Mise en œuvre du Plan Étudiants : Le Sgen-CFDT et la La Fage écrivent à la Ministre de l’Enseignement supérieur de la Recherche et de l’Innovation pour lui soumettre leurs questionnements et attirer son attention sur certains points de vigilance.
Fiche avenir, définition des attendus par les établissements, mise en place des Parcours d’accompagnement personnalisé… Pour que la philosophie de la loi soit respectée, la Fage et le Sgen-CFDT demandent à la Ministre de l’Enseignement supérieur de la Recherche et de l’Innovation d’apporter des précisions y compris par la voie réglementaire.
Paris, le 30 janvier 2018
Madame Frédérique Vidal
Ministre de l’Enseignement supérieur,
de la Recherche et de l’Innovation
21 rue Descartes
75231 Paris Cedex 05
Madame la ministre,
Pour la FAGE et le Sgen-CFDT, le Plan Étudiants revêt une ambition nouvelle pour notre système d’enseignement supérieur en mettant l’accent sur l’innovation pédagogique, l’orientation et la réussite des étudiants. Il permet par ailleurs l’amélioration des conditions de vie étudiante mais surtout, il garantit le libre accès aux études supérieures et l’ouverture de l’Université par l’instauration du principe du “dernier mot au bachelier”. Si les ambitions sont claires et partagées, des inconnues pavent encore le chemin et les tentatives de dévoyer la réforme sont nombreuses. Il est donc important pour nos deux organisations de vous interpeller, Madame la ministre, sur certains éléments.
La fiche avenir est présentée comme un dispositif original et formalisé des vœux du lycéen. Seulement, pour nos organisations, elle est en réalité en rupture complète avec la philosophie de la loi. Alors que les attendus se déclinent en compétences, la fiche avenir met en avant les notes des lycéens déjà disponibles sur les bulletins scolaires, leur classement, et accorde une importance limitée à des “éléments d’appréciation” qui restent très généraux (méthode de travail, autonomie…). Rien n’est repris du livret scolaire lycéen que les professeurs de lycée doivent déjà remplir, qui positionne l’élève en quatre niveaux de maîtrise sur les compétences majeures de chaque discipline, compétences régulièrement travaillées en classe et donc que les enseignants sont en mesure d’évaluer. La place consacrée au projet de l’élève est réduite alors que ce devrait être le mode d’entrée et la base de cette fiche d’orientation. Rien n’est conçu pour repérer les besoins des futurs étudiants et construire les parcours personnalisés, au risque de voir apparaître par exemple des tests de positionnement comme outils uniques pour identifier les besoins. Ainsi, il est primordial pour nos deux organisations de voir cette fiche évoluer, en reprenant les éléments du livret scolaire lycéen.
Les attendus constituent la contre-proposition de la FAGE face aux prérequis. Ces derniers auraient rendu possible le refus de l’inscription d’un jeune dans une formation qui ne serait pas en tension. Les attendus quant à eux sont le meilleur moyen de permettre d’identifier les bacheliers les plus fragiles, susceptibles d’échouer et de décrocher de leur cursus. Nos deux organisations ont milité pour l’élaboration d’un cadrage national, que nous avons réussi à obtenir, pouvant être reprécisé par la suite dans chaque université selon les spécificités locales. Cependant, nous observons, depuis que les travaux ont commencé dans les universités, que de nombreux établissements ne respectent pas la philosophie du texte en créant des attendus qui s’apparentent finalement à des critères de sélection, n’ayant pas lieu d’être. Par exemple, certains attendus font référence à une seule série de baccalauréat, ou bien à une lettre de motivation et un curriculum vitae… Cela est totalement contraire à l’esprit de la réforme et nous ne pouvons l’accepter. Il serait utile que le Ministère intervienne afin que l’autonomie des Universités ne devienne pas “indépendance” et que ces dernières polarisent les établissements dans une définition incohérente et injuste des attendus.
Par ailleurs, de nombreux responsables de formations ne souhaitent pas élaborer d’attendus locaux et veulent se référer aux seuls attendus nationaux. La déclinaison des attendus n’a que pour seul intérêt que de s’adapter à des particularités locales précises, mais cela n’a pas été compris. Des éléments de clarification de votre part permettraient de leur confirmer cette possibilité et de réaffirmer la philosophie de ces attendus…
Ensuite, du fait de la non ordination des vœux sur la nouvelle plateforme, de nombreuses formations vont être en “tension artificielle” sur les premiers jours des réponses des établissements. Ainsi, une période de stress va s’installer chez les lycéens qui vont pour beaucoup se retrouver “en attente” alors que leur formation n’est pas une filière en tension. En faisant apparaître, de manière artificielle, toutes les formations comme étant en tension, cela risque de contraindre les différentes filières à produire un classement des dossiers. Non seulement cela contredit l’esprit de la réforme, mais c’est générateur d’une surcharge de travail pour les personnels des Universités.
La FAGE et le Sgen-CFDT sont inquiets de cette situation.
Il est ici nécessaire que le Ministère anticipe tous les scénarios possibles sur d’éventuels dysfonctionnements du nouvel algorithme et donne les moyens, organisationnels et financiers aux établissements, de garantir l’accueil de tous les étudiants à la rentrée 2018, dans une formation de leur choix. Il est également indispensable que soit reconnu le travail de tous les personnels.
De plus, la mise en place des parcours d’accompagnement personnalisé est un élément central de la réforme. Cependant, à l’heure actuelle, très peu d’universités seront en mesure de proposer ces dispositifs. De nombreux établissements font état des problématiques financières (en particulier ceux en PRE) qu’ils rencontrent et donc leurs difficultés à mettre en place des parcours individualisés afin d’assurer aux étudiants un accompagnement pour la réussite. Face à une communauté Universitaire navigant dans le flou, il est indispensable d’indiquer de manière claire les modalités de financement des parcours d’accompagnement personnalisé dès la rentrée 2018. La réforme du Plan Étudiants, ne sera un progrès que lorsque les moyens financiers seront à la hauteur et cela dans la durée. La FAGE et le Sgen-CFDT vous rappellent l’impératif d’investir un milliard d’euros par an dans le budget de nos Universités.
Pour finir, puisque nous attendons encore beaucoup de précisions par la voie réglementaire. Afin d’entretenir un dialogue social efficace comme cela est le cas depuis les concertations d’octobre dernier, les partenaires sociaux ont besoin du calendrier et de la méthode de travail que vous avez retenue pour les discussions sur la réécriture de l’arrêté licence, cadre national des formations et de l’ensemble des décrets et arrêtés à venir.
Nous espérons, Madame la Ministre, que vous pourrez répondre aux questionnements de nos deux organisations, qui soulèvent ici les points de vigilance qui nous tiennent en alerte.
Nous vous prions de bien vouloir agréer, Madame la ministre, l’expression de notre plus haute considération.
Jimmy Losfeld
Président de la FAGE
Franck Loureiro
Secrétaire général adjoint du Sgen-CFDT