Lors de la lecture du compte-rendu de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire du 29 mai 2024, un député RN a mis en cause l'impartialité et la neutralité des enseignants de l'enseignement agricole.
Une analyse des propos du député RN par Nicolas Brezyski, enseignant de sciences économiques et sociales dans un établissement public de l’enseignement agricole de l’académie de Montpellier.
Si nous nous réjouissons que des députés s’intéressent au monde agricole, et à l’enseignement agricole, il est important que ceux-ci ne caricaturent pas la réalité. Remettons l’église au milieu du village.
Les propos de M. Tanguy tenus pendant la commission, député RN de la Somme
« Les élèves des lycées agricoles sont souvent des enfants d’agriculteurs. Quand je visite une exploitation dans ma circonscription, (…), une majorité, pour ne pas dire tous, se plaignent que le contenu des enseignements diffère de l’expérience de leurs parents, les mettant en porte-à-faux. Les cours reposent sur une certaine vision de l’écologie, de la décroissance, du bien-être animal ; on leur explique que leurs parents ne savent pas travailler et qu’il faut faire autrement. Les jeunes ne se sentent pas en confiance. Ce retour étant systématique, j’en conclus que les enseignements sont idéologisés. (…) leur contenu est politique. (…). Je le dis sincèrement, et non pour susciter une polémique (…) ».
Notre réponse
Non, monsieur le député, l’enseignement agricole ce n’est pas que des formations à la production agricole.
Tout d’abord, c’est maintenant une minorité d’élèves qui sont enfants d’agriculteurs. En effet, les formations se sont étoffées et ne se limitent plus à la production agricole. Ainsi, par exemple, il existe des formations de services à la personne, les travaux paysagers, la protection de la nature… Si, dans nos diplômes délivrés, nous trouvons toujours les Bacs professionnels, les Brevets Professionnels, les CAPA et autres BTSA de production, nous avons aussi des Bacs Généraux, des Secondes d’Enseignement Général et Technologique, des Bacs Technologiques, des BTSA services qui attirent d’autres profils.
Oui, l’enseignement agricole permet l’émancipation.
Les futurs agriculteurs ou agricultrices ne sont pas forcément des fils ou filles d’agriculteurs, et c’est heureux ! Car cela veut dire que ces derniers sont libres de leurs choix, s’émancipent et font leurs choix de vie professionnelle. Oui, nous ne sommes plus dans la France du XIXᵉ Siècle où le patriarche décidait du devenir de l’exploitation, où l’aîné, ou le premier garçon, héritait de l’exploitation, cantonnant les cadets à un rôle d’ouvrier, et les filles à un mariage, souvent d’intérêt foncier. Les futurs agriculteurs seront aussi des agricultrices, et seront issus de parents qui ne sont pas obligatoirement des agriculteurs. C’est pourquoi il est indispensable d’informer sur l’installation agricole dans nos lycées, afin de susciter l’envie de participer à cette « aventure du vivant », de faciliter l’accès au foncier avec des outils de type « portage de foncier ».
Oui, l’enseignement agricole forme à l’agriculture 2.0.
Oui, l’écologie est au cœur de nos enseignements ! L’agroécologie se doit d’être enseignée, car les orientations de la Politique Agricole Commune vont dans ce sens, et qu’il est indispensable de former nos futurs agriculteurs, salariés et cadres agricoles à ces notions, d’autant que la conditionnalité des aides PAC, en particulier avec les Les Mesures agroenvironnementales et Climatiques (MAEC), sont le quotidien des agriculteurs d’aujourd’hui !
Oui, il faut « enseigner à produire autrement » d’autant que l’urgence climatique montre la nécessité de modèle plus respectueux de l’environnement, moins consommateurs de ressources, en particulier celle de l’eau.
Oui, le bien-être animal est enseigné ! Car c’est la loi ! Ne pas parler des réglementations en élevage et au-delà, serait encore une fois, outre un retour en arrière, un manque évident de professionnalisation de ces éleveurs.
Oui, nous formons à l’utilisation des drones, à l’utilisation des cartes satellites et autres logiciels.
Ici, si nous voyons une décroissance, c’est celle des idées et une vision passéiste de l’agriculture peu compatible avec l’évolution de celle-ci.
L’enseignement agricole porte un projet de progrès
Non, monsieur le député, les enseignants ne font pas dans le prosélytisme politique ! Pour l’enseignement agricole public et une partie du privé, ce sont des agents soumis au devoir de réserve, à la neutralité politique et religieuse, car nous nous devons de former les citoyens avec les valeurs cardinales de Liberté, Égalité, Fraternité.
L’enseignement agricole est porteur d’un projet : personnel et professionnel pour nos apprenants, pour nos territoires ruraux, pour notre alimentation. La vision du RN, portée par son député, de l’enseignement agricole est limitée, caricaturale.
La CFDT Éducation Formation Recherche Publiques soutient la démocratie, l’égalité, la justice sociale et écologique et invite à dire non à l’extrême droite !
Aller voter pour les scrutins du 30 Juin et 7 Juillet est un devoir de citoyen. Au-delà, il faut aussi voter pour nous permettre de continuer notre travail d’agents dans des conditions républicaines. Au vu des déclarations faites, on peut craindre qu’un Ministre de l’Agriculture RN ne renvoie nos priorités d’enseignement et de service vers celles qui prévalaient au XIXᵉ siècle.
Il faut faire barrage au RN !
Nous vous rappelons que vous pouvez voter par correspondance, et que de nombreux partis peuvent même directement porter votre procuration : il faut alors se rendre sur le site internet du parti politique de votre choix, qui, nous l’espérons, fera barrage à ces visions passéistes, basées sur des représentations caricaturales de la réalité.