Une première consultation des organisations syndicales sur les projets de programmes de Langues vivantes a eu lieu le 9 novembre. Analyses et revendications du Sgen-CFDT.
Sur les principes affichés
Ce qu’en dit le Sgen-CFDT
– il n’est pas fait dans les programmes de langues de mention des parcours, est-ce que c’est parce que les langues n’y contribuent pas ou est-ce qu’ils n’existent plus ?
– même questionnement pour ce qui concerne les usages des outils numériques,
– les programmes se discutent trop tardivement et dans un délai trop contraint, les épreuves de baccalauréat ne sont toujours pas définies et visiblement il n’y a pas consensus au ministère sur la manière dont elles vont se dérouler : d’où un risque de tensions, voire de contradictions, et de toutes manières un calendrier intenable pour les collègues, aussi bien pour les enseignant·es que pour les corps d’encadrement,
– opposition nette face à l’externalisation de la dimension culturelle, des mobilités et même des apprentissages linguistiques (p. 9 « connaissances culturelles qui lui sont propres » p. 11 « le lycée offre des opportunités diverses pour étendre le champ des possibilités » p. 16 « lecture suivie en dehors de la classe » p. 16 « incités à augmenter le temps d’exposition » p. 19 « rapport personnel lié à son histoire familiale et scolaire ») : ces aspects doivent être explicitement intégrés au parcours pédagogique et non pas relégués à la sphère familiale, dans une perspective de justice sociale et d’émancipation des élèves,
– pas de progressivité entre seconde et cycle terminal, les attendus sont les mêmes sur les trois niveaux, pas d’incitation à travailler en équipe sur des programmations cohérentes pour éviter les répétitions et les angles morts.
Accord des organisations présentes sur le calendrier, sur le fait de travailler sans avoir les tenants et les aboutissants.
Nous avons été rejoints, trop timidement à notre goût, sur l’externalisation des apprentissages culturels.
Sur le besoin de repères, contrairement à d’autres, notre demande n’est pas d’un cadrage annuel fort et encore moins de progressions pré-déterminées sans tenir compte des classes, des parcours des élèves, des projets d’établissement… mais bien d’une aide aux collègues pour construire leur démarche, en équipe, ce qui suppose la mention explicite et la reconnaissance de ce temps de travail.
Ce qu’en dit le ministère
Nous avons été écouté·es avec attention, mais pas de réponses, sauf sur les repères annuels, qui devraient être indiqués dans les accompagnements des programmes, et n’auront donc pas valeur injonctive.
Sur la didactique des langues
Ce qu’en dit le Sgen-CFDT
– hiatus dans l’écriture entre tronc commun et spécialité, le Sgen-CFDT se retrouve bien plus, pas nécessairement dans l’exigence quantitative, mais dans la démarche et la manière dont est rédigé le préambule commun de spécialité,
– les collègues de langues vivantes et l’ensemble des équipes sont en attente de réponses sur la poursuite et les évolutions des dispositifs qui permettent de construire le parcours linguistique des élèves, classes euros, bilangues, sections internationales… et sur leur financement,
– inquiétude face à la forte contradiction entre la perspective actionnelle comme moyen d’apprendre, qui nous convient bien, et des exemples d’entrainements qui ne rentrent pas dans cette démarche, qui de plus ne correspondent pas aux activités langagières évoquées (ex. la « dictée » citée en production écrite ou la « lecture d’un texte à voix haute » en production orale)
– idem quant à la contradiction potentielle entre cette démarche actionnelle, l’affirmation de la liberté pédagogique des enseignant·es qui construisent des parcours d’apprentissage, et des épreuves d’examens qui conduisent à un cadrage très fort des progressions et des activités travaillées,
– dans un monde numérique où lire et écrire sont des activités omniprésentes et très discriminantes en terme de reproduction des inégalités sociales, l’importance de l’expression écrite n’est pas assez soulignée, comme entraînement pour consolider les compétences linguistiques mais aussi pour construire le raisonnement et développer la maîtrise des codes écrits classiques,
– confusion très gênante entre CECRL et repères didactiques : le cadre européen est une échelle descriptive sur laquelle il est intéressant de s’appuyer pour positionner ou évaluer les acquisitions des élèves dans les différentes activités langagières, mais ce n’est en aucun cas un schéma de progression, il est en effet démontré qu’un·e élève ne va pas nécessairement, en langue comme dans le reste des apprentissages, et contrairement à ce qui est écrit ou sous-entendu de manière simpliste, du plus « accessible » au » plus complexe » (p. 8).
Nous ne considérons pas que la dimension linguistique ne serait pas assez présente : les évolutions vers une approche plus explicite des faits de langue nous suffisent pour ce qui concerne le tronc commun, aller plus loin comme le demandent d’autres organisations serait revenir à une vision trop technique de l’enseignement des langues, quand la mission Manes-Taylor montre bien les évolutions positives de ces dernières années en ce qui concerne l’expression orale et la compréhension.
Ce qu’en dit le ministère
Pas grand-chose…
Notre analyse : cette consultation arrivant bien tard, il n’est de toutes manières pas possible de revenir sur les grands équilibres trouvés entre les inspections des différentes langues, qui ont des cultures et des histoires didactiques différentes. Nous pouvons espérer toutefois des révisions dans les formulations et quelques modifications à la marge.
Sur le tronc commun
Ce qu’en dit le Sgen-CFDT
– incohérence entre des niveaux attendus identiques entre filières générales et technologiques, malgré des différences sensibles d’horaires d’enseignement,
– nombre de thématiques et nombre de séquences : zapping pour les élèves, pas de possibilité de remédiation, pression sur les enseignant·es , et en même temps des choix à opérer parmi des axes thématiques, au risque que ce soient toujours les mêmes qui ne soient pas traités,
– pas de logique de progression linguistique ni culturelle, et pas d’incitation à concevoir des parcours non plus,
– l’écrit est présenté de manière uniquement utilitaire et sans ambition alors que c’est un élément de faiblesse pointé dans le rapport Manes-Taylor,
– ancrage culturel affirmé mais pas réellement mis en œuvre dans la rédaction des programmes
Accord des organisations présentes sur le nombre trop important de séquences à traiter de manière obligatoire puisqu’explicitement indiquées dans le programme, sur la pression qu’une telle consigne va faire peser sur les enseignant·es et sur les élèves, sans réelle efficacité pédagogique, voire même au détriment de celle-ci.
Accord également sur le fait qu’avec un nombre d’heures différent entre filières technologiques et générales, le programme ne peut pas être le même.
Ce qu’en dit le ministère
L’objectif des séquences courtes voire très courtes est assumé, pour éviter les chapitres qui s’étalent sur plusieurs mois. Nous avons à plusieurs reprises réitéré notre désaccord sur ce point.
Par contre, le déséquilibre entre horaires et programmes dans les filières technologiques et générales a semblé pouvoir être remis en question.
Sur la spécialité LLCE
Ce qu’en dit le Sgen-CFDT
– difficile de discuter des programmes de première sans avoir ceux de terminale,
– le « programme limitatif » ne recouvre pas la même chose dans toutes les langues,
– interrogation sur le choix des langues proposées en spécialités et sur le niveau visé en fin de terminale, qui réduit à quatre langues seulement cette spécialité en mettant en avant une exigence qui risque de décourager des élèves ayant des appétences pour les langues,
– regret de ne pas avoir vu proposer, au moins en première, un parcours plurilingue, entre le niveau visé et la demande sociale, cette obligation de ne retenir qu’une seule langue accentuera encore davantage la prédominance de l’anglais,
– en anglais, une liste de six œuvres inscrites directement dans le programme, nécessairement discutable, et très contraignant puisque la modifier signifierait formellement publier de nouveaux programmes,
– en espagnol, quand seront connues les œuvres du programme limitatif ?
– quelles finalités pour le « dossier personnel » ?
Plus de questions et de demandes de précisions que de désaccords profonds sur ce programme de spécialité. Une fois ces interrogations levées, pas vraiment de remarques négatives sur ce programme, qui semble mieux construit et plus cohérent que celui de tronc commun.
Ce qu’en dit le ministère
Un problème de mise en forme du texte dans la version publiée sur Eduscol explique la différence apparente entre la place des programmes limitatifs dans une langue et dans l’autre. Une relecture et nouvelle publication devait être faite.
La constitution du « dossier personnel » représente un volume horaire conséquent, le principe est d’éviter les cours ex-cathedra, de donner une marge d’initiative aux élèves.
Le niveau visé (et non pas attendu, la nuance est subtile mais réelle aux yeux des inspecteurs et inspectrices généraux) est élevé parce que le préambule commun concerne aussi bien des élèves ayant un parcours bilangue depuis l’école primaire que des élèves ayant commencé l’étude de la langue en 5ème, et il faut donc prévoir le cas où l’exigence ne pourrait pas être un niveau C1.
Sur l’évaluation
Ce qu’en dit le Sgen-CFDT
– pas de référence à l’examen dans le programme du cycle terminal, difficile de se prononcer sur des programmes sans savoir ce que deviennent les épreuves de baccalauréat,
– concrètement, à quoi vont ressembler les épreuves de langues lors des examens intermédiaires (ce que le ministère s’obstine à considérer comme du contrôle continu) et qui va en choisir les sujets : chaque enseignant·e ? en équipe ? cadrage académique ou national ?
– inquiétude face à la pression certificative, d’une part, et la charge de travail, d’autre part, avec la multiplication des épreuves intermédiaires,
– allons-nous continuer à convertir artificiellement en notes chiffrée et en moyenne des niveaux de compétences atteints dans différentes activités langagières ?
– interrogation sur le sens du terme « attester » en p. 5,
– est-ce que ces attestations serviront à quelque chose dans l’enseignement supérieur ? est-ce que les étudiant·es devront encore une fois passer des tests de positionnement ?
Nos questions sur l’évaluation ont déclenché une longue discussion sur les certifications.
Nous avons pu constater que les crispations idéologiques sont très fortes sur cette problématique, au point de passer beaucoup de temps dessus et de perdre de vue les enjeux qui concernent l’ensemble de nos élèves… Nous avons pour notre part rappelé que pour l’heure les certifications en langues vivantes pèsent dans les budgets, ce qui ne nous convient pas, d’autant qu’elles ne concernent dans les faits que peu d’élèves et, en dehors du DELF qui touche un public différent, n’est offerte qu’à des élèves ayant choisi des options facultatives.
Cette situation ne nous satisfait pas, elle est coûteuse et injuste. Pour le Sgen-CFDT, le baccalauréat devrait pouvoir certifier d’un niveau atteint dans les différentes activités langagières, sans pour autant voir cette certification opérée par des structures externes, ni que les résultats soient transformés en note chiffrée qui fait perdre son sens à une évaluation de compétences diverses.
Ce qu’en dit le ministère
Nous n’avons pas eu de réponse sur les modalités d’épreuve de baccalauréat ni sur la manière dont les sujets des épreuves intermédiaires seront choisis. Sur la note, il semblerait qu’elle soit incontournable pour pouvoir « rentrer dans la moyenne ».
Il n’y aura pas forcément des épreuves écrites et orales lors des évaluations intermédiaires, les portes sont ouvertes pour discuter du format des épreuves, et il y a souhait d’alléger la charge de travail organisationnelle.
Le principe d’une certification interne ne convainc pas les inspecteurs et inspectrices : nous ne saurions pas faire (exemple du CLES) et elle ne serait pas reconnue en dehors de nos frontières, ni même peut-être à l’intérieur. Le fait qu’il n’y ait pas de consensus syndical sur ce point empêche clairement d’avancer dans les discussions.
Il y aura un système d’équivalence entre notes et niveaux comme avant car… « l’évaluation se traduit de toutes manières par une note » – ce qui résout en partie la question de la certification, puisqu’une attestation sera délivrée à tous les élèves.
Une circulaire a été signée le 16 octobre pour indiquer les nouvelles modalités de passage des certifications externes. Pas de gros changements, à part que la certification en anglais se fera désormais en terminale, les autres langues en seconde. Des projets pour faire évoluer les choses en allemand et en espagnol, mais pas dans l’immédiat.
Pas de réponse sur le financement de ces options facultatives.