Laurence Fanoi, après avoir exercé différents métiers – dont celui d’assistante sociale (AS) –, a décidé de passer le concours de conseillère principale d’éducation (CPE).
Elle exerce aujourd’hui dans un collège de l’académie de Dijon qui comporte une section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa) et une unité localisée pour l’inclusion scolaire (Ulis).
Peux-tu nous présenter brièvement ton parcours professionnel ?
Après un Deug de sociologie à la fac de Dijon, j’ai obtenu mon concours d’entrée à l’école de service social de Reims en septembre 1985.
À la sortie de ma formation, j’ai travaillé dans plusieurs structures en remplacement (foyer pour malades alcooliques, MSA, France Telecom, Société Générale). Après cette période, je n’ai pas eu envie de rentrer tout de suite dans le « vif du sujet » ! J’ai tenté une expérience dans un laboratoire médical où j’ai exercé le métier de visiteuse médicale. Mais l’idée de « poireauter » dans les salles d’attente des médecins m’a très vite exaspérée !
Je me suis tournée vers l’immobilier en qualité de négociatrice. Un vrai bonheur dans une activité que je sentais vraiment faite pour moi ! Je vendais du rêve !
Malheureusement la crise de l’immobilier en 1992 a mis fin à ma passion et à mon statut de travailleur indépendant !
Intégrer le service social scolaire m’est venu comme une évidence
Après cette période de découvertes et de tâtonnements, je me suis tournée vers l’éducation nationale. Intégrer le service social scolaire m’est venu comme une évidence. Un travail auprès d’un public jeune, une petite équipe dynamique, un secteur géographique diversifié… J’étais sûre de ne pas m’ennuyer !
Effectivement, douze ans d’activité en continu dans ce service… j’ai battu un record ! J’ai pu appréhender des situations très variées, faire des rencontres très riches et exercer un métier utile et sans aucune monotonie !
J’ai pu appréhender des situations très variées, faire des rencontres très riches et exercer un métier utile et sans aucune monotonie !
Et pourtant, je me suis quand même lassée… ! Fatiguée de courir de collège en collège avec le sentiment de n’appartenir à aucune équipe, épuisée d’être constamment en posture d’écoute attentive et seule face à des cas de plus en plus lourds. Mon malaise allait grandissant, effarée de voir des situations graves classées sans suite !
Alors , je me suis décidée ! J’ai bénéficié d’un congé de formation pour préparer mon concours de conseillère principale d’éducation (CPE) à l’IUFM pendant un an. Je l’ai obtenu en 2005. Un vrai succès pour la mère de trois enfants que je suis et qui a trouvé le temps d’ingurgiter toute la bibliographie du concours !
Jongler entre empathie, écoute, réflexion, cadrage, autorité
J’ai trouvé cette année de formation très « vivifiante ». Elle m’a permis d’entrevoir de nouveaux objectifs dans ma vie professionnelle et d’aborder de nouvelles compétences, un renouvellement extraordinaire dont j’avais besoin.
Qu’est ce que ce parcours apporte comme richesse dans ta pratique en tant que CPE ?
Aujourd’hui, on me dit souvent que j’ai un profil atypique ! Mon métier d’assistante sociale a été un véritable tremplin et m’a permis de composer une identité professionnelle originale bâtie autour de valeurs humaines solides et de pratiques éducatives très concrètes au quotidien. Mon approche, presque intuitive, s’adapte très facilement en fonction de la personnalité des élèves que j’ai en face de moi. Je crois savoir « jongler » entre empathie, écoute, réflexion, cadrage, autorité. Je maîtrise les techniques d’aide à géométrie variable!
Les qualités d’analyse indispensables dans le métier d’AS ont été réinvesties dans mon travail auprès des ado et des familles. L’aisance relationnelle que j’ai acquise, les habitudes de concertation, la collaboration avec les structures et partenaires extérieurs sont des composantes essentielles dans mon métier de CPE.
Quels sont les points communs dans la pratique de ces deux métiers (AS et CPE) et quelles sont les différences notables ?
J’ai gardé le même regard sur les situations qui m’entourent, la même éthique vis-à-vis des hommes et des femmes que je côtoie. Les souffrances et les difficultés qui m’ont été confiées m’invitent toujours à la tolérance et au respect de leur dignité.
La notion de « communauté éducative » a bien plus de sens pour moi qu’auparavant. Dans un petit collège, le sentiment d’appartenance est prégnant et plus intéressant au quotidien. Lorsqu’on doit naviguer entre 4 ou 5 établissements comme c’est le cas pour les AS scolaires, la notion d’équipe est très aléatoire !
Cependant, j’ai trouvé un rythme de travail plus difficile en tant que CPE, fragmenté par les sonneries, les sorties, les récréations… les profs , les élèves, les exclus de cours et les parents qui font irruption dans mon bureau sans rendez vous ! C’est assez énergivore ! L’avantage, c’est qu’on ne voit pas les journées passer ! J’ai parfois l’impression que le volume de travail est plus dense !
Ce que je trouve génial, c’est que le travail que je peux faire avec les jeunes dans le cadre de projets éducatifs me ressource et me permet d’être plus disponible quand j’agis individuellement auprès des jeunes qui vont moins bien. Ces deux angles de travail fonctionnent en vases communicants !
Comment se gèrent tes relations avec les AS titulaires dans ton établissement ? Ton passé a-t-il une incidence positive ou négative dans ce travail collaboratif ?
Les relations avec les personnels médico-sociaux du collège se trouvent facilitées du fait que je connais le contenu et les contours des deux métiers. Je veille constamment à ne pas « déborder » des missions qui sont les miennes et à relayer rapidement certaines situations dès que nécessaire. J’essaie de parer aux « manques » ressentis par ces professionnels, notamment au niveau de la communication (puisque j’ai moi-même vécu ces dysfonctionnements).
Je travaille toujours pour et avec l’humain
C’est dans mon rôle de chef de service au niveau de la Vie scolaire que j’ai trouvé le plus d’obstacles au début. Il a fallu que je trouve ma place et que je développe des aptitudes de « manager » ; j’avais des notions assez approximatives. Désormais, j’apprécie la proximité professionnelle des assistants d’éducation qui, pour moi, sont de véritables collaborateurs ! Les échanges ne manquent pas de vivacité, et d’humour aussi ! C’est une ambiance de travail très différente de ce que j’ai connu avant !
Il a fallu que je trouve ma place et que je développe des aptitudes de « manager » ; j’avais des notions assez approximatives.
Ce qui a été plus compliqué pour moi, c’est le rapport hiérarchique avec le chef d’établissement ! Je ne connaissais pas cette réalité avec mon statut d’AS. J’avais beaucoup plus d’autonomie auparavant, avec la faculté d’organiser mon travail et mes rendez vous comme je voulais. Aujourd’hui, ce type de positionnement hiérarchique n’est plus vraiment une contrainte si les relations de travail sont satisfaisantes et que votre travail est reconnu ! C’est une condition capitale dans nos fonctions de CPE.
D’une manière générale, le clivage professionnel entre social et/ou éducatif que j’ai opéré est totalement positif. Je ne regrette vraiment rien !
Je m’aperçois que j’ai changé de « panoplie » mais pas de convictions… Je travaille toujours pour et avec l’humain. C’est ce qui donne un sens à ma vie !