Les étudiant·e·s en Soins Infirmiers saluent la décision rendue le 28/07/2017 par le Conseil d’État. Ils/elles sont libres de faire état de leurs croyances religieuses pendant les enseignements, mais doivent respecter le principe de laïcité du service public de santé pendant les stages.
LES FAITS :
Deux étudiants infirmiers en Institut de formation paramédicale, soutenus par une association, ont demandé par courrier le 27 janvier 2015 au ministre des affaires sociales l’abrogation des dispositions de l’annexe IV de l’arrêté ministériel du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des Instituts de formation paramédicaux.
Cette annexe indiquait en effet que : « Les signes et les tenues qui manifestent ostensiblement l’appartenance à une religion sont interdits dans tous les lieux affectés à l’institut de formation ainsi qu’au cours de toutes les activités placées sous la responsabilité de l’institut de formation ou des enseignants, y compris celles qui se déroulent en dehors de l’enceinte dudit établissement. » En l’absence de réponse de la part du ministre, ils demandent l’annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre sur leur demande d’abrogation.
En février 2016 le Conseil d’État était saisi de ce sujet qui faisait état de l’inadéquation entre l’arrêté du 21 avril 2007, relatif au fonctionnement des instituts de formation paramédicaux interdisant le port de signes religieux et limitant les libertés vestimentaires sur les lieux de cours et la réglementation en vigueur dans l’enseignement supérieur.
Fondements des principes de laïcité :
Article 1 de la Constitution du 4 octobre 1958 :
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. (…) »
Article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État :
« La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.»
Article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires modifié :
« La liberté d’opinion est garantie aux fonctionnaires.
Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race.»
Article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires modifié par la loi du 20 avril 2016
« Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité.
Dans l’exercice de ses fonctions, il est tenu à l’obligation de neutralité.
Le fonctionnaire exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité. A ce titre, il s’abstient notamment de manifester, dans l’exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses.
Le fonctionnaire traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité.
Il appartient à tout chef de service de veiller au respect de ces principes dans les services placés sous son autorité. Tout chef de service peut préciser, après avis des représentants du personnel, les principes déontologiques applicables aux agents placés sous son autorité, en les adaptant aux missions du service.»
Article 32 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires (…)
« II. – Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, sont applicables aux agents contractuels le chapitre II, l’article 22, l’article 22 ter, l’article 22 quater, l’article 23 bis à l’exception de ses II et III, l’article 24 et le présent chapitre IV, à l’exception de l’article 30.»
Décision du Conseil d’État :
Pour le Conseil d’État, « les instituts de formation paramédicaux étant des établissements d’enseignement supérieur, leurs élèves ont, lorsqu’ils suivent des enseignements théoriques et pratiques en leur sein, la qualité d’usagers du service public ; qu’il résulte des dispositions citées précédemment qu’ils sont, en cette qualité, sauf lorsqu’ils suivent un enseignement dispensé dans un lycée public, libres de faire état de leurs croyances religieuses, y compris par le port de vêtement ou de signes manifestant leur appartenance à une religion, sous réserve de ne pas perturber le déroulement des activités d’enseignement et le fonctionnement normal du service public notamment par un comportement revêtant un caractère prosélyte ou provocateur. »
Les élèves infirmiers sont des étudiants de l’enseignement universitaire et ne sont pas soumis au principe de laïcité…
Il ressort de ce considérant que les élèves infirmiers au sein des instituts de formation paramédicaux sont considérés comme étant des étudiants de l’enseignement universitaire et ne sont par conséquent pas soumis au principe de laïcité.
… mais le principe de laïcité du service public hospitalier s’impose à eux lorsqu’ils effectuent un stage.
En revanche, en vertu de l’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’État d’infirmier, la formation de ces étudiants se compose pour moitié de formation pratique au sein d’établissements de santé. Par conséquent, la haute juridiction estime que « lorsqu’ils effectuent un stage dans un établissement de santé chargé d’une mission de service public, les élèves infirmiers doivent respecter les obligations qui s’imposent aux agents du service public hospitalier ; que, s’ils bénéficient de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination fondée sur la religion, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu’ils manifestent leurs croyances religieuses dans le cadre du service public ; que, lorsque les élèves infirmiers effectuent leur stage dans un établissement n’ayant aucune mission de service public, ils doivent respecter, le cas échéant, les dispositions du règlement intérieur de cet établissement […] »
Ainsi, le Conseil d’État estime que le ministre a édicté une interdiction ayant un caractère illégal et par conséquent l’arrêté doit être abrogé ou modifié. Le juge administratif ne revient pas sur l’obligation qu’a toute personne exerçant au sein d’un établissement de santé chargé de mission de service public de respecter le principe de laïcité, et ce même s’il s’agit d’un étudiant en stage.
Conclusion :
Si le principe de neutralité du service public s’applique aux établissements de soins et donc aux lieux de stage du secteur public, il n’en est pas de même pour les instituts de formation paramédicaux qui font partie du secteur de l’enseignement supérieur, comme le souligne le Conseil d’État.
Le Sgen-CFDT se félicite de la décision du Conseil d’État, qui fait respecter le droit tel qu’il doit s’appliquer dans l’enseignement supérieur – et dans le service public.