Le comité technique des personnels de statut universitaire (CTU) du 7 octobre 2019 examinait la liste des disciplines dérogeant à la proportion minimale de 40% de personnes de chaque sexe imposée pour la composition des comités de sélection. Cette disposition n'a pas donné les résultats escomptés !
Le contexte
Le projet de décret examiné par le CTU dresse la liste des disciplines du Conseil national des universités (CNU) dans lesquelles il peut être dérogé à la proportion minimale de 40% de personnes de chaque sexe imposée pour la désignation des jurys et des comités de sélection. Pour chacune des disciplines concernées, le texte précise les proportions minimales dérogatoires qu’elles doivent respecter en regard de la réalité de leur effectif.
Le Sgen-CFDT est très attaché à toutes les mesures qui permettent de tendre vers une égalité réelle de traitement entre les femmes et les hommes. Dans le cas qui nous intéresse ici, on peut dire que ce principe est particulièrement maltraité.
Le Sgen-CFDT se réjouit de l’augmentation des pourcentages de présence féminine constatés dans la plupart des sections. Cependant ces évolutions sont faibles et les modifications demandées par la nouvelle version du décret ne modifieront pas la composition des comités de sélection. Le Sgen-CFDT souhaite donc apporter les éléments suivants pour compléter l’analyse de l’impact du dispositif mis en place.
Les modifications demandées par la nouvelle version du décret ne modifieront pas la composition des comités de sélection.
Un problème qui touche toutes les sections
La rédaction de la loi s’est focalisée sur la composition des comités de sélection comme si cela avait une incidence forte sur l’évolution des pourcentages et que seules les sections à faible pourcentage de femmes posaient problème. Or, la situation paraît problématique dans l’ensemble des sections (voir graphique ci-dessous) :
% de Professeures d’université (PU) en fonction du % de Maîtresses de conférences (MCF)
Si les pourcentages de PR femmes était le même que celui des MCF femmes on devrait avoir la courbe verte continue. On constate qu’en moyenne, indépendamment du pourcentages de MCF femmes, il y a 7,5% de PR femmes en moins et que 10% de femmes en plus chez les MCF ne se traduit que par 8% de femmes en plus chez les PR. Plus le pourcentage de MCF femmes est élevé, plus l’écart à l’égalité de pourcentage de femmes entre MCF et PR est important. Par exemple, on peut trouver très bien que la section 10 ait 48% de PR femmes mais les femmes représentant 72% des MCF, le déficit est donc de 24% ! Les sections qui sont très en dessous de la ligne de régression (rouge pointillée) ont, ou ont eu, des pratiques qui pénalisent encore plus l’accès des femmes au corps de Professeur·es. Les sections 28, 26, 72,36, 64, 66, 68 ou 20 sont dans ce cas.
Une féminisation récente du corps de MCF peut expliquer en partie la différence globale de 7% mais pas le fait que les pourcentages de PR femmes n’augmente pas dans la même proportion que celui du pourcentage de femmes MCF. La pente de la droite de régression peut être l’expression de l’autocensure des candidates autant que de l’effet des pratiques du CNU lors des qualifications, des commissions de spécialistes puis des comités de sélection. Il faudrait vérifier que les éléments qui ont conduit à cette situation ne continuent pas à se produire.
L’impact des recrutements ne peut être que limité
Le tableau ci-dessous donne en (a) les recrutements nécessaires de femmes (en supposant qu’il n’y ait que des femmes recrutées et qu’elles remplacent des hommes) pour faire varier de 1% la proportion de femmes. On peut comparer ce chiffre avec les recrutements 2018. Cependant, il est peu probable que seules des femmes soient recrutées dans ce concours. Dans la dernière colonne (b) on trouve l’impact attendu des recrutement en supposant qu’un recrutement sur deux soit celui d’une femme.
Vu le peu de postes publiés, les évolutions sont lentes. Le résultat d’une évaluation fondée sur l’évolution des pourcentages de femmes dans le corps des PR est prévisible et ne peut être que décevant.
Le résultat d’une évaluation fondée sur l’évolution des pourcentages de femmes dans le corps des PR est prévisible et ne peut être que décevant.
Evaluer et infléchir les pratiques
Ce constat ne signifie pas qu’il ne faut rien faire. Pour le Sgen-CFDT, il faut faire en sorte que les pratiques qui ont conduit à cette situation ne continuent pas à se produire.
Au niveau du CNU :
- S’assurer que les taux de qualification soient sensiblement les mêmes pour les candidats Femmes et Hommes et cela chez les MCF comme chez les PR.
Au niveau des établissements :
- Les comités de sélection recrutent-ils en moyenne un pourcentage de femmes supérieur au pourcentage de femmes candidates ?
- Quelles mesures les établissements prennent-ils pour accompagner les carrières des femmes MCF et pour les amener à candidater sur des postes de PR ?
Au niveau du ministère :
- En quoi cette politique est-elle prise en compte dans l’évaluation des établissements ?
Position du Sgen-CFDT
Le Sgen-CFDT partage l’analyse qu’il est illusoire de travailler sur de faibles variations de pourcentage qui n’ont pas d’impact sur les compositions des comités de sélection. Il partage également l’analyse que l’impact de la sollicitation des collègues PR femmes, qui justifie les pourcentages dérogatoires, est très différent d’une section à l’autre. Il souhaite donc que les pourcentages dérogatoires soient maintenus dans des sections où les collègues PR femmes risquent d’être sur-sollicitées. Toutefois, les mesures dérogatoires ne montrent pas ou peu d’efficacité dans la progression du pourcentage de femmes recrutées au grade de Professeur·e.
Les mesures dérogatoires ne montrent pas ou peu d’efficacité dans la progression du pourcentage de femmes recrutées au grade de Professeur.e.
Le Sgen-CFDT estime que le statut dérogatoire doit être progressivement supprimé dans le cadre de la mise en oeuvre du plan d’actions égalité professionnelle de la loi de Transformation de la Fonction publique.