La réforme de la formation initiale modifie la place du concours, ce qui est un bon point, mais les épreuves restent beaucoup trop académiques !
1/ Pourquoi une nouvelle réforme de la formation initiale peu de temps après celle de 2013 ?
La réforme de 2013 a marqué une étape importante à la fois dans le principe d’universitarisation et de professionnalisation de la formation des enseignants.
La création concomitante d’une structure universitaire spécifiquement dévolue aux métiers de l’enseignement et de la formation (les ÉSPÉ, écoles supérieures du professorat et de l’éducation) et d’un diplôme universitaire de niveau bac +5 (master MEEF « Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) ont permis d’adosser la formation à la recherche. L’alternance devenait aussi une modalité de formation puisque les fonctionnaires stagiaires suivent des cours à l’ÉSPÉ tout en étant en stage dans des écoles ou des établissements scolaires.
La réforme de 2013 restait une réforme inaboutie…
Le Sgen-CFDT a soutenu cette réforme mais elle restait inaboutie, en particulier à cause du concours placé en plein milieu du master et dont les épreuves de recrutement étaient encore très académiques.
La formation universitaire était ainsi phagocytée par un bachotage intensif la première année du master pour préparer les étudiant.e.s aux épreuves du concours et par un volume de stage beaucoup trop important la seconde année pour les fonctionnaires stagiaires, au détriment des autres éléments de la formation.
Autre sujet d’insatisfaction : les tensions entre l’éducation nationale et l’enseignement supérieur sur le double pilotage de ce dispositif de formation. Si la formation se fait maintenant à l’université, le recrutement est une prérogative de l’employeur éducation nationale et il n’est pas simple de faire travailler ensemble deux structures qui n’obéissent pas aux mêmes logiques.
2/ Que va modifier exactement la nouvelle réforme ?
Depuis deux ans, Jean-Michel Blanquer a clairement décidé de remettre la formation sous la tutelle directe de l’Éducation nationale.
Il a supprimé les ÉSPÉ pour créer des INSPÉ (instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation), il a décidé que les directeurs ou directrices de ces instituts ne seraient plus auditionné.e.s par les représentant.e.s des personnels au sein du Conseil de chaque institut et il a imposé un cahier des charges pour déterminer les contenus de la formation.
Des choix qui ne renforcement ni la dimension professionnelle de la formation ni l’attractivité des métiers…
Les concours de recrutement sont maintenant placés en fin de deuxième année de master mais sans que la nature des épreuves n’évoluent véritablement : les candidat.e.s auront toujours à plancher sur des sujets détachés de toute expérience professionnelle.
Enfin, l’alternance en master n’est pas renforcée et la rémunération des étudiant.e.s ne sera manifestement pas suffisante pour permettre à ces jeunes de subvenir à leurs besoins pendant ces deux années d’étude.
3/ N’est-ce pas une réforme plus conjoncturelle que structurelle ?
Oui, malheureusement ! Le Sgen-CFDT avait souhaité une évolution de la réforme de 2013, justement pour renforcer la dimension professionnelle de la formation. Les choix arrêtés par les deux ministères, enseignement supérieur et plus manifestement Éducation nationale, ne sont absolument pas satisfaisants et ils ne permettront pas de répondre au grave problème de l’attractivité des métiers de l’Éducation nationale.
4/ Quand doit-elle s’appliquer ?
Comme sur tous les autres dossiers, le gouvernement veut aller très vite et la réforme de la formation des enseignant.e.s et des CPE devrait s’appliquer à la rentrée 2020 pour la nouvelle formation universitaire et à la session 2022 pour les nouveaux concours.
Ce calendrier est intenable pour les équipes de formateurs et de formatrices dans les INSPPÉ alors qu’ils ne disposent toujours pas des textes de cadrage. Le sgen-CFDT demande le report d’un an de la réforme, en particulier pour retravailler à l’organisation de l’alternance dans le master MEEF et à la rémunération de ces étudiant.e.s.
5/ Quelle est l’appréciation du Sgen-CFDT sur cette réforme ?
C’est malheureusement une occasion manquée !
Le changement de place du concours en fin de M2 aurait dû permettre une évolution systémique et une véritable professionnalisation de la formation, nécessaire, à la fois pour celles et ceux qui choisissent cette profession ET pour les élèves. On va vraisemblablement avoir l’inverse : les épreuves des concours demeurant très académiques, elles vont favoriser in fine le bachotage sur deux ans au lieu d’un an, avec le risque de voir encore un peu plus les étudiant.e.s se détourner de cette voie professionnelle qui peine toujours à se réformer.