Comité technique ministériel de l'enseignement supérieur et de la recherche du 18 juin 2021 - Déclaration du Sgen-CFDT sur le projet de décret portant sur la création d’un CDI de mission. Un projet inacceptable qui contrevient aux règles de la fonction publique.
Un nouveau dispositif : le CDI de mission scientifique
Monsieur le DGRH, mesdames et messieurs les membres du CTMESR,
Nous sommes à nouveau réunis pour cette fois-ci être informés du projet de décret qui sera présenté pour avis le 9 juillet, si je ne me trompe pas, au CSFPE.
Vous connaissez la position de la CFDT sur ce nouveau dispositif qui crée un nouveau contrat de droit public à quelques mois de la création par le ministère chargé de la transformation de la fonction publique d’un contrat de projet rejeté par l’ensemble des organisations représentatives.
Je crois d’ailleurs me rappeler que le MESRI avait voulu faire porter par la loi Transformation de la Fonction Publique (LTFP) ce projet de CDI de mission scientifique, qui au final n’y figurait pas. Peut-être parce que le projet avait été refusé à l’époque par le porteur de la loi…
Nous avons vu réapparaître ce même projet dans la LPR. Et là aussi toutes les organisations syndicales ont fait part de leur désaccord. Pas par principe ou posture, mais parce que ce dispositif ne répond pas aux attentes de nos collègues en général et des jeunes chercheurs en particulier.
Dans le cas du CDD de projet créé par la LTFP, au moins les choses sont claires : il s’agit d’un CDD, il donne donc lieu à une indemnité de fin de contrat. En ce qui nous concerne, vous avez appelé ce nouveau dispositif : CDI de mission scientifique.
Mais soyons directs, il s’agit bel et bien d’un CDD. Car c’est bien ce qu’il est en réalité.
En effet, il a une durée minimale de 6 ans et même s’il peut être renouvelé à l’infini, sa fin est actée : soit par le délai maximum de six ans soit par l’arrêt de la mission y compris avant le délai de sic ans minimum. C’est donc bien un CDD. Mais un CDD dont la durée peut aussi être très longue ! tellement longue qu’elle ressemble étrangement à des missions pérennes.
Et dans le cas d’une mission pérenne, ce sont des agents titulaires qui doivent être recrutés, comme le prévoit l’article 3 du statut général de la fonction publique.
Un décret qui contrevient aux règles de la fonction publique
Ce décret contrevient donc fondamentalement aux règles de la fonction publique, même si vous chercherez tout à l’heure à nous convaincre du contraire et c’est votre rôle.
Mais pour la CFDT, c’est bien un CDD déguisé en CDI.
Sauf que contrairement au CDI de chantier ou d’opération du secteur privé, dont il reprend en partie la trame, ou du CDD de projet de la fonction publique, aucune indemnité de fin de contrat n’est prévue pour le CDI de mission scientifique. Les conventions collectives ou les accords de branche proposent même des indemnités de fin de contrat nettement plus avantageuses (les accords de la métallurgie, par exemple) que celles prévues par le droit du travail.
À titre presque anecdotique, dans le CDI de mission scientifique, plus le contrat est long, plus l’agent est pénalisé en cas d’interruption anticipée du contrat car celle-ci est limitée à 10% de la rémunération totale mais dans la limite de 100% de la rémunération annuelle !
Au bout d’une période qui pourra être de 6 ans, 7 ans, 10 ans… voire plus… nous l’avons dit tout à l’heure, nous considérons que cet emploi est un emploi pérenne.
Dans le cas d’une fonction support, même si la mission s’achève, d’autres projets ont vu ou vont voir le jour.
Il y aura donc forcément besoin du même type de poste sur un autre projet, en particulier si on raisonne au niveau du site, du territoire et pas seulement au niveau d’un laboratoire isolé. Dans le cas d’un emploi de chercheur ou de technicien très spécialisé, la moindre des choses serait de travailler sur une transition professionnelle, une reconversion, qui permettra à l’agent de rester en emploi sur le site. Cela existe d’ailleurs pour les chercheurs et enseignants-chercheurs titulaires, cela s’appelle le CRCT…
Il n’est prévu nulle part que l’agent puisse bénéficier d’une priorité de réembauche, contrairement au CDD de chantier.
Alors qu’au bout d’une période aussi longue, a minima un véritable CDI devrait s’imposer ! Par ailleurs, les recrutements de ce type devraient faire l’objet d’un avis du CSA, dans le cadre du dialogue social, ainsi que d’un vote du conseil d’administration. L’établissement employeur devrait être dans l’obligation d’une part, d’établir un bilan annuel de ces CDI de mission scientifique, d’autre part, de vérifier l’absence de poursuite de l’activité par le recours à de nouveaux agents contractuels sur des postes similaires au niveau du site.
Enfin, le texte qui nous est proposé pour information précise que ces contrats ne doivent être possibles que pour des projets de recherche dont le financement est assuré majoritairement sur les ressources propres des établissements. Est-il prévu que les établissements provisionnent les ressources correspondantes afin d’éviter une fin anticipée du contrat pour insuffisance de fonds propres ?
Vous le comprenez, le contenu de ce décret ne répond pas pour nous aux enjeux actuels : une recherche dynamique suppose des agents reconnus par leur établissement.
Le CDI de mission scientifique, nie toute reconnaissance de l’importance des agents
Or à l’inverse, ce type de contrat, le CDI de mission scientifique, nie toute reconnaissance de l’importance des agents. Il est même clairement en deçà du contrat équivalent dans le secteur privé, et l’État est ici nettement moins disant.
Une recherche dynamique consiste aussi à garder les compétences, or, ici, nous avons des professionnels devenus opérationnels et qui peuvent être renvoyés ensuite après 6 ans ou plus sur un poste sans aucune indemnité et avec un accompagnement a minima des établissements. En effet, les différentes démarches de l’agent pour retrouver un emploi pourront être faites sur son temps libre puisque rien ne prévoit dans le texte que l’établissement lui accorde une décharge de service. …
Pour nous, ce projet de texte en l’état est inacceptable. Je vous remercie pour votre écoute.
Pour la délégation Sgen-CFDT au CTMESR, Franck Loureiro, secrétaire général adjoint