Concertations relatives à la réforme des retraites pour les personnels de l'Éducation nationale. Déclaration du Sgen-CFDT lors de l'ouverture des discussions en présence du ministre de l'Éducation nationale et de Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire aux Retraites, le 8 octobre 2019.
renouveler un pacte social entre les générations
Monsieur le Ministre, Monsieur le Haut-Commissaire, mesdames, messieurs,
La concertation sectorielle relative à la réforme des retraites pour les personnels de l’éducation nationale débute aujourd’hui. Pour le Sgen-CFDT, c’est une étape importante qu’il convient de ne pas rater. Changer de système des retraites, c’est renouveler un pacte social entre les générations, c’est renouveler un pacte social global. Nous le savons, cela suscite des interrogations, des inquiétudes. Réussir un tel changement suppose que les travailleurs et travailleuses concernées aient confiance dans la justice du système universel de retraites qui se construit, dans le fait qu’il apportera du progrès social. Réussir un tel changement suppose que la confiance au cœur du dialogue que nous débutons aujourd’hui permettra de construire les compensations nécessaires et justes pour les agents et agentes de l’Éducation nationale.
Réformer le système pour qu’il soit plus juste, plus solidaire et mieux adapté à la réalité des parcours professionnels d’aujourd’hui…
La CFDT, ses fédérations et ses syndicats, travaillent ensemble depuis plusieurs années sur la question du système des retraites et en lien plus étroit encore depuis plusieurs mois autour des travaux que vous avez menés, Monsieur Delevoye.
Aujourd’hui, notre système s’est fortement rapproché de l’équilibre financier. Il n’y donc pas d’urgence à réformer financièrement. C’est pourquoi, et vous le savez, la CFDT et ses fédérations refuseront toute réforme paramétrique des retraites. Il n’est donc pas question d’augmenter l’âge de départ légal à la retraite au-delà des 62 ans, ni d’instaurer un âge pivot collectif.
réformer le système pour qu’il soit plus juste
En revanche, il y a une urgence à réformer le système pour qu’il soit plus juste, plus adapté à la réalité des parcours professionnels d’aujourd’hui. On peut faire du sujet des retraites un vecteur de progrès social. Depuis quinze ans, la CFDT défend un système universel (pour toutes et tous), par répartition et avec une solidarité intragénérationnelle renforcée. Votre rapport, monsieur le Haut commissaire, affirme que c’est possible. La CFDT s’en félicite et n’a pas envie de s’excuser d’avoir été entendue sur ces points incontournables pour poursuivre les discussions.
Construire un système plus solidaire et plus juste avec la confiance des personnels actuels et à venir nous oblige, les un·es et les autres, à assumer pleinement nos responsabilités.
Pour autant cela ne préjuge en rien de l’appréciation globale que nous porterons sur la réforme, vous le savez. Notre appréciation globale portera aussi sur les compensations et sur les modalités de passage à un nouveau système de retraites.
Cela exige de sortir de ce qui pourrait apparaître comme une forme de fonctionnaire bashing. Non, les 6 derniers mois ne sont pas un avantage pour nombre de fonctionnaires. Cela exige aussi de rejeter tout discours qui laisserait penser, par exemple, que le temps de travail réel des enseignants et enseignantes ne représente pas déjà un temps plein.
Cela pénalise les carrières plates avec peu de promotions – le plus souvent ce sont les femmes qui subissent ces carrières, ainsi que les polypensionné·es qui ont été mal reclassé·es dans le maquis des règles en vigueur.
ce que nous attendons du dialogue social sectoriel qui s’ouvre
Construire un système plus solidaire et plus juste avec la confiance des personnels actuels et à venir nous oblige, les un·es et les autres, à assumer pleinement nos responsabilités. Voici ce que nous, nous attendons plus précisément du dialogue social sectoriel qui s’ouvre aujourd’hui.
Redéfinir la politique salariale, indiciaire et indemnitaire, pour compenser les effets du nouveau mode de calcul…
En premier lieu, il s’agit d’assurer une transition qui sécurise les parcours de chacun et chacune avec la garantie des droits acquis jusqu’en 2025, leur transcription et leur lisibilité dans le futur système.
Il faut impérativement se donner tout le temps nécessaire de construire une transition qui permette de redéfinir une politique salariale, indiciaire et indemnitaire, pour compenser les effets du nouveau mode de calcul, compenser le fait que les indemnités sont soumises à pension civile (le salaire net ne doit pas diminuer) : c’est tout particulièrement crucial pour les corps ayant peu de primes à intégrer au calcul de leurs pensions.
L’occasion nous est ainsi donnée de reprendre le dossier RIFSEEP. Il y a aujourd’hui trop d’écart entre les champs ministériels, trop d’écarts entre les territoires au sein de notre ministère pour les mêmes métiers ou les mêmes fonctions. Au sein du travail sur les rémunérations, ce régime indemnitaire et ses déclinaisons sont des sujets à part entière.
Il s’agit bien de repenser les politiques salariales et les déroulements de carrière dans notre ministère, et pour tous les corps en tenant compte de leurs spécificités statutaires et professionnelles.
Une reforme des retraites juste doit être l’occasion de traiter des injustices du système actuel…
Une réforme des retraites juste, c’est d’abord l’occasion d’être encore beaucoup plus volontariste sur la réduction des inégalités entre femmes et hommes, inégalité plus forte encore sur les primes que sur la partie indiciaire des rémunérations, comme nous le constatons dans les bilans indemnitaires après rapports de situation comparée. C’est indispensable pour que la promesse politique de faire de l’égalité entre femmes et hommes un axe fort du quinquennat et de la réforme des retraites s’incarne dans le réel. Pour le Sgen-CFDT, inclure les primes et indemnités en l’état sans retravailler à leur distribution n’est pas possible.
Vous le comprendrez, pour nous, la redéfinition des politiques salariales sur l’ensemble de la carrière doit comporter une part indiciaire non négligeable.
Une réforme des retraites juste, c’est redéfinir les règles de reclassement dans la fonction publique. Le traitement infligé à nos collègues, en particulier qui ont été contractuels ou qui ont eu une carrière dans le secteur privé, n’est pas acceptable. Ils en subissent les effets toute leur carrière et lors du passage à la retraite.
Une reforme des retraites juste, c’est donner la possibilité à chacun de partir dans des situations comparables. L’impossibilité pour les Professeurs des Écoles de partir à la retraite en cours d’année à la date anniversaire n’est pas acceptable.
Créer de nouveaux droits…
Cette reforme des retraites doit être un vecteur de progrès social en étant créatrice de droits nouveaux pour les agents de notre ministère. C’est une des conditions pour renouer la confiance de toutes les générations. Le droit à un aménagement des fins des carrières comme la liberté de choisir son âge de départ peuvent être de puissants leviers d’émancipation et des facteurs de bien-être. Aussi nous demandons que la concertation à l’Éducation nationale porte aussi sur la mise en œuvre de la cessation progressive d’activité que votre rapport invite à déployer pour toutes et tous.