Le 25 mai 2022, Monsieur FESNEAU, nouveau ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire (MASA), a invité les organisations syndicales à un premier échange. La CFDT était représentée par Gisèle BAULAND et Laure REVEL, des messages forts ont été portés.
Texte de l’allocution faite à notre nouveau ministre, qui avait pour but de cadrer nos échanges futurs, lui faire connaître nos positions et revendications tant sur le fond que sur la forme.
Revendications pour un dialogue social constructif
Monsieur le Ministre, la CFDT vous remercie pour l’organisation de cet échange dès votre installation, signe, nous l’espérons, d’un dialogue social régulier et constructif. La CFDT invite ce gouvernement à privilégier, la voie du dialogue social en mobilisant la coconstruction entre l’administration et les représentantes et représentants du personnel. C’est le chemin à suivre pour aborder les défis majeurs auxquels sont confrontés notre système de formation et de recherche en particulier et le ministère en général. Système déjà fragilisé par le flot des réformes et les crises sanitaires.
Rémunération et déprécarisation, 2 enjeux majeurs
Les métiers de l’enseignement et de la recherche enregistrent une inquiétante perte d’attractivité, un nombre en baisse de candidates et de candidats se présentant aux concours et un recours croissant aux agents contractuels, agents en situation précaire dont un certain nombre démissionne.
Un turn-over qui ne permet plus de sécuriser l’organisation des parcours de formation, de sécuriser la bonne marche des laboratoires de recherche et déstabilise les services.
Les usagers sont en droit d’exiger un service public de qualité et d’exiger pour la formation, la complétude et l’égalité des chances.
Sortir du sous-investissement dans la reconnaissance des personnels implique pour la CFDT une loi de programmation pluriannuelle pour revaloriser les rémunérations.
Il est nécessaire de mieux considérer les agents, de valoriser leur expertise, leur reconnaître une autonomie pour construire des solutions au plus près des réalités locales. Nous insistons sur ces revendications depuis des mois, voire des années.
Faire réussir tous les élèves, les apprentis et les adultes et répondre aux attentes des usagers, des agricultrices, des agriculteurs et de la société doit être le cœur de vos prochaines actions, et sont au centre de nos revendications.
Revendications pour faire réussir tous les élèves
Il faut construire une « École » qui prépare aux défis majeurs auxquels nous faisons face. Les nombreuses mutations et transitions écologiques, numériques, démocratiques exigent un système robuste et évolutif.
Pour remporter ces nombreux défis, la coopération, la lutte contre les inégalités de réussite scolaire y concourent autant dans l’enseignement agricole technique que supérieur.
Dans ce cadre, les politiques publiques en termes d’enseignement et d’accompagnement nécessitent un dialogue social fort et structuré autant pour partager la vision stratégique que pour améliorer les conditions dans lesquelles les personnels mettent en œuvre ces politiques publiques ambitieuses.
Concernant plus particulièrement l’enseignement supérieur agronomique, vétérinaire et du paysage, le chantier majeur sera celui d’un investissement à la hauteur des défis des transitions, et à la hauteur des enjeux de formation pour celles et ceux qui seront et feront le monde de demain.
Pour la CFDT, des revendications fortes
- renforcer les financements pérennes pour la recherche, l’expérimentation et l’insertion,
- accueillir tous les apprenants qui souhaitent rejoindre l’enseignement agricole,
- garantir des dotations pérennes pour limiter le développement des emplois contractuels.
Pour répondre aux défis qui nous et vous attendent, nous avons besoin d’un enseignement technique et supérieur et d’une recherche de qualité, cela suppose que les agents aient les moyens pour assurer ces missions.
Depuis plus de 10 ans, les moyens alloués ne permettent plus d’assurer l’ensemble des 5 missions que le code rural confie à l’enseignement agricole.
Les transitions agroécologiques, alimentaires, sanitaires doivent être au centre des préoccupations de notre ministère. La préservation du foncier agricole, de la ressource en eau et la restauration de la biodiversité ne vont pas se réaliser sans une volonté affirmée, votre volonté, de supprimer de nombreux intrants.
Les exploitations des lycées agricoles ont largement fait leur part, il faut valoriser leurs actions et leur donner plus de moyens.
La CFDT espère que l’essentiel de vos actions se fera pour l’agroécologie, c’est l’attente des agents, de la société et des jeunes, des étudiantes et étudiants. Vous pouvez compter sur les compétences des agents et la motivation des apprenants pour accélérer ces mutations et ces transitions, il y a urgence, le retard pris n’est plus soutenable.
Il faut croire en notre système de formation qui s’investit dans le bien-être animal, l’agroforesterie, l’agriculture biologique, les produits de qualité, l’agriculture de conservation, etc., ce ne doit pas rester une vitrine, mais un modèle.
Il est urgent d’agir, nos jeunes le savent, ils attendent des actes, vos actes.
Revendications pour l’administration centrale et les services déconcentrés
Les agents du ministère n’ont pas été épargnés ces dernières années par les réformes. Toutes ne sont pas abouties, comme le FEADER, ou pas concluantes, comme la création des SGCD. D’autres ont été menées au pas de course, alors qu’elles n’étaient pas forcément envisagées par votre prédécesseur, comme le transfert de la DPMA au MTE.
Nous ne sommes pas là pour réécrire l’histoire, cependant il faut tirer les bilans de toutes les expériences. Un arbitrage a été rendu par le précédent premier ministre sur un dossier vieux de plusieurs années, pour une mise en œuvre dans 6 mois. Il s’agit du transfert de la sécurité sanitaire des aliments depuis la CCRF vers le MASA.
Si on ne peut que se réjouir du choix du maintien de cette politique publique au sein des services de l’État et du rejet du scénario de création d’une agence, encore faut-il que cette réforme se fasse dans un pas de temps raisonnable pour écouter les agents, pour définir le périmètre et les moyens nécessaires afin de maintenir la qualité de service à nos concitoyennes et concitoyens.
Cette décision prise dans la précipitation présuppose que « l’intendance suivra ».
Mais l’expérience des SGCD est là pour montrer que des décisions prises sans prendre en compte la réalité de terrain peuvent être préjudiciables aux services publics et à la qualité de vie au travail des agents.
La CFDT souhaite que les représentant.es du personnel soient associé.es à cette réforme inenvisageable dans le temps imparti.
Concernant le transfert du FEADER, la CFDT attire votre attention sur les difficultés rencontrées par les agents pour avoir des informations des conseils régionaux permettant d’éclairer leur choix. Nous souhaitons, comme nous l’avons déjà dit, que les agents soient véritablement accompagnés et que les conseils Régionaux donnent rapidement les réponses aux agents sur leur poste futur, leur localisation, leur rémunération…
Influenza aviaire, la crise de trop !
Depuis 2015, les services font face à la 4ème crise Influenza aviaire, qui cette année dépasse toutes les crises précédentes. Les conséquences sur la filière avicole seront très importantes et à anticiper pour les agents, titulaires et contractuels. Les agents sont sur le pont, depuis plusieurs mois, ils s’épuisent.
La CFDT demande une reconnaissance de l’investissement des acteurs engagés dans cette crise, administration d’État comme opérateur. Les conclusions qu’apportera la mission confiée au CGAAER sur le retour d’expérience de cette énième crise sont attendues.
Au-delà des sujets sanitaires, le bien-être animal est une préoccupation majeure de la société, vous devez la porter.
La CFDT souhaite que les moyens, humains et financiers, de notre ministère soient a minima maintenus pour assurer les missions tout en faisant face aux réformes, crises, qui se répètent et se succèdent (Influenza aviaire, sécheresse, gel, …).
Une attention particulière doit être portée à la mise en œuvre de la nouvelle PAC pour que les agents ne revivent pas les problèmes rencontrés lors de la mise en œuvre de la PAC précédente.
La CFDT attire votre attention sur la situation très dégradée des bureaux de gestion du ministère.
Cette situation résulte d’une part des retards accumulés et des difficultés récurrentes avec les systèmes d’information, et d’autre part du manque d’attractivité des postes qui laisse de nombreux postes vacants.
Cette situation a des conséquences aussi bien sur les agents travaillant dans ces services que sur les usagers. La CFDT rappelle ses revendications sur ce point : que des ETP supplémentaires soient affectés au SRH et que les moyens consacrés à la modernisation des systèmes d’information soient revus à la hausse.
À l’automne prochain, nous devrions prendre connaissance du rapport inter-inspection de revue des missions de notre ministère. Ce rapport a été remis à l’administration très récemment. La CFDT souhaite vivement être associée aux réflexions et orientations qui pourront en découler.
Revaloriser le pouvoir d’achat, une urgence
Comme vous l’avez souligné dans votre courrier adressé, hier, aux agents, chacun s’est investi ces dernières années pour faire face aux crises. Les agents du ministère, comme tous les fonctionnaires, attendent avec impatience une revalorisation de leur pouvoir d’achat qui passera à la fois par la valeur du point d’indice, mais aussi par des mesures d’urgence sur les grilles et les déroulements de carrière.
Pour conclure
La « souveraineté alimentaire » et l’objectif « de produire pour nous nourrir » ne doivent pas conduire à revenir à des modèles obsolètes. La CFDT sera très vigilante pour que cette souveraineté ne se fasse pas au détriment des orientations déjà engagées dans les services centraux, déconcentrés et dans notre système de formation pour une agriculture adaptée au dérèglement climatique et à la restauration de la biodiversité. Il est urgent d’agir, nos jeunes le savent, ils attendent des actes. Ces orientations donnent du sens à nos missions, la CFDT compte sur votre engagement en la matière.