Le Sgen-CFDT demande que soit pris un réel temps de débat approfondi avant d’envisager l’ouverture d’une école vétérinaire privée qui a été rendue possible par l’adoption d’un amendement sénatorial lors de l’examen de la loi de programmation pour la recherche (LPR), fin 2020.
Créer une nouvelle école vétérinaire privée ?
Histoire d’une fausse bonne idée, un projet qui est tout sauf nouveau !
L’ouverture d’une 5ème école vétérinaire et de la 1ère école privée revient sous les projecteurs. Ce projet a été dans le passé, plusieurs fois, écarté. Actuellement, la formation vétérinaire est conduite par quatre établissements publics. Les Écoles Nationales Vétérinaires (ENV) sont : ENV d’Alfort, ENV de Toulouse, VetAgroSup à Lyon, Oniris à Nantes. 640 places sont ouvertes (160 par école). Ce nombre est en augmentation depuis 2012 (480 places). Un nouveau recrutement post-bac de 40 étudiants par école va être mis en place au 09/2021, sans augmentation réelle du taux d’encadrement.
La CFDT souligne que sans moyens supplémentaires, les quatre écoles vétérinaires publiques ont fait un réel effort d’organisation pour accueillir plus d’étudiant.es et qu’elles se sont profondément transformées et adaptées.
Si l’on veut former plus de vétérinaires, pourquoi ne pas débloquer plus de moyens aux ENV publiques pour réaliser cette ambition ?
Plutôt que d’ouvrir la possibilité d’ouverture d’une école privée ? Pour la CFDT, cette option doit être étudiée plus sérieusement, en toute transparence et avec les parties prenantes avant toute prise de décision.
Augmenter le nombre de vétérinaires formés en France en créant une école privée, est-ce la bonne solution ?
Le projet de création d’une école privée part d’un constat réel. On compte de moins en moins de vétérinaires dans les zones rurales. On ne forme pas assez de vétérinaire en France. 47 % des nouveaux diplômés qui s’installent sur le territoire se sont formés à l’étranger. Ils ont été formés en Belgique, en Espagne et en Roumanie. Ces jeunes françaises et français se sont expatriés pour se former à un métier convoité. Ceci se fait faute de places dans les écoles publiques nationales. L’administration met en avant ce fait pour justifier le bien-fondé du projet voté au parlement. Il faut donc former plus de vétérinaires…
Pour la CFDT, si le problème est réel, la solution apportée n’est pas à la hauteur des enjeux. Elle pose même plus de problèmes qu’elle n’est censée en résoudre…
Le coût annoncé de ces études pour les familles sera supérieur à 100 000 euros pour six années d’études. Quelles familles pourront assumer une telle dépense ? L’élitisme de ces études risque d’être renforcé. Va-t-on vers une sélection par l’argent, contraire aux valeurs de la CFDT ? Enfin les écoles privées risquent de bénéficier de subventions publiques dont seraient alors privées les écoles publiques et la recherche scientifique. Pour la CFDT, ce dernier point n’est pas recevable.
Un projet qui ne suscite pas l’adhésion des acteurs/trices du monde vétérinaire
Ce projet a déclenché une levée de boucliers des écoles publiques existantes, de leurs étudiant.es et de leurs enseignant.es et d’une partie de la profession. Ces actrices et acteurs estiment que l’amendement voté dans la LPR et le projet de décret font « peser beaucoup d’incertitudes sur l’avenir de la profession vétérinaire ».
Les enseignant.e.s ont voté une motion afin de demander un « moratoire » sur l’opportunité de la création d’écoles vétérinaires privées (I.4 de l’article 22 bis de la Loi LPPR). L’objectif visé est de permettre la concertation qui aurait dû avoir lieu préalablement à ce choix législatif.
Ils ont aussi voté une motion proposant d’accroître la capacité d’accueil des étudiant.e.s dans leurs établissements afin de répondre au besoin de formation de vétérinaires, avec les moyens homothétiques pour les former.
Les étudiant.e.s et internes des écoles vétérinaires ont réalisé une concertation. Ils et elles se sont très majoritairement prononcés contre la création d’une école vétérinaire privée, de même que l’ensemble des élu.es étudiant.es du CEVE, du CA des quatre ENV et du CNESERAAV. La CFDT a soutenu et soutient cette démarche.
Des limites de l’argument de la ruralité !
Un autre argument avancé pour justifier la création d’une école vétérinaire privée est la nécessité de former plus de vétérinaires. Ceci pour lutter contre la désertification rurale et assurer la continuité des soins des animaux d’élevage. Cette désertification s’est accélérée depuis dix ans du fait de la baisse de la rentabilité économique des activités vétérinaires en productions animales dans ces zones à faible densité d’élevages.
La CFDT reconnaît que le maillage « vétérinaire » dans certaines zones rurales est un enjeu majeur pour les années à venir.
De plus, les jeunes vétérinaires, issus très majoritairement des zones urbaines n’ont pas assez d’appétence pour s’installer loin des grandes villes. Les conditions de travail des vétérinaires ruraux ne sont pas les mêmes. intervenir en pleine nuit et dans l’urgence dans un élevage pour assurer un vêlage est contraignant et usant ; bien plus que de recevoir la clientèle dans un cabinet dit « de ville » ! Un problème de demandes se pose et non pas d’offres. Les conditions de vie sont aussi différentes. L’offre de services est moindre qu’en ville (moins de magasins, moins d’écoles, moins de médecins etc.). L’opportunité pour trouver un emploi pour le ou la conjointe peut poser un vrai problème !
Un problème sociétal complexe
Pour la CFDT, les solutions se trouvent dans un nouveau modèle économique. Il est à construire, entre l’ensemble des acteurs en incluant l’État et les collectivités territoriales. Il faut rendre l’installation en zone rurale et agricole attractive. Rien ne laisse à penser que les diplômé.es de cette nouvelle école privée iront s’installer en zone rurale.
Pourquoi le feraient-ils alors que l’installation en ville est financièrement avantageuse et correspond au cadre et au mode de vie qu’ils recherchent ? Au final, le problème de l’installation des vétérinaires en milieu rural est identique à celui des médecins généralistes. Ce n’est pas la création d’une école vétérinaire privée qui va apporter une solution à un problème sociétal complexe.
Il faut rendre l’installation en zone rurale et agricole attractive.
Enfin, ces écoles privées auront-elles une clinique qui permette les soins de toute la diversité des espèces animales ? Cette nouvelle école ne sera pas adossée à une clinique et à une activité de recherche de ses enseignants (contrairement aux écoles publiques). La qualité de la formation ne sera pas forcément assurée. Sans cet outil, le risque de former des vétérinaires qui ne soient pas assez généralistes existe.
Ce que veut la CFDT ?
- La CFDT demande l’ouverture d’une large consultation et d’un débat afin de construire des réponses appropriées au défi majeur que doit affronter la profession vétérinaire, permettre la présence de vétérinaires sur l’ensemble du territoire tout en assurant une formation de qualité susceptible de répondre aux enjeux de demain et aux attentes des citoyen.nes. Cette réflexion nécessite d’associer étroitement l’ensemble des parties prenantes concernées par les enjeux de santé et de bien-être animal, de sécurité de la chaîne alimentaire et d’approche globale des enjeux de santé et sanitaires. Des professionnel.les jusqu’aux consommateurs/trices ! Ce débat doit se faire en posant toutes les questions sur la table. La question de la durée d’étude doit aussi être ouverte.
- La CFDT demande d’accélérer la montée en charge du nouveau dispositif de recrutement des étudiants en augmentant le taux d’encadrement à la hauteur des besoins. La charge de travail de l’ensemble des agents atteint ses limites.
- La CFDT souhaite l’ouverture d’une réflexion approfondie sans tabou sur ce sujet. Le passage en catimini de cet amendement dessert la crédibilité de leurs promoteurs.