Le "bug de Parcoursup" dès le premier jour des résultats a relancé les polémiques concernant cette plateforme. Il importe cependant de ne pas, une fois de plus, se tromper de débat.
De fait, pour les élèves concernés, le préjudice est important : se voir attribuer une place dans une filière demandée, puis le lendemain s’y voir refusé ou mis en liste d’attente est particulièrement difficile à vivre ! Le rallongement d’un jour des délais de réponse, avec la « remise à zéro » des choix potentiellement déjà effectués par les élèves concernés, a constitué un élément de réponse plutôt acceptable, alors même que le message envoyé aux équipes des établissements était passablement obscur.
Manque d’accompagnement en amont des nouvelles formations entrantes dans Parcoursup
Il est donc fondamental de comprendre l’origine de ce « bug » pour éviter qu’il ne se reproduise, et, plus généralement, il est impératif de se préoccuper de façon sans doute plus fine, plus étroite et plus humaine, des équipes en charge de faire vivre le dispositif sur le terrain. En effet, derrière l’application « Parcoursup », il y a des personnes. Elles sont chargées de décider puis de paramétrer un grand nombre de critères pour les formations proposées dans leurs établissements (lycées, IUT, universités…) : le classement des dossiers, le nombre d’élèves « acceptés » dès le premier jour (les « oui » et « oui si »), et, pour les filières sélectives, le rang du dernier élève classé. Or cette année l’entrée dans Parcoursup de nouvelles formations (notamment les Institut de Formation en Soin Infirmier) et l’affichage de plus de critères pour chaque élève a rendu l’exercice différent de celui de l’an dernier.
Les erreurs commises sont certainement explicables mais, plutôt que de se dédouaner en pointant des responsabilités individuelles, le ministère devrait en profiter pour améliorer le service en amont et accompagner les équipes des établissements concernés. Pour le Sgen-CFDT, il est fondamental de ne pas centraliser ces opérations, mais de laisser la main aux équipes qui connaissent le mieux les spécificités de leur formation. Sinon, on peut craindre chaque année des dysfonctionnements plus ou moins graves à cause de la masse de données et de la complexité du système.
Un apprentissage est nécessaire, pour ne pas céder à la tyrannie de l’immédiateté
Côté élève, s’il est impossible de « réparer » complètement le préjudice subi, il est possible en revanche de mieux expliciter les règles du jeu et les enjeux du calendrier : une des inquiétudes les plus fréquentes parmi les élèves et leurs familles vient d’abord de l’attente qui semble parfois insupportable avant d’obtenir un « oui » dans une formation. Le Sgen-CFDT avait alerté et été entendu sur ce sujet.
Prenant acte des critiques,le calendrier général a été resserré et les premiers résultats donnés plus tôt. Néanmoins, on a senti dès le 15 mai s’installer une fébrilité qui n’a pas lieu d’être. Le mécanisme implique des décisions en chaîne de choix et de renoncements. Si l’on comprend bien que pour un jeune il soit difficile de patienter, c’est le rôle des adultes qui l’entourent d’expliciter ce temps et d’en faire un temps de réflexion et de maturation de ses choix, plutôt qu’un temps anxiogène en soufflant sur les braises comme le font certaines interventions médiatiques.
Un apprentissage qui doit guider l’élève vers l’autonomie
Laisser du temps aux élèves, c’est aussi leur reconnaître la responsabilité du choix qui les concerne directement. Il faut donc trouver un équilibre : si cette décision est très importante, et doit être réfléchie, elle n’est pas pour autant inéluctable, et ne les engage pas pour le reste de leur vie.
Laisser la main aux élèves et à leurs familles pour prendre une décision est une preuve de considération des jeunes. Une fois le bac en poche, ils seront confrontés à un monde (travail ou études) dans lequel on les traitera en adultes. Le lycée se fixe pour objectif l’autonomie des élèves, encore faut-il s’en donner les moyens ! Et le flou entretenu sur les 54 heures d’aide à l’orientation censées se mettre en place dès l’année prochaine est à ce titre particulièrement inquiétant…
Pour le Sgen-CFDT la fonction de professeur principal doit évoluer vers des missions de tutorat d’un groupe d’élèves sur les 3 ans du lycée. En effet, cet accompagnement aux choix des élèves doit commencer dès la seconde, et si possible avec des groupes multi-niveaux pour permettre des échanges entre pairs. Ce type d’accompagnement plus personnalisé devient indispensable avec la réforme du lycée.
L’accompagnement des accompagnants doit être plus tangible
Il est donc important de reconnaître dans les missions des divers personnels impliqués la charge de travail induite par ce suivi de l’orientation. C’est une charge importante en termes de temps, et il est inadmissible que pour certains personnels, le paramétrage ou les conseils aux familles soient systématiquement faits sur des temps invisibles (soirées, week-end), et de façon numérique (mails essentiellement). Ce travail de suivi et de conseil est pourtant une véritable formation à l’autonomie, et en tant que tel il doit faire partie de l’emploi du temps des élèves. Cela ne s’improvise pas, surtout une année de réforme et pendant un mois de mai déjà très chargé (épreuves de LV3, d’options, de CCF d’EPS, de bouclage des programmes et de préparation des conseils de classe). Il faut donc anticiper et s’organiser. Par ailleurs, les personnels non-enseignants (Psy-EN, équipes de direction, CPE…) voient tous leur charge de travail augmenter dans l’accompagnement des élèves toute l’année. Ils doivent donc recevoir une reconnaissance financière ou une indemnité pour ce travail.
Enfin sur le long terme il est nécessaire de construire des formations et une reconnaissance des compétences ainsi mises en valeurs des personnels accompagnants, dans le cadre des rendez-vous de carrière.
Ne pas faire porter au non-sélectif la responsabilité du sélectif !
Le Sgen-CFDT a soutenu le principe de la loi ORE, et continue de rappeler que les différences d’affectation et de justice sociale dans les parcours des élèves ne relèvent pas de Parcoursup mais de la coexistence de filières sélectives et de filières non sélectives (les universités, hors IUT), avec des financements très inégaux.
Dénoncer une sélection mise en place dans le cadre de Parcoursup sans remettre en cause la prédominance des filières sélectives, et notamment des classes préparatoires, révèle donc un parti pris pour le moins contestable. Car tous les jeunes ont droit à la même considération de l’État, quelles que soient leurs origines sociale ou géographique et quelles que soient les formations et établissements dans lesquelles ils sont inscrits.