Le plan Orientation et Réussite des Étudiants (ORE) est lancé : faire le point sur le plan Réussite en Licence (PRL), mis en place en 2008, n’est peut-être pas complètement inutile…
Les plans Orientation et Réussite des Étudiants (ORE) et Réussite en Licence (PRL) ont des finalités proches, même si les objectifs affichés ne se recoupent pas totalement. Il n’est pas infondé, dans ces conditions, de relire les évaluations qui ont été faites du PRL, que ce soit par la Cour des Comptes – Rapport public annuel 2012, février 2012, p657-680 – ou par l’IGAENR – Bétant Bernard, Foucault Marc, Peyroux Christian, Note relative à la mise en Å“uvre du plan pour la réussite en licence, IGAENR, juillet 2010.
Si ces deux rapports soulignent qu’il y a eu un investissement des établissements d’enseignement supérieur dans la réforme, même si c’est à des degrés divers, ils s’accordent l’un et l’autre à dire qu’il est impossible de mesurer la part des financements effectivement affectés aux objectifs initiaux et l’efficacité des dispositifs mis en place.
Le rapport de l’IGAENR explique : « L’ensemble des universités visitées ont éprouvé des difficultés à identifier les crédits accordés au titre du PRL (…) (certaines) ont vu dans la dotation spécifique PRL un complément naturel (à la DGF attribuée) leur permettant (…) d’équilibrer leur dotation ». Si cette dernière situation n’est heureusement pas la plus fréquente, il n’en reste pas moins que la part du financement réellement affectée au PRL n’a vraisemblablement été que de 25 à 50% des sommes versées par le ministère.
Des dispositifs mis en place sans aucune garantie par manque de pilotage…
Les conclusions de la Cour des Comptes sont similaires sur cette incapacité à organiser un suivi, les universités ayant « eu tendance à considérer ces ressources supplémentaires comme fondues dans la masse », même si « pour autant, les universités se montrent aujourd’hui plus soucieuses de s’adapter aux besoins de leurs étudiants ».
Ce qui est mis en cause dans ces deux rapports est identique : il n’y a pas eu de pilotage et de suivi du PRL de la part du ministère, ce qui n’a pas permis de garantir l’efficacité des dispositifs mis en place. S’il y a bien eu un cahier des charges précisant les axes éligibles, l’examen des projets présentés a été rapide et sommaire, l’attribution des crédits peu discriminante, et surtout, les fonds ont été libérés tous les ans sans la moindre exigence de comptes-rendus. Alors que le principe même de l’appel à projet était de conférer un caractère incitatif à ces crédits, l’absence de pilotage a laissé la mise en œuvre de ce plan « à l’initiative des établissements, lesquels n’ont pas forcément considéré la réussite en licence comme une priorité en soi » (Cour des Comptes).
Un besoin urgent d’évaluer les dispositifs mis en Å“uvre
D’autre part, mettre en place une évaluation permet de comparer les dispositifs expérimentés, et autorise une diffusion des « bonnes pratiques ». C’est tout l’intérêt des expérimentations : une innovation pédagogique peut être testée dans un établissement avant d’être généralisée si le résultat est concluant.
Le plan ORE qui se met en place actuellement est in fine très proche du plan licence de 2008. Ses objectifs semblent apparemment plus limités : il n’y a par exemple plus d’augmentation prévue de 5h hebdomadaires d’accompagnement ou d’enseignement supplémentaire pour tout étudiant en première année de licence (Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Plan pluriannuel pour la réussite en licence – Document d’orientation, rapport 2010-91, décembre 2007), ni d’objectif explicite de professionnalisation de la licence… Ce qui est affiché, c’est une plus grande personnalisation des parcours, en particulier pour les publics les plus fragiles, en rendant obligatoire des dispositifs d’accompagnement, ce que n’avait pas fait le PRL.
Comme le souligne les deux rapports précités, cet aspect facultatif des procédures d’accompagnement est une raison essentielle de l’inefficacité du PRL à faire baisser le taux d’échec en licence. L’intérêt de la réponse « oui si », c’est qu’elle prend en charge le bachelier dont on sait qu’il va être en difficulté, pour l’aider à réussir. Sinon, le risque est grand que les étudiant.es qui en ont le plus besoin ne suivent pas ces dispositifs, et ceci d’autant plus qu’ils ne sont pas porteurs d’ECTS. De ce point de vue, le plan ORE prévoit de valoriser les remédiations mises en place, contrairement au PRL.
Augmenter le nombre de places et valoriser les remédiations mises en place
Ensuite, le plan ORE prévoit l’augmentation du nombre de places, dans les filières en tension d’une part, mais également dans les filières sélectives qui s’adressent a priori aux bacheliers des filières technologiques et professionnelles.
Le PRL prévoyait également cette adaptation des capacités des filières courtes, STS et IUT, pour faciliter l’accueil de ces bacheliers, mais là aussi, les résultats ne furent pas atteints. En supprimant dans Parcoursup l’obligation pour un étudiant de faire figurer une licence non sélective dans ses vœux, contrairement à ce qui se passait pour APB, l’étudiant sera cette fois libre de ses choix, et ne se verra plus imposer une filière universitaire par défaut. Cela implique de vraies possibilités d’orientation en STS et en IUT, en particulier pour les publics dont la réussite en licence est actuellement très faible (réussite en 4 ans à la licence : 16% pour un bac technologique, 5,7% pour un bac professionnel contre 49,2% pour un bac général).
Afin d’éviter de reconduire les erreurs du Plan Réussite en Licence, et les faibles résultats qui en ont découlé, il faut donc évaluer les dispositifs mis en place, tant les dispositifs d’accompagnement que les modalités d’orientation effective des étudiants. Sinon, il est vraisemblable que les crédits alloués ne finissent par être utilisés à d’autres objectifs que prévus, compte tenu par ailleurs des difficultés financières actuelles des établissements.