Le volet “évaluation des personnels”, dans le cadre des rendez-vous de carrière, vise à professionnaliser un rituel jugé archaïque et volontiers infantilisant. Il s’inscrit dans une démarche de fluidification des carrières. Le chantier est ouvert.
Pascal Landragin est IEN de la circonscription de Thionville 4-Uckange dans l’académie de Nancy-Metz.
L’évaluation des personnels, dans le cadre des rendez-vous de carrière, s’inscrit dans une démarche de fluidification des carrières : rythmes d’avancement unique avec possibilité d’accélération de passage d’échelon à certains moments-clé, liés à des rendez-vous de carrière à protocole national objectivé et infléchissant, par la participation formalisée de l’évalué au rapport le concernant, l’asymétrie endémique de la traditionnelle « évaluation-sanction ».
Il y a loin de la coupe aux lèvres
À l’heure d’engager la première campagne de « rendez-vous de carrière », cet objectif vertueux semble cependant biaisé par la définition d’un contingent académique de 30% de bénéficiaires d’accélération lors du passage d’échelon (au 6ème et 8ème échelon).
L’harmonisation des éléments de langage et des règles à calcul mobilise davantage que la mise en perspective d’un entretien rénové, au service de la dynamique professionnelle.
Cette centration sur l’appréciation terminale est illustrée par le troisième rendez-vous de carrière, préalable à l’accès à la hors-classe, programmé au 9ème échelon alors que les professeurs des écoles attendent généralement le 11ème échelon pour accéder à ce grade.
Cette situation génèrera une période transitoire d’au moins cinq ans durant laquelle la nécessité d’un barème unifié amènera certainement à traduire les attendus de la grille d’évaluation de maitrise des compétences professionnels en note pédagogique !
Ce paradoxe systémique peut faire écho à d’autres déviances docimologiques déjà dénoncées comme pédagogiquement mortifères.
Faire coïncider entretien de carrière et différenciation des rythmes d’avancement peut être contre-productif
Faire coïncider entretien de carrière et différenciation des rythmes d’avancement, plutôt que d’envisager d’autres modalités de valorisation ou d’évolution des engagements et pratiques professionnels peut apparaitre, au regard des objectifs de transformation avancés, pour le moins contre-productif.
Accompagner l’accompagnement
En complément à ces temps d’évaluation à protocole national, l’article 130 du décret n°2017-786 précise : « Tout professeur des écoles bénéficie d’un accompagnement continu dans son parcours professionnel, individuel ou collectif, cet accompagnement répond à une demande des personnels ou à une initiative de l’administration« .
À visée formative, une nouvelle définition de l’accompagnement est de fait à envisager. Elle nécessite une rénovation procédurale et surtout posturale des pratiques collaboratives entre équipes d’inspection, enseignants et équipes d’école ou de cycle.
Il y a nécessité d’une collaboration entre les équipes d’inspection et les équipes d’école
Aider à identifier les besoins, à développer les dynamiques pédagogiques, individuelles et/ou collectives, engage à questionner et rénover les outils de communication, d’expertise, de concertation. Cette démarche s’appuie sur une adhésion de confiance, contractualisée, de l’ensemble des acteurs : la révolution copernicienne qui vise passer du « face à face » au « côte à côte » ne saurait alors être circonscrite à la seule élaboration de documents de recensement de demandes, de recueil d’indicateurs.
Une adhésion de confiance est nécessaire entre l’ensemble des acteurs
Cet enjeu de l’accompagnement suscite d’autres questionnements qui débordent du seul cadre fonctionnel :
- Quelle complémentarité entre l’IEN et les conseillers pédagogiques (inspecteur « accompagnant » ou « chef d’orchestre »), entre IEN, IA-IPR et chefs d’établissement lors de l’accompagnement des équipes de cycle 3 ?
- Quel apport de l’ESPE, de la recherche ? Quelles modalités de déclenchement d’actions de formation à la demande des équipes dans le cadre d’une contractualisation d’objectifs partagés ?
Quelle traçabilité de l’accompagnement?
Les enseignants rencontrés dans le cadre d’une réflexion sur l’accompagnement évoquent régulièrement la question de la traçabilité des dispositifs d’accompagnement : si le référencement par décret apporte à l’accompagnement le statut de « droit opposable », la trace éventuelle dans le dossier personnel de la formulation de difficultés rencontrées dans l’exercice professionnel apparaitrait malvenue.
Placer la confiance au cœur de la relation professionnelle d’ « accompagnement » ne se décrète pas mais se construit, dans la durée et la conviction… un chantier ambitieux mais stimulant.
À retenir
Le ministre a écrit aux inspecteurs pour préciser quelques points de procédure : qui pour mener l’entretien, report du RDV de carrière, articulation entre RDV de carrière et avancement pour 2017/2018.