Le numérique touche tous les services et tous les personnels de l'Éducation nationale. Ses incidences en matière pédagogique mais aussi son impact sur les conditions de travail et la qualité de vie au travail des personnels justifient une vigilance syndicale forte.
La question du numérique occupe une place centrale dans nos métiers et modifie profondément le système éducatif. La partie émergée de l’iceberg, celle qui déchaine les passions médiatiques et agite les réseaux sociaux, concerne les utilisations pédagogiques. Mais en coulisse, tous les services sont touchés. Bouleversement des pratiques professionnelles, construction de nouvelles compétences, recherche de nouvelles organisations de travail, réflexion éthique et juridique. Pour le meilleur parfois, à condition de rester vigilants pour éviter le pire.
Le numérique. Une question syndicale à part entière.
Il y a quelque temps que le système éducatif, dans sa composante pédagogique comme dans sa dimension administrative, connait des transformations progressives et partielles liées au développement des pratiques numériques. Mais d’expérimentations parcellaires à l’échelle d’un individu, d’une équipe ou d’un service, notre institution est passée à une #AmbitionNumérique qui concerne de fait tous les agents.
Travail et formation à distance ; messageries professionnelles ; réseaux sociaux ; collecte et sécurisation des données ; droits à l’image et droits d’auteur ; achat, maintenance et obsolescence des outils devenus indispensables pour les personnels ; postures physiques et conséquences psychologiques sont notre quotidien. Parfois enferrés dans des débats quasi théologiques, nous n’avons pas encore construit les réponses adaptées : pourtant, le numérique, parce qu’il modifie en profondeur nos conditions de travail, est bien une question syndicale à part entière.
Il faut donc s’emparer de ces problématiques pour élaborer des projets pédagogiques qui ne se réduisent pas à un équipement sans rime ni raison, mais aussi pour prendre en compte dès le départ les conditions de travail des personnels. à ce titre, la réflexion entamée au congrès autour du paragraphe 1.8.1.5. de la résolution doit encourager les équipes à proposer la mise en place, au plus près des réalités, de commissions se saisissant de ces sujets pour construire une expertise et des préconisations concrètes.
Réseau Canopé. Quand les personnels s’adaptent à la stratégie numérique…
Canopé doit s’imposer comme le grand acteur de l’école du numérique. C’est la condition de sa survie (après le sévère rapport de la Cour des comptes de 2014) et une belle opportunité d’innover au service de la réussite des élèves. Le réseau a d’ailleurs plutôt bien réussi sa mue et commence à devenir un lieu d’expérimentations et d’échanges, de ressources et de médiation pour le numérique éducatif. Les «ateliers Canopé» trouvent leur place dans les territoires et attirent un nouveau public – même s’il reste assez clairsemé. Du matériel moderne, du mobilier ergonomique, des personnels disponibles : voilà ce que proposent les ateliers selon la nouvelle orientation du réseau.
Cependant, pour les personnels des anciens centres régionaux de documentation pédagogique (CRDP), le tournant a été brutal. Comment faire quand on est documentaliste, ouvrier d’imprimerie, secrétaire d’édition, délégué pédagogique itinérant pour s’insérer dans l’organigramme des nouveaux métiers de la formation, de la médiation et de la création numériques ? Si la refondation de Canopé s’appuie sur un effort d’accompagnement sans précédent, en revanche elle laissera un goût amer à tous ceux qui ne parviendront pas à s’intégrer dans le nouveau modèle, et elle imposera à la majorité des personnels d’aller au bout de leurs capacités d’adaptation, parfois avec douleur.
Ingénieur pour l’enseignement numérique. Un métier émergent.
Il y a déjà quelques années, un nouveau métier arrivait dans l’enseignement supérieur : celui d’ingénieur en technologie de la formation. C’est aujourd’hui un emploi-type référencé dans le corps des ingénieurs d’études, avec son concours de recrutement et un nombre conséquent d’ouvertures de postes dans les universités.
Mais en quoi consiste ce métier ? Il est plus facile, en fait, de dire ce qu’il n’est pas ! L’ingénieur en technologie de la formation, en effet, n’est ni un enseignant, ni un informaticien, ni un concepteur multimédia… même si les doubles compétences ne sont pas rares. Concrètement, ses tâches sont diverses, mais elles s’organisent autour de trois axes : l’administration de plateformes de cours en ligne ; la formation des enseignants ; l’assistance à la création de contenus.
Les progrès spectaculaires réalisés par l’enseignement supérieur en matière d’enseignement numérique doivent énormément au dynamisme de ces ingénieurs atypiques…
Souvent, les collègues se demandent si leur activité correspond bien à ce que devrait être leur métier. La nouvelle base des emplois-types des ingénieurs et personnels techniques de recherche et de formation (ITRF) les nomme désormais « ingénieur·e·s pour l’enseignement numérique », ce qui clarifie un peu le domaine d’exercice mais pas vraiment les activités…
Ajoutons que la question des possibles évolutions de carrière se posera inévitablement, s’agissant d’agents jeunes et très diplômés. Malgré toutes ces incertitudes, une chose est sûre : les progrès spectaculaires réalisés par l’enseignement supérieur en matière d’enseignement numérique doivent énormément au dynamisme de ces ingénieurs atypiques, à la fois acteurs et médiateurs, dont la place ne saurait manquer de se renforcer dans les années à venir.