Le SNAMSPEN analyse les résultats de l'enquête nationale destinée à rendre compte des exercices professionnels, et des aspirations des médecins qui se sont engagés, pour la promotion de la santé des élèves et à authentifier le mal être qui nous semblait important….
L’enquête confirme la gravité du mal être dans l’exercice professionnel des médecins scolaires.
L’inadéquation entre le travail prescrit par l’administration, et l’aspiration des médecins est tangible.
Il y a une perte de sens du travail, les missions pour lesquelles les médecins s’étaient engagés en priorité sont devenues irréalisables.
Une organisation du travail inadaptée
La répercussion des dysfonctionnements en matière d’organisation du travail est majeure sur la santé de ces professionnels avec 45% de troubles du sommeil liés au travail, 25 % qui ressentent une angoisse pour aller travailler. 31% seulement affirment qu’ils exerceront encore ce métier d’ici 3 ans.
Rien ne va plus !
Les conditions matérielles, le logiciel médical imposé (qui ne convient pas pour 77% des médecins), les salaires insuffisants qui entretiennent la pénurie, des missions cantonnées aux études de dossiers , ou pour satisfaire à une réglementation qui ne sert pas la promotion de la santé…Tout s’oppose pour beaucoup à un exercice médical qui fait sens.
Missions impossibles
Les médecins ayant répondu à notre enquête, pratiquement tous titulaires, jeunes et moins jeunes, se sont engagés pour exercer selon une circulaire de missions basée sur la promotion de la santé des élèves, et conformément à leur formation à l’ EHESP propre à développer l’expertise clinique sur les troubles des apprentissages, l’école inclusive.
Ils aspirent dans cette enquête à ce travail d’exercice clinique servant la promotion de la santé ou pour conseiller les équipes pédagogiques : comment penser recruter de nouveaux médecins et les garder dans ces conditions de travail ? Les médecins pensent que les 2 premiers leviers pour recruter seraient un meilleur salaire et une meilleure organisation du travail (respectivement pour 98,7 % des médecins, et 47,1% )
Un ministère défaillant pour les médecins scolaires
66 % des médecins pensent que les missions de promotion de la santé seraient mieux respectées sous une autre tutelle que celle de l’éducation nationale.
N’est -il pas temps, vraiment, d‘offrir aux élèves, d’abord enfant et adolescent, un vrai pôle médicosocial de proximité, organisé par la tutelle du ministère de la santé au bénéficie du bien-être de l’enfance et de l’adolescence et de leur santé physique et mentale ?
L’accès au bien-être , à l’éducation, à la protection, dans tous les milieux de vie, notamment à l’école est un droit de l’enfant.
Il ne suffit pas, de façon démagogique, d’être élève dans un établissement pour être en état de bien-être et dans un cursus apprenant ! Les médecins scolaires encore présents sur les bassins d’éducation le constatent au quotidien.
Il est temps de faire respecter l’exécution des missions de promotion de la santé portées par la médecine scolaire. Ce sont des missions d’importance, qui ne préoccupent décidément pas le ministère de l’ Éducation nationale.
Ce ministère malgré un discours rodé depuis 10 ans, a laissé s’éteindre le corps des médecins de l’éducation nationale tout en utilisant les crédits qui leurs sont affectés.
Nos collègues infirmières et du travail social commencent elles aussi à se détourner de l’éducation nationale.
Une organisation du travail pour palier au manque de personnel… mais qui oublie l’élève…
C’est une vraie désertion des professionnels du pôle santé social, faute de reconnaissance et d’organisation du travail.
Pourtant les besoins d’accompagnement des professionnels, des familles, et les diagnostics médicaux à faire devant des enfants différents aux besoins particuliers à préciser, ne cessent de se majorer..
Faute de médecins scolaires en nombre suffisant, des organisations en brigade, ou en commissions, sont mises en place au sein des inspections ou des bassins d’éducation afin de valider les documents nécessaires au bon fonctionnement administratif des inspections ou des établissements.
Sur certaines académies ou plus des ¾ des médecins font défaut, on organise ces derniers en plateforme téléphonique pour répondre aux chefs d’établissement et directeurs…
Le contact avec l’élève et sa famille pour un examen clinique mobilisant à bon escient l’expertise du médecin scolaire, se fait de plus en plus rare.
Qui alors se préoccupe de faire les diagnostics médicaux après examen clinique et tests pour favoriser ou rétablir le bien-être et la réussite des élèves ?
Décidément, les médecins ne servent plus que l’administration et les adultes de l’école, mais de moins en moins les besoins des élèves !
L’administration de l’ EN nous impose désormais un travail administratif pour contrôler ce qui est déjà fait, ou pour faire la synthèse de batteries de bilans.
L’activité clinique est réservée aux visites médicales systématiques pour travaux règlementés, pour lesquelles, il n’y a pas de valeur ajoutée par le médecin scolaire (un médecin généraliste, voire retraité, pourrait assurer de façon identique cette visite médicale).
Dans les très nombreuses académies où l’administration a laissé s’installer la pénurie faute d’avoir voulu engager une vraie politique de recrutement attractive, les médecins restant sont ainsi appelés à délaisser la grande majorités des élèves qui leur sont signalés pour des problématiques et des troubles non diagnostiqués qui entravent la scolarité.
Les bilans médicaux de 6 ans systématiques, mission de prévention essentielle pour favoriser la prise en charge des troubles des apprentissages et des troubles liés aux handicaps, ne sont, eux aussi, que très peu réalisés.
C’est se priver de diagnostics essentiels pour éviter l’échec et le décrochage scolaires et pour faciliter l’accès pertinent aux soins.
Une nécessaire redéfinition des missions, et de leur organisation pour les médecins scolaires
2022 devra assurément virer vers un autre cap permettant de replacer les besoins de l’enfant dans une dimension globale au cœur des préoccupations des adultes et des politiques.
Il sera alors important de donner aux médecins scolaires particulièrement formés au développement de l’enfant et de l’adolescent et à son travail à l’école, une nouvelle tutelle capable de protéger et de développer ce service public au service de la santé de l’enfant, et de son adolescence et à son plein épanouissement à l’école.
Le médecin scolaire est un professionnel de partenariat liant l’école, la famille les instance de soin et d’autonomie .
Les médecins qui prennent soin de l’enfant et de son épanouissement dans tous ses milieux de vie, bien avant qu’il ne soit malade, doivent pouvoir avoir une place au cœur de la cité dans une maison de l’enfance, et de l’adolescence et reconnus comme de vrais acteurs de la santé communautaire.
Leur salaire, leur organisation de travail, leurs missions, la conformité des lieux d’exercice et la notion d’équipe pluridisciplinaire de santé au service du futur citoyen de demain doivent être redéfinis urgemment et montrer l’intérêt des politiques publiques pour la protection et le bien -être des jeunes.
Faudrait-il que l’enfant redevienne enfin une réelle préoccupation des pouvoirs publics et que la santé publique donne autant de moyens à la promotion de la santé, qu’à la gestion du risque et du soin curatif.
Dr Patricia COLSON, secrétaire générale du SNAMSPEN/Sgen-CFDT