La FEP-CFDT et le Sgen-CFDT étaient présents ce matin à la réunion ministérielle autour du projet de nouveaux programmes pour les cycles 1 et 2. Outre le manque de concertation en amont devenue une habitude, le Ministère présente des programmes très prescriptifs qui impactent la liberté pédagogique.
Deux mois pour écrire ces programmes et un mois pour les adopter et une mise en oeuvre pour la rentrée prochaine, c’est un manque de respect pour l’ensemble de l’institution et l’ensemble des professionnels. Décidément, le temps politique n’est vraiment pas le temps de l’éducation et il semblerait que certains, au plus haut sommet de l’Etat, n’en soient pas conscients.
Reçus ce matin en réunion de travail autour de ces programmes, la FEP-CFDT et le Sgen-CFDT ont exprimé leur mécontentement à la fois sur la forme mais aussi sur le fond.
Déclaration liminaire prononcée lors du groupe de travail :
Sur la forme :
Sans consultation des représentants des personnels, sans aucun dialogue social en amont, sans aucune évaluation des anciens programmes, le Conseil Supérieur des Programmes vient de sortir les projets de nouveaux programmes pour le cycle 1 et 2 et ce en à peine deux mois, des programmes qui vont impacter la scolarité de milliers d’élèves et le travail de milliers de professeurs des écoles. Pour la CFDT, la méthode est plus que contestable, un processus qui rejoint le flot d’annonces ministérielles où l’on dénie aux hiérarchies intermédiaires toute forme d’expertise. La réunion d’aujourd’hui nous pose la question des marges de manœuvre encore possibles, quelles sont-elles vraiment ? Voilà pour la forme !
Des programmes idéologiques avec une emprise du CSEN :
Sur le fond, ces programmes portent la marque du Conseil Scientifique de l’Éducation Nationale et sont avant tout idéologiques. Centrer ainsi notamment pour le Cycle 1 le travail scolaire sur les maths et le français, c’est dénier le fait qu’avant de pouvoir entrer dans les apprentissages, l’enfant a besoin d’une sécurité psycho-affective, de se sentir en confiance, de trouver sa place dans un collectif. C’est ainsi qu’il pourra devenir élève. Ces programmes ne montrent en effet aucune approche globale de l’enfant et ne font pas le lien avec le Socle Commun de Connaissances, de Compétences et de Culture. Est-ce un oubli ? On peut ensuite légitimement se poser la question de la cohérence de ce qui nous est présenté avec le reste des apprentissages tout aussi indispensables pour permettre à ces élèves de devenir des citoyens et citoyennes éclairé.e.s, critiques et ouvert.e.s sur le monde. Mais est-ce vraiment l’objectif attendu ?
L’entrée par la compréhension est absente au profit toujours de la fluence
Pour le Cycle 2, l’approche par le décodage est tout aussi problématique. De nombreuses études dont les plus récentes montrent que l’élève doit travailler parallèlement la compréhension en même temps que le décodage de mots. Associer des sons pour donner des mots qui n’existent pas crée chez l’élève de la confusion et ne sert en rien sa construction lexicale. Non, la fluence ne doit pas être une fin en soi. Beaucoup d’enseignant.e.s vous diront qu’un enfant qui lit bien ne donne pas forcément de sens à ce qu’il décode et inversement d’où un apprentissage parallèle nécessaire. Si l’on ajoute à cela que des objectifs auparavant du CP sont dans ces programmes basculés à partir de 4 ans tant en maths qu’en français, on peut s’inquiéter de leur faisabilité. L’objectif est-il seulement de réussir les évaluations de CP en faisant bachoter les élèves précédemment quitte à en laisser sur la route ?
Une approche très prescriptive pour les enseignant.e.s qui ne tient pas compte de la réalité de la classe
Ces programmes sont avant tout prescriptifs et laissent penser que tous les enfants apprennent de la même façon en même temps. La réalité d’une classe est beaucoup plus complexe notamment en maternelle où la maturité varie très fortement d’un enfant à l’autre. Ces programmes font fi de cette réalité qui se caractérisent par des classes multi-niveaux, la présence d’élèves à Besoins Éducatifs Particuliers pas encore « diagnostiqués », d’enfants allophones. Ces programmes vont donc être une machine à fabriquer des inégalités tant les attendus sont élevés pour certain.e.s. mais au-delà, ils vont mettre les enseignant.e.s en difficulté face à l’impossibilité d’atteindre les objectifs prescrits. Pire, vu les recommandations effectuées sur les différents items, les enseignants ne seront pas considérés comme des concepteurs pédagogiques capables de penser leurs séquences d’apprentissage mais comme de simples exécutants. On veut donc à travers ces programmes réduire ce métier à une simple injonction de tâches décidées dans un bureau parisien. Pour la CFDT, ces programmes ne sont pas acceptables en l’état et il convient de redonner aux enseignants l’ingénierie pédagogique qui est la marque de leur engagement en direction des élèves et plus largement envers la communauté éducative et de la nation.
Un déploiement irréaliste de ces nouveaux programmes pour la rentrée prochaine
Enfin, le Ministère envisage que ces programmes soient déployés pour la rentrée de septembre 2024. C’est oublier un peu vite que les enseignants doivent avant tout se les approprier et qu’il y a 8 semaines de congés en juillet et août. Veut-on faire travailler les personnels pendant l’été ? Quelle formation pour les accompagner dans cette appropriation sachant que la totalité de leurs heures de formations est déjà réalisée ? Alors faut-il, après un délai très court de rédaction des programmes mêler urgence et précipitations ? Il conviendrait de sortir du schéma « le Ministère prend une décision et l’intendance suivra ». Pour la CFDT, une sortie si rapide des programmes, les approches si dogmatiques qu’ils contiennent ne peuvent conduire, une nouvelle fois qu’au chaos des savoirs !