Le Ministère de l'Education Nationale se contente, pour mettre en place le volet "lycée" du Plan Etudiants, de réactiver des dispositifs classiques, sans aucun moyen supplémentaire. Il prend ainsi le risque de compromettre la réussite de cette réforme.
Le volet « lycée » du plan réussite étudiant sans financement
Pendant toute la durée des discussions sur le « plan réussite étudiant », le Sgen-CFDT a défendu la nécessité de faire de cette réforme un dossier interministériel (Enseignement supérieur/Éducation nationale). C’est indispensable pour que les deux volets soient pris en compte simultanément.
Or, alors que le ministère de l’enseignement supérieur débloque des moyens conséquents pour accompagner la réforme et que chaque filière du supérieur se voit contrainte de définir ses attendus en terme de compétences, le ministère de l’éducation nationale lui, se contente de réactiver des dispositifs classiques, sans aucun moyen supplémentaire et veut faire croire que de simples injonctions et appels à la conscience professionnelle des enseignants de lycée permettra de faire plus et surtout mieux qu’avant.
Saturer la communication en affichant la ferme volonté de faire changer les choses sera-t-il réellement un gage de meilleure orientation des lycéens ? Cela permettra-t-il de répondre aux enjeux de l’échec important en première année post-bac ? Plus précisément, cela permettra-t-il réellement à chaque lycéen d’être mieux éclairé sur son profil, son aptitude à réussir dans telle ou telle filière, d’être mieux accompagné pour choisir un parcours adapté à son projet et à ses compétences ?
Une « fiche avenir » sans aucune indication fiable pour la poursuite d’études
On peut sérieusement en douter au vu des choix ministériels effectués sur la « fiche avenir ». Elle est présentée comme un dispositif original et formalisé des vœux du lycéen. Mais en réalité, elle est construite strictement comme un bulletin scolaire, dont on sait le peu de pertinence qu’il a pour donner une idée fine du profil de l’élève. C’est au mieux une occasion manquée de reconnaître la professionnalité des enseignants de lycée pour évaluer les compétences travaillées par les élèves, au-delà de moyennes de notes et d’appréciations convenues et globalisées. Qui peut penser que l’élève sait, lui, avec une moyenne de 12/20, reconnaitre quelles compétences il maitrise plus que les autres ? Quelles compétences il a travaillées au lycée et qui seront celles nécessaires dans la filière qu’il envisage ?
Une occasion ratée de réhabiliter le livret scolaire des lycéens
Pourtant un outil plus adapté existe déjà : le livret scolaire. En plus des moyennes et des appréciations générales, il contient aussi une partie pour positionner l’élève en quatre niveaux de maitrise sur les compétences majeures de chaque discipline, compétences régulièrement travaillées en classe et donc que les enseignants sont en mesure d’évaluer. Cet outil, créé pour les jurys du baccalauréat, est de fait peu utilisé, parfois même non rempli, et le ministère a donc renoncé en réalité à fournir aux établissements du supérieur une vision plus ciblée et plus fine des élèves, et à faire du livret scolaire un outil au service de leur orientation.
En effet, même si les premiers attendus des filières post-bac sont très divers et rédigés de façon parfois surprenantes, il y avait là l’opportunité de croiser ces attendus avec les compétences du livret scolaire sans surcharge de travail, mais avec un changement de posture face à l’évaluation des lycéens. Demander aux enseignants de compléter les moyennes et appréciations globales par des positionnements sur des compétences, c’était aussi valoriser la responsabilité des enseignants dans l’exercice de leur métier au lycée. C’était aussi l’occasion d’amorcer un vrai dialogue entre les enseignants de lycée et du post-bac.
L’absence de volonté du ministère de faire apparaitre l’expertise nuancée mais objectivée des enseignants sur le travail de leurs élèves au cours du lycée, va mettre les filières post-bac non sélectives en difficulté pour appréhender les profils d’élèves. Pour les établissements du supérieur, il sera complexe de décrypter un profil d’élèves avec 12/20 de moyenne, et une appréciation générale sur sa possibilité de réussir « assez satisfaisante ».
Le conseil de classe dans sa version classique risque donc d’être dans les faits le lieu de la décision d’orientation, car il pourrait être simple pour les établissements du supérieur de se contenter de son avis, faute de pouvoir identifier les compétences attendues, voire pire, les filières post-bac pourraient se contenter de hiérarchiser les candidats en fonction des moyennes générales et des séries, et progressivement se comporter comme les filières sélectives. Il serait ainsi insupportable que ce soit par des choix « techniques » du ministère de l’Éducation nationale que la sélection se mette en place à l’université en contradiction avec les intentions du ministère de l’enseignement supérieur, et ce alors que d’autres modalités sont possibles.
Ce n’est pourtant pas faute pour le Sgen-CFDT d’avoir tiré la sonnette d’alarme dès le mois de décembre sur cette situation très inquiétante.
Elle constitue une défiance envers les personnels de lycée et plus encore une faute envers les lycéens et leurs familles, que l’on va leurrer, surtout pour les plus fragiles d’entre eux dont les « attendus » seront appréciés au regard de moyennes globales forcément fragiles elles aussi.