Héloïse Leboucher est proviseure-adjointe du l'École Duperré, une école supérieure d'arts graphiques située dans le 3ème arrondissement de Paris.
Héloïse Leboucher a passé le concours de personnel de direction en 2008. Elle était alors certifiée d’histoire-géographie, âgée de 30 ans, mariée et mère de deux enfants de 1 et 2 ans.
Pourquoi le métier de personnel de direction?
Je n’avais jamais envisagé d’enseigner, ni de faire la même chose toute ma vie. Je suis Parisienne, mon premier poste fixe d’enseignante était à Dourdan, dans les Yvelines, à 50 kilomètres de Paris. Mon second poste a été à Paris où je suis restée deux ans TZR. J’ai trouvé le temps très long, parce que je ne pouvais pas m’investir à long terme dans un établissement.
Et mon père était chef d’établissement…
Je ne me suis jamais dit que c’était plus compliqué parce que j’étais une femme
Comment se gèrent ta vie familiale et ta vie professionnelle ?
Il est compliqué d’articuler une vie professionnelle et une vie familiale mais je pense que c’est la même chose pour beaucoup de métiers. Je ne me suis jamais dit que c’était plus compliqué parce que j’étais une femme.
Quand j’étais enseignante, j’avais plus de temps, donc on pouvait penser que c’était à moi d’assurer le quotidien pour les enfants. La décision de passer le concours a été une décision prise à deux. Mon mari était conscient que ma situation de TZR me pesait beaucoup et que j’avais besoin d’un engagement professionnel fort.
Il y a eu un rééquilibrage naturel des charges de famille après le concours
Il y a eu un rééquilibrage naturel des charges de famille après le concours. Pour moi, la famille a toujours été un appui et non un handicap.
Bien sûr, il y a des moments particuliers où on est plus sous pression, qu’on rentre tard, qu’on ramène du travail, qu’on rumine des situations. Avec mon mari, nous échangeons à la maison sur des questions managériales et nous évoquons par exemple les relations avec les entreprises, parce qu’il travaille dans le privé.
Les enfants ont ce dont ils ont besoin, mais cela demande une grande organisation : le mercredi, les enfants vont chez leurs grands-parents, nous avons une nounou qui va les chercher tous les jours, un soir par semaine je quitte mon bureau à 16h30 pour passer du temps avec eux, et tous les soirs, je leur lis une histoire… J’essaie d’avoir un temps de qualité, à défaut d’avoir beaucoup de disponibilité.
Y-a-t-il des avantages et des inconvénients d’être une femme dans ce métier ?
On est parfois confrontée à quelques stéréotypes de genre qui voudraient que l’autorité soit une valeur virile, donc masculine, mais cela a beaucoup évolué. De la même façon, le port du costume est un signe extérieur qui permettrait d’identifier le porteur de l’autorité. Mais les femmes ont une gamme vestimentaire beaucoup plus large que les hommes. Une femme doit incarner son autorité ou sa compétence autrement que dans le costume. Je m’habille toujours avec soin, l’autorité, je ne l’incarne pas par le vêtement mais par la parole.
l’autorité, je ne l’incarne pas par le vêtement mais par la parole
Mon autorité, je l’incarne dans ma façon d’expliquer et de poser mes décisions après avoir dialogué avec les collègues. J’aurais moins tendance à dire comme certains : « c’est comme ça, je l’ai décidé ». J’ai le devoir et la nécessité d’expliquer la décision. C’est plutôt une posture que tout le monde doit avoir d’ailleurs, homme ou femme.
Je n’ai pas l’impression d’avoir rencontré véritablement de problème lié à ma condition de femme avec les élèves ou les parents d’élèves.
Ce n’est pas ma féminité qui est un handicap, mais ma jeunesse
Concernant l’évaluation de la hiérarchie?
Avec ma hiérarchie, je n’ai jamais été confrontée à quelque difficulté que ce soit parce que j’étais une femme. Les quelques remarques misogynes que j’ai pu entendre sont le fait aussi bien de femmes que d’hommes.
Par contre on m’a répété plusieurs fois que j’étais jeune et que je devais être patiente. « Vous avez le temps, ça viendra… » Ce n’est pas ma féminité qui est un handicap, mais ma jeunesse. C’est un des stéréotypes de l’encadrement des établissements : la jeunesse serait un problème pour évoluer dans les responsabilités.
Je sais qu’il faut patienter… Mais… si j’ai des qualités maintenant, il faut les exploiter et profiter de mon énergie. Le problème de l’âge se pose dans la carrière d’un cadre intermédiaire, comme celui de chef d’établissement. Un jeune sortant de l’ENA est présumé compétent, à l’Éducation Nationale, ce n’est pas la même chose.