établissements (avec des choix locaux sur projets interdisciplinaires).
D’où des débats complexes autour de cette question…
LA RECHERCHE SUR L’INTERDISCIPLINARITÉ :
« Les matières scolaires sont définies comme des constructions sociales organisées autour de contenus (transposés de la discipline académique si elle existe ou des pratiques sociales de référence pour la technologie par exemple), mais aussi autour des finalités éducatives et des contraintes scolaires (orientations didactiques, moyens pédagogiques).
Toute matière scolaire est historiquement définie et portée par un corps professionnel qui l’incarne, dans une logique de protection de son territoire par rapport aux autres matières ».
CONSTAT : PEU DE PRATIQUE INTERDISCIPLINAIRE DANS LES ÉTABLISSEMENTS, PLUTÔT DES PROJETS PLURIDISCIPLINAIRES.
Définitions :
- la pluridisciplinarité est la juxtaposition de deux ou plusieurs matières scolaires en vue d’un même objectif. Le travail sur les contenus reste cloisonné entre les matières, même si l’organisation du travail peut être commune ;
- l’interdisciplinarité suppose une réelle interaction entre les matières (par exemple sous forme d’un modèle commun qui prenne en compte les logiques des matières) et, pour l’élève, elle suppose une intégration « fluide », continue des processus d’apprentissage ou des savoirs issus des différentes matières ;
- la transdisciplinarité est une interaction au-delà des matières, puisque l’objectif est l’intégration de tous les savoirs d’une question complexe (comme l’éducation au développement durable qui englobe des savoirs de plusieurs matières mais qui se situe dans une perspective plus globale).
La formation disciplinaire des enseignants reste concentrée sur les contenus et n’aborde que peu ces questions sur les contours et logiques des disciplines : ce manque de connaissance rend difficile le dialogue entre les matières.
Les questions complexes sont morcelées et leur vision globale reste à la charge de l’élève. Pour ne rien arranger, l’organisation des établissements reste en France centrée sur la classe, et la forme scolaire, très rigide, empêche les questions complexes d’être traitées comme un tout.
COMMENT DÉPASSER CES OBSTACLES ANCRÉS DANS LA FORME SCOLAIRE ET DANS L’IDENTITÉ DISCIPLINAIRE ?
Pour dépasser ces contraintes fortes, une solution réside peut-être dans le choix des contenus interdisciplinaires, qui doit avoir pour objectif non de faire de l’interdisciplinarité pour faire travailler des enseignants de disciplines différentes ou pour décloisonner les pratiques pédagogiques (point de vue enseignant), mais de traiter une question complexe auxquelles les deux matières ne peuvent répondre chacune de leur côté (point de vue élève).
Se concentrer d’abord sur les contenus interdisciplinaires
Cela nécessite une complémentarité des approches, à niveau égal, sur un sujet précis qui répond bien aux programmes et préoccupations de chaque matière. Ces questions complexes ont souvent également besoin pour être abordées d’un certain degré d’engagement des enseignants et d’une formation à un point de vue global, au-delà de leurs matières. L’apport de partenaires extérieurs spécialistes des questions complexes et amenant un point de vue a priori non disciplinaire peut également alimenter la réflexion commune.
Inscrire les contenus interdisciplinaires dans un projet
C’est bien d’apprentissage par projet qu’il s’agit ici, puisque l’objectif pédagogique est de répondre à une problématique en se servant des savoirs de plusieurs matières et d’arriver à une production finale.
- L’interdisciplinarité à travers un projet : plus qu’une thématique, une problématique et une réalisation. L’idée de se concentrer sur une problématique permet d’aborder l’ensemble de la complexité des contenus interdisciplinaires, ce qui n’est pas toujours le cas dans une approche thématique, souvent morcelée et qui peut aboutir alors à un projet pluridisciplinaire.
- Une autre posture pour les enseignants : guider les élèves pour construire, mener et évaluer un projet.
- Faire des « mini-projets » pour habituer les élèves à « se projeter » La critique faite aux projets est souvent celle du temps. L’idée est de faire des petits projets en limitant volontairement les objectifs d’apprentissage liés aux projets, en limitant l’ambition de la réalisation finale, pour habituer les élèves à travailler sur des problématiques diverses, à « se projeter » pour arriver jusqu’au bout d’une réalisation.
Partir des projets existants dans l’établissement
- Échanger et construire sur des projets existants (souvent pluridisciplinaires) pour venir à l’interdisciplinarité
Cela peut également être l’occasion d’exploiter des caractéristiques particulières de l’établissement ou des problématiques locales (intervention de parents ayant des compétences particulières, lien avec le jumelage de la commune, amélioration de l’environnement proche des élèves, etc.). - Inscrire les contenus du travail collectif des enseignants dans le projet d’établissement
Le travail autour du projet d’établissement permet de définir un cadre et des objectifs communs pour tous les projets organisés dans l’établissement. Le travail collectif des enseignants doit être aussi soutenu et encouragé et, pour être efficace, centré sur les préoccupations pédagogiques et apporter une plus grande souplesse dans l’organisation (à la fois pour chaque projet et pour les moments d’échanges entre collègues).
Développer la formation des enseignants
- une mise à disposition de ressources dédiées (aussi bien du côté pédagogique que du côté des ressources matérielles, dans l’établissement) ;
- une formation initiale et continue aux questions complexes (au-delà du coeur de leur discipline) pour permettre aux enseignants de maîtriser les problématiques globales ;
- un entraînement à l’engagement, à une « impartialité engagée » (Simonneaux, 2006), pour mieux guider les élèves à se positionner eux-mêmes face à des questions complexes ;
- un accompagnement au long cours, dans les établissements, pour aider à la mise en oeuvre et soutenir des projets des équipes pédagogiques.
Pour aller plus loin