Lettre de la secrétaire générale du Sgen-CFDT adressée en janvier 2019 à Jean-Michel Blanquer, dont un extrait a paru dans le dossier « Revalorisations dans l'Éducation nationale » du no 280 - juin-juillet-août 2021 de Profession Éducation, le magazine du Sgen-CFDT.
Monsieur le ministre,
Suite à notre entretien du 20 décembre 2018, et comme convenu, nous vous transmettons par écrit nos propositions afin d’améliorer le pouvoir d’achat des personnels de l’Éducation nationale.
Tout d’abord, et l’ensemble de la CFDT fonctions publiques le rappelle depuis sa signature du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations, ce protocole s’il contribue à l’amélioration du pouvoir d’achat, n’épuise pas nos revendications en matière de rémunération.
Il nous semble indispensable que des négociations permettent de poursuivre une revalorisation nécessaire pour incarner de manière effective la reconnaissance des agents, et pour améliorer l’attractivité des différents métiers qui contribuent au service public d’Éducation. Nous demandons aussi l’abrogation du jour de carence pour tous les personnels.
Les 8 revendications pour l’amélioration du pouvoir d’achat
Nous portons par ailleurs des revendications précises :
1. pour tous les personnels : protection sociale complémentaire, action sociale, frais de déplacement, prélèvement à la source ;
2. pour les personnels AESH et AED ;
3. pour les personnels du premier degré ;
4. pour les personnels administratifs ;
5. pour les professeurs documentalistes et les CPE ;
6. pour les personnels de direction ;
7. pour les personnels sociaux et de santé
8. en lien avec le contexte des derniers mois.
Leviers pour rehausser le pouvoir d’achat des différents personnels de l’Éducation nationale
Nous souhaitons enfin revenir sur certains des leviers que vous avez évoqués lors de notre entretien.
1. Pour tous les personnels
• Protection sociale complémentaire : nous revendiquons une prise en charge significative de la mutuelle complémentaire par l’employeur à l’instar du secteur privé (où la prise en charge atteint 50%),
• Action sociale : nous notons d’importantes disparités dans les budgets académiques alloués à l’action sociale. Un effort budgétaire à la hausse doit être mis en œuvre ainsi qu’une communication large car trop peu de personnels connaissent les aides proposées.
Il faut développer les aides relatives au logement, en particulier en début de carrière. Actuellement, les AED Vie Scolaire sont recrutés par leur établissement d’exercice ou bien par un établissement mutualisateur. De fait, n’étant pas rémunérés sur le budget de l’État, les AED ne peuvent bénéficier du CESU pour la garde de leurs enfants puisque « ce dispositif est exclusivement réservé aux agents rémunérés sur le budget de l’État ».
• Frais de déplacement : Les frais de déplacement lors des convocations (formations, réunions de rentrée) ainsi que les déplacements entre 2 établissements d’exercice ne sont pas remboursés dans de nombreux départements. De plus, des règles de gestion sont mise en œuvre au détriment des agents : une majorité de départements impose un remboursement en fonction de l’indemnité kilométrique sur la seule base du tarif SNCF 2e classe, moins avantageuse ; le logiciel de gestion des remplacements (application ARIA) ne tient pas compte des routes praticables ce qui minore la réalité des distances parcourues et donc les remboursements aux agents. L’enveloppe allouée aux personnels roulants (RASED, conseillers pédagogiques, animateurs, personnels de santé et sociaux) est toujours bien en deçà des dépenses réelles. Les budgets départementaux et académiques connaissent des ponctions chaque année. Nous demandons des budgets à la hauteur de la réalité des déplacements professionnels des agents.
• Équipement professionnel : les agents doivent bien souvent acquérir par eux-mêmes une partie de leurs outils de travail, c’est particulièrement le cas pour l’équipement informatique. Nous revendiquons le financement par l’employeur de l’acquisition de l’équipement informatique (y compris logiciel), sa maintenance et l’accès aux réseaux internet.
• Prélèvement à la source : dans le cadre de la mise en œuvre du prélèvement à la source, la mise en paiement en 2019 d’un changement d’échelon datée du 1er septembre 2018 nécessite parfois un étalement de l’augmentation de l’impôt, pour cela, il faut que le ministère fournisse une attestation fiscale aux agents concernés afin d’éviter une erreur de calcul du taux de prélèvement.
• RIFSEEP : progressivement, tous les corps qui ont adhéré au nouveau régime indemnitaire vont être concernés par la renégociation à l’issue des trois ans. Il convient que cette négociation permette un alignement vers le haut et un ajustement des groupes partout où cela apparaît nécessaire après les différents bilans annuels.
2. Pour les personnels AESH et AED
Au 1er septembre 2018, nombre de personnels AESH et AED ont eu une double mauvaise surprise : la baisse de leur rémunération avec la suppression de l’indemnité compensatrice de la CSG, et la non-application du cadre annuel du temps de travail (14 heures de fractionnement) que le Sgen-CFDT a obtenu auprès de la DGRH après plusieurs mois d’action.
Nous demandons que le ministère intervienne rapidement auprès des rectorats pour faire respecter le cadre réglementaire des personnels AESH et AED. Nous demandons aussi le rétablissement de l’indemnité compensatrice de la CSG.
3. Pour les personnels du premier degré
Les professeurs des écoles sont les seuls fonctionnaires qui doivent attendre la fin de l’année scolaire pour faire valoir leur droit à la retraite et non à la date anniversaire.
Donner droit à cette revendication historique du Sgen-CFDT serait un signe fort en direction du 1er degré.
L’ISAE n’est toujours pas égale à l’ISOE car cette première n’est pas indexée sur la valeur du point d’indice contrairement à l’ISOE. Nous demandons la modification de l’ISAE afin qu’elle soit indexée sur la valeur du point d’indice. Il nous semble par ailleurs nécessaire d’ouvrir des discussions en vue de l’instauration d’une part variable de l’ISAE qui permettrait de reconnaître, comme pour les enseignant.e.s du second degré, les missions particulières de certains professeurs des écoles liées par exemple aux évaluations, ou au suivi des enfants relevant des dispositifs d’inclusion.
4. Pour les personnels administratifs et ITRF
• Nous constatons que les personnels administratifs qui sont amenés à effectuer des heures supplémentaires ne bénéficient pas toujours de la possibilité de les récupérer, sans percevoir pour autant des heures supplémentaires, ni toujours obtenir leur comptabilisation dans le Compte
Epargne Temps. Cela ne peut pas perdurer. Cet état de fait démontre bien la charge de travail excessive qui incombe à ces personnels et qui ne saurait trouver de solution viable après la suppression des 400 postes à la prochaine rentrée.
• La reprise de la requalification de postes et d’emplois de C en B et de B en A est très attendue par les personnels qui assument des missions et responsabilités sans en avoir la reconnaissance ni dans leur rémunération indiciaire, ni dans leur régime indemnitaire. Un repyramidage des postes serait cohérent par rapport au dispositif PPCR, tout comme la redéfinition des missions dans le cadre de la réforme territoriale pourrait être une opportunité pour dynamiser la carrière des agents par une mesure de requalification.
• Un premier bilan du RIFSEEP, après quasiment 4 ans de déploiement, est révélateur des insuffisances de ce dispositif indemnitaire, pour lesquelles nous avions alerté dès sa mise en œuvre et qui a motivé notre opposition lors du vote. Jusqu’à ce jour, il divise les personnels dans son application et se révèle être contre-productif au fonctionnement des services.
1. Tout d’abord, par son iniquité territoriale quant aux montants alloués par groupe de responsabilité : dans chaque grade, à groupe de responsabilité identique, des montants extrêmement différents sont alloués, selon l’académie où vous vous trouvez.
2. Ensuite, la cartographie des postes a été réalisée de manière disparate et non coordonnée entre les académies, ce qui a pour conséquence que, pour des postes identiques, selon l’académie, certaines missions et tâches ont été intégrées et valorisée par le classement dans un groupe supérieur, ailleurs elles sont inexistantes et occultées.
3. Enfin, et pour ces raisons, le dispositif s’avère être un réel frein à la mobilité fonctionnelle, les candidats étudiant également les avantages indemnitaires lors d’une mutation : certains postes, mal dotés, ne trouveront que difficilement preneurs et seront systématiquement pourvus par des sortants de concours ou contractuels, tandis que d’autres postes risquent de ne jamais être accessibles, les « occupants » ne trouvant que peu d’équivalents ailleurs.
Force est de constater qu’en ces périodes de réorganisation des services (réforme territoriale), de suppression de postes, ne pas avoir bâti un régime indemnitaire comme levier de motivation et d’attractivité conduit les agents à de l’immobilisme, ce qui porte préjudice au fonctionnement efficient de notre administration et au renouveau pourtant affiché politiquement.
5. Pour les professeurs documentalistes et les CPE
L’indemnité de sujétions particulières des professeurs documentalistes et l’indemnité de fonction des CPE doivent être fondues dans l’ISOE, ou à tout le moins revalorisées et structurées sur le même cadre que l’ISOE (part fixe et part variable).
Nous demandons des négociations à ce sujet.
6. Pour les personnels de direction
• Les personnels de direction dont les conditions de travail se complexifient doivent être rémunérés à la hauteur de leur investissement.
• Suite à la fusion des deux corps, le nombre de passages à la hors-classe est insuffisant et laisse sans possibilité de promotion pendant de nombreuses années, un trop grand nombre d’entre eux, chefs comme adjoints. Par ailleurs, le nouvel échelon spécial de la hors-classe promouvant majoritairement des chefs d’établissement de catégorie 4 et 4EX ne respecte pas l’égalité professionnelle.
• S’agissant de l’IF2R, cette dernière doit être revue. Elle est loin, tant dans sa part Responsabilité plus symbolique qu’adaptée, que dans sa part Résultats, d’illustrer une quelconque évaluation et de reconnaître à sa juste valeur l’engagement quotidien de chacun.e.s.
7. Pour les personnels sociaux et de santé
• Le passage en catégorie A des assistant.e.s de service social doit s’accompagner d’une renégociation de leur grille de rémunération indiciaire et de leur régime indemnitaire afin de prendre en compte cette nouvelle donne.
• Pour les infirmières et infirmiers, il est aussi nécessaire de reprendre l’architecture indiciaire et indemnitaire pour les rapprocher des catégories A types.
• La revalorisation des médecins scolaires doit se poursuivre afin de renforcer l’attractivité du métier et assurer le renouvellement du corps.
8. En lien avec le contexte des derniers mois
• Les annonces gouvernementales en faveur du pouvoir d’achat doivent concerner aussi les agents publics : nous demandons une information de l’État employeur, avec le prochain bulletin de paie, sur l’éligibilité à la prime d’activité et sur les démarches à entreprendre pour la percevoir. Les
agents doivent pouvoir bénéficier d’une prime exceptionnelle à l’instar de ce que le gouvernement propose pour les salariés.
• Les personnels de direction, CPE, AED-AESH et personnels administratifs devraient bénéficier d’une prime exceptionnelle compte tenu de l’investissement sans faille tout au long du mois de décembre alors que le surcroît de travail qu’ils ont connu ne fait l’objet d’aucune rémunération en heures supplémentaires, ni de comptabilisation sur un compte épargne temps, ni de modalités de récupération.
Lors de l’entretien du 20 décembre dernier, nous n’avions pas eu le temps de vous faire part de propositions relatives aux élèves de lycée professionnel et qui ont un lien aussi bien avec la réforme et revalorisation de la voie professionnelle qu’avec les questions de pouvoir d’achat au sein de la société française. Ces élèves effectuent 22 semaines de stage en entreprise sans aucune gratification ni prise en compte de ces 22 semaines d’activité professionnelle pour leur future retraite.
Nous demandons des négociations sur le statut des jeunes en lycée professionnel.
Par ailleurs, nous tenons à rappeler que, pour le Sgen-CFDT, le développement des heures supplémentaires et leur défiscalisation et désocialisation ne peut valoir revalorisation. En effet, cette rémunération supplémentaire résulte d’une augmentation du temps de travail et pas d’une revalorisation de la rémunération horaire. Par ailleurs, les bilans sociaux, rapports de situation comparés successifs montrent que le recours aux heures supplémentaires creuse les inégalités. Tous les corps de métiers n’y accèdent pas et leur répartition sexuée en fait sans doute possible un vecteur d’inégalité de rémunération entre les femmes et les hommes. Enfin, leur défiscalisation et désocialisation fragilisent encore à la fois la capacité de l’État à financer son action, et le financement de la protection sociale et donc de revenus différés pour les agents. Nous sommes donc fermement opposés au rétablissement du caractère obligatoire d’une deuxième heure supplémentaire pour les enseignantes et enseignants du second degré.
Je vous prie de croire, Monsieur le ministre, à notre attachement au service public de l’Éducation nationale.
Secrétaire générale
Catherine Nave-Bekhti
Lire la lettre du Sgen-CFDT adressée en juillet 2021 à Jean-Michel Blanquer, portant sur les propositions de revalorisations faite par le ministère dans le cadre du Grenelle de l’éducation.
Retrouvez le dossier « Revalorisations dans l’Éducation nationale » du no 280 – juin-juillet-août 2021 de Profession Éducation.