A nouveau le transfert de la santé scolaire aux collectivités est évoqué dans la loi des 3DS votée en décembre 2021.
Pour quelles raisons le projet de Loi 3DS inquiète et le le SNAMSPEN/Sgen-CFDT refuse t-il de passer sous la seule tutelle des collectivités territoriales ?
Le projet de Loi 3DS
L’article 41 A du chapitre III stipule que :
« Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport retraçant les perspectives du transfert de la médecine scolaire aux départements, son coût, les modalités envisagées de recrutement et de gestion des personnels et les améliorations attendues sur le fonctionnement des différentes actions menées dans le cadre de la médecine scolaire. Ce rapport peut faire l’objet d’un débat en séance publique dans chacune des deux assemblées. »
Cet article 41A a été adopté ainsi qu’un amendement de Mme Tamarelle, députée particulièrement investie dans la défense de la médecine scolaire, qui a fait inscrire que : « Ce rapport indique les moyens permettant, en l’absence d’un tel transfert, de renforcer la politique de santé scolaire et, en particulier, de renforcer l’attractivité des métiers concourant à cette politique.»
Nous avions dénoncé dès décembre 2020 les risques d’un transfert aux collectivités sans conditions
Le refus du SNAMSPEN/Sgen-CFDT de passer sous la seule tutelle des collectivités territoriales est basé sur le constat de la disparition accélérée des PMI sous cette même tutelle et d’une mobilisation aléatoire pour défendre ce service, dépendant de la sensibilité des élus.
Quelles conséquences pour nos jeunes envisager avec ce projet de loi 3DS ?
- Sans financement fléché abondant chaque département, en faveur de la politique de Santé des mineurs,
- sans missions régaliennes en faveur de la santé globale de l’enfant et de l’adolescent,
- sans revalorisation attractive du statut des médecins de santé publique pour réaliser ces missions :
les droits des mineurs à la Santé et au bien-être et à la levée des freins gênant leur réussite scolaire dépendra des seuls élus locaux et de leurs priorités. Les personnes âgées semblent plus préoccuper les collectivités que les jeunes populations, supposées être prises en charge par les crèches et l’école…
Les enfants sont déjà soumis à des inégalités de droits inacceptables suivant le département, voire les bassins de vie où ils vivent.
Le changement de tutelle de la médecine scolaire doit pouvoir concourir à rétablir les droits à la protection, à la santé, à la réussite scolaire pour chaque enfant sans stigmatiser les milieux de vie !
Avec la disparition des médecins scolaires au sein de l’école, nous ne pouvons que constater la majoration des inégalités sociales et territoriales de santé et de chance à la réussite scolaire, aggravée par des acteurs du soin qui font défaut ou qui ne sont pas accessibles.
Actuellement la médecine scolaire est portée par des professionnels qui oeuvrent ensemble à des missions de promotion de la santé. Cependant ce n’est pas un service structuré en tant qu’entité organisée. Depuis plusieurs année le SNAMSPEN revendique la création d’un tel service au sein de l’Education Nationale. Qui dit service dit moyen à la hauteur pour permettre un réel fonctionnement au service des élèves et de leur famille.
Faut-il alors le créer à ses portes et que son expertise soit enfin reconnue !
Les acteurs défendant un exercice de partenariats pluri-professionnels, seraient prêts à œuvrer pour un service public dans des « Maisons de service dédiées à l’enfant à l’adolescent à la famille ». Le SNAMSPEN-CFDT fait partie de ces acteurs.
Ces maisons de service public devraient pouvoir réunir côte à côte la PMI, la médecine scolaire, la santé mentale, l’aide sociale à l’enfance…et être l’interlocuteur de l’école, des médecins traitants et spécialistes, des services spécialisés, dès lors qu’il faille adapter la scolarité, notamment pour les enfants handicapés.
Pour le SNAMSPEN, les services à l’enfant et à l’adolescent sont actuellement soumis à des tutelles diverses, à des budgets de fonctionnement qui tendent à se réduire et basés sur des indicateurs d’activités non révisés depuis des années.
Un seul indicateur d’activité existe pour les médecins scolaires : la réalisation des bilans de 6 ans.
Toutes autres activités comme les consultations- longues- faites pour difficultés scolaires ou comportementales durables, l’accompagnement des familles pour la reconnaissance du handicap, … ne sont pas comptabilisées et à même de rendre compte de l’activité médicale justifiant les dépenses en ressources humaines.
Tous ces services gagneraient à bénéficier d’une seule et même tutelle, d’un seul budget de fonctionnement pour une prise en charge globale de la santé de l’enfant et de l’adolescent.
Cela permettrait de redéfinir une organisation territoriale fonctionnelle, d’assurer les ressources humaines nécessaires, sans redondance, et sans manque. Cela permettrait de mettre enfin en place la continuité des parcours de santé du jeune mineur, et de diminuer les ruptures de soins et de prises en charge faute d’un défaut d’information ou d’outils communs pour cela, entre professionnels de santé.
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Le SNAMSPEN demande que la médecine scolaire puisse agir suivant une feuille de route comportant des missions régaliennes de réelle promotion de la santé dont la réalisation ne serait pas dépendante d’une interprétation territoriale et en amont des problématiques complexes des élèves que l’on doit prendre en charge aujourd’hui.
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Le SNAMSPEN revendique pour la médecine scolaire une tutelle experte en santé individuelle et communautaire, avec une direction médicale départementale, et des sous directions en bassin de vie, au plus proche des acteurs de terrain, garante des objectifs de santé publique à tenir et décisionnaire en termes de ressources humaines pour tenir les objectifs. L’Education Nationale pourrait mettre en place une telle organisation !
Au regard des enjeux de santé, la médecine scolaire ne peut être, au même titre que la PMI, une variable d’ajustement des politiques publiques départementales ou rectorales et cantonnée à une activité de contrôle technique réglementaire portée par une poignée de médecins rescapés.
Ce ne sont pas les dernières promesses du ministère de l’EN faites en décembre 2021 aux organisations syndicales, et qui ont été déjà entendues et attendues durant toutes ces dernières années, qui nous amèneraient à penser que la médecine scolaire est bien à sa place au sein de l’éducation nationale.
Cela fait plus de 15 ans que nous attendons des rectorats qu’ils agissent en faveur du respect des missions de santé des médecins scolaires !
Comment expliquer le peu d’intérêt de nos responsables politiques pour mener des études d’envergure en économie de la santé à même d’imposer une véritable politique de promotion de la santé globale en faveur de l’enfance avec des acteurs spécifiquement formés et des dépenses de l’état consenties pour cela ?
Peut-être parce qu’agir maintenant sur la santé, le bien être, la réussite scolaire des enfants d’aujourd’hui, c’est considérer finalement servir la santé du citoyen et de la société de demain, bien au-delà des enjeux et promesses portés par un mandat présidentiel sur 5 ans… ?
Il nous reste plus qu’à espérer que les instances défendant le droit des enfants et leur bien être puissent réellement faire entendre leur voix !