Une première consultation des organisations syndicales sur les projets de programmes d'Enseignement scientifique a eu lieu le 7 novembre. Analyses et revendications du Sgen-CFDT.
Pour qui ? Pourquoi ? Comment ?
Lors de la présentation de l’enseignement scientifique par la DGESCO le 7 novembre, cet enseignement avait tout l’air de l’objet pédagogique non identifié (OPNI) : A quoi sert-il ? Pour qui ? Comment sera-t-il enseigné ? Évalué ? Certifié pour le Bac ? Quelles compétences y sont travaillées ? Quels attendus pédagogiques ? Quels liens avec les spécialités scientifiques ? Et il y a eu peu de réponses à ces questions, lors de ces réunions.
Des thématiques tournées quasiment entièrement sur des contenus de sciences physiques et de chimie
En première lecture les thématiques proposées sont très générales (« Une longue histoire de la matière », « le Soleil, notre source d’énergie », « la Terre, un astre singulier », « Son et musique, porteurs d’information ») et assez loin des préoccupations quotidiennes des élèves.
Mais les thèmes abordés le sont avec un fil directeur essentiellement ancré sur les sciences physiques : construction des grandes théories, d’un « grand récit » avec des modèles scientifiques, appuyé par des calculs et des expérimentations. Peu d’observation du réel. Peu de mathématiques, mais des calculs pour quantifier et a priori « démontrer » les connaissances exposées. Une approche « histoire des sciences » en filigrane, mais pas réellement exigée non plus. Alors à quoi sert donc ce programme ?
Les sciences ne sont pas des opinions.
Louable objectif que de déconstruire l’idée que toute affirmation se vaut, et que les connaissances scientifiques sont issues d’une longue histoire, de controverses, d’expériences, d’erreurs. Que ces connaissances peuvent être amenées à évoluer, et qu’elles se sont construites par une démarche intellectuelle et des mises à l’épreuve expérimentales rigoureuses. Certes, mais en quoi ce nouvel enseignement participera-t-il à la déconstruction des stéréotypes si au final dans les épreuves on demande aux élèves de se conformer à la parole institutionnelle ? De réciter un cours, de faire un calcul ? De suivre un cours magistral dans lequel ils seront passifs, parce que les moyens de les mettre en activité n’existeront pas, parce que les contenus ne sont pas proposés pour être questionnés mais pour être appris et restitués. On est loin de la démarche des TPE, les thématiques sont obligatoires, et elles seront diversement reçues puisque s’adressant aux élèves qui suivent les spécialités scientifiques et à ceux qui ont choisi de ne plus ne faire. Par ailleurs le contenu de ce programme ne comble pas le vide béant des « maths pour tous », et en particulier des maths pour ceux qui ne se destinent pas à des études scientifiques, mais économiques et sociales, de médecine, de professeur des écoles…
Des « humanités » oubliées
Et finalement, pour ne pas avoir voulu pousser réellement les « humanités scientifiques », par exemple en réfléchissant à des croisements de regards entre les sciences et la philosophie, en alliant contenu scientifique, histoire des sciences, polémiques et débats, ce programme ne répond finalement à aucun des objectifs qu’il semblait se voir assignés. Le fort déséquilibre en faveur des sciences physiques en fera de plus un simple enjeu de « complément de service » pour les enseignants de SVT et de maths, ce qui ne peut qu’augmenter les tensions dans les établissements.
En définitive, ne conviendrait-il pas en l’état actuel de le rendre facultatif pour les élèves qui suivent la spécialité sciences physiques et chimie ? Ne faudrait-il pas envisager de le fusionner avec l’EMC pour en faire un espace de débats, de construction de la réflexion scientifique ? Si l’idée est de faire travailler les élèves sur la déconstruction de « fausses » idées, alors il faut les faire travailler et non pas les informer : leur faire réaliser des recherches, des écrits, prendre le temps de faire émerger des questionnements, des réflexions, des doutes et des pistes de réponses : accepter de ne pas traiter l’ensemble des sujets proposés mais quelques uns avec l’assurance que ce sont les méthodes de travail et les modalités de raisonnement qui forment l’esprit critique, et que cela est plus important que d’accumuler des contenus encyclopédiques.