Armelle Nouis est proviseure de la cité scolaire Hélène Boucher (collège et lycée), dans le 20ème arrondissement de Paris. Elle est également membre de l'association Terra Nova et a participé à la rédaction de propositions pour "sauver le Bac" et le "contrôle continu".
Armelle Nouis était professeur de Sciences Économiques et Sociales quand elle a passé et réussi le concours de personnel de direction en 2002. Elle est aujourd’hui proviseure de la cité scolaire Hélène Boucher à Paris, qui est classée en 4ème catégorie exceptionnelle. Engagée à Terra Nova, elle est la correspondante des personnels de direction du Sgen-CFDT de l’académie de Paris. Elle est également l’auteure d’un ouvrage sur le collège à destination des parents : Le collège à bras le corps, Éditions des ilots de résistance, 2009. Elle est également co-auteure de Les pouvoirs du chef d’établissement : autorité, légitimité, leadership, Les livres bleus, collection Direction, 2013.
Pourquoi et quand es-tu devenue personnel de direction ?
L’idée de devenir personnel de direction était présente depuis quelques temps lorsque toute la famille a quitté l’académie de Grenoble où j’enseignais les SES pour s’installer à Paris. J’ai commencé à réfléchir sérieusement à ce projet, mais sachant la disponibilité que cela nécessitait, j’ai voulu valider la décision avec mes enfants qui m’ont clairement dit : « pas question maintenant »…
mes enfants m’ont clairement dit : « pas question maintenant »…
J’ai donc attendu que le plus jeune soit en seconde pour franchir le pas. Je suis mère de 4 enfants et j’ai enseigné un certain nombre d’années à temps partiel pour assurer non seulement une disponibilité auprès des enfants, mais également pour me permettre de poursuivre mes engagements associatifs.
Il n’y a pas de mi-temps dans le métier de personnel de direction, mais on peut tout de même varier son temps de travail en fonction de son statut (chef ou adjoint), de la taille de l’établissement et du type d’établissement qui nous est confié. Ce sont des éléments importants à prendre en compte dans une carrière.
Comment se concilient aujourd’hui ta vie personnelle et ta vie professionnelle ?
Aujourd’hui, je suis proviseure d’une cité scolaire, je n’ai plus charge d’enfants, et le partage des tâches domestiques est résolument moderne chez moi ! Je suis donc totalement investie dans mon travail. Au fur et à mesure de l’accroissement de mes responsabilités, liées en partie à la taille des établissements, j’ai renoncé peu à peu à mes engagements extérieurs et ai reporté cet investissement à l’Éducation nationale et au Sgen-CFDT. Les semaines font souvent plus de 60 heures.
Mon investissement est un choix
Mon investissement est un choix et je trouve le plaisir du métier en y ajoutant « un supplément d’âme », le temps pour les projets à porter, pour soutenir les élèves et leurs familles, à recevoir, à encourager les professeurs, réfléchir à la pédagogie, travailler avec les partenaires…
Je ne crois pas, aujourd’hui, avec les moyens dont nous disposons, qu’il soit possible à une femme avec des charges de famille de piloter sereinement un gros établissement. C’est également vrai pour la charge de l’adjointe, qui est excessivement lourde, particulièrement au moment des examens et de la conception de l’emploi du temps. Cette lourdeur est l’objet de beaucoup de tensions dans les couples et les familles. Le choix de ce métier relève d’un choix familial, la vie personnelle en est impactée : le nier, c’est déjà le début des difficultés.
Ton engagement syndical est néanmoins très important.
L’engagement militant a accompagné toute ma carrière, en tant que professeur, plus activement comme personnel de direction. Principalement parce que ce métier est un métier de solitude, que le syndicalisme permet de rompre. Pour preuve, le pourcentage élevé de syndicalisation de notre corps. Nous avons besoin de travailler ensemble, mais aussi pour dire nos difficultés, exprimer les tensions auxquelles nous pouvons être confrontés tout au long de l’année : avec les professeurs, les élèves, les parents, la hiérarchie…
On ne peut rester seule devant certaines situations
Nous avons besoin de travailler ensemble pour réfléchir à nos pratiques. On ne peut rester seule devant certaines situations. Je me suis personnellement retrouvée dans une situation très délicate dès le début de ma carrière, c’est ce qui a motivé un engagement plus soutenu en tant que personnel de direction et qui le motive toujours aujourd’hui.
Pourquoi le Sgen-CFDT ?
J’étais déjà au Sgen-CFDT, par convictions, quand j’étais professeure, et plus activement quand je suis devenue personnel de direction à Paris. Mon engagement a toujours été celui de l’Éducation nationale dans son ensemble, et la fédération qu’est le Sgen-CFDT est la seule à permettre cet engagement collectif, même si ce n’est pas toujours facile d’avoir une vision commune à partir de nos différents métiers.
Mes convictions n’ont pas changé quand je suis devenue personnel de direction.
En plus de cela, il n’y avait pas beaucoup de personnels de direction syndiqués au Sgen-CFDT à Paris. J’ai voulu m’inscrire en opposition à l’idée qu’il pouvait n’y avoir qu’un syndicat dont il fallait nécessairement dépendre. Que deviendrait la démocratie et la notion de contre-pouvoir dans ce cas ?
Penses-tu qu’il y ait une différence de traitement entre les femmes et les hommes dans ce métier ?
Je pense que certaines personnes dans le système, professeurs ou collègues, se permettent de mettre plus de pression quand le proviseur est une proviseure. J’en ai été réellement victime…
Je ne suis pas certaine que les femmes demandent aussi souvent que les hommes ces gros postes
Mais, en ce qui concerne les instances académiques, Paris a toujours fait attention à équilibrer les promotions entre les femmes et les hommes.
Pour les mutations, je ne peux pas dire que j’ai noté des différences de traitement. Même si au bout du compte, les hommes sont nommés sur de plus gros établissements. Je ne suis pas certaine que les femmes demandent aussi souvent que les hommes ces gros postes. Dans ma promotion, les hommes qui voulaient être chefs sont partis vite en province tandis que les femmes, plus nombreuses, sont restées sur Paris, et ont patienté… Différence de stratégie…