Le protocole sanitaire strict voire drastique, soumet les enseignant·es à des injonctions contradictoires : pression des familles, cumul entre activité à distance et en présentiel, annonces de dispositifs visant l'accueil de plus d'élèves... Pas étonnant que beaucoup soient épuisé·es !
La mise en oeuvre du protocole sanitaire dans les établissements scolaires est en soi un casse-tête pour les directeurs, les directrices. Organisation de la distanciation sociale, gestion du matériel de protection, remaniement régulier des groupes en fonction du nombre d’enfants présents ou pour permettre l’accueil (même alternativement) d’un maximum d’entre-eux… autant de difficultés dont témoignent les équipes d’école. Cela provoque inévitablement des tensions avec les familles qui, faute de place ne peuvent remettre leur enfant librement à l’école, en particulier quand elles ont repris le travail.
Un choix contraint
Le protocole sanitaire pose aux enseignant·es des problèmes professionnels complexes voire insolubles. Comment accueillir plus d’élèves dans un contexte de retour au travail des parents ? Comment assurer un enseignement à tous les élèves alors qu’une partie d’entre eux reste en distanciel ? Les équipes pédagogiques se sont concertées et souvent organisées au sein des écoles pour organiser la continuité mais la pression des familles peut être forte alors que l’institution ne peut leur proposer de solution.
Il s’agit donc, pour beaucoup, de faire preuve de pédagogie pour expliquer aux familles les contraintes qui s’imposent aux équipes. Elles ne comprennent pas toujours quand, dans le même temps certains médias prétendent que c’est parce que les enseignant·es ne veulent pas revenir au travail que l’on ne peut accueillir plus d’élèves. Il s’ensuit des tensions importantes pas toujours faciles à gérer.
Une école, unique sanctuaire sanitaire ?
A cela s’ajoute une communication ministérielle qui annonce 90 % d’écoles ouvertes, un pourcentage qu’il faut bien évidemment relativiser. Les réalités territoriales sont en effet tout autres. Ainsi sur certaines communes où une majorité des écoles se trouvent classées « Politique de la Ville », 6 % seulement des enfants sont accueillis dans les établissements scolaires.
Où sont-ils alors ? Pour certains, ils sont effectivement confinés dans leur appartement, mais on va aussi les retrouver au parc, dans la rue ou dans les grands magasins. Des lieux où la distanciation sociale n’est pas forcément de mise. La rigueur du protocole sanitaire fait d’école un lieu sanctuaire. Un lieu hors de la réalité extérieure, un lieu où les mesures de sécurité sont telles, qu’elles empêchent le travail pédagogique des enseignant·es et surtout la sérénité dans les relations humaines. Beaucoup d’enseignant·es se mobilisent pour téléphoner aux familles et les inciter à ramener leurs enfants à l’école. Un travail supplémentaire alors que certains doivent en plus du présentiel, continuer le travail en distanciel avec le reste de leur classe.
Des collègues au bord de l’épuisement
Ce protocole est d’autant plus incompréhensible qu’il s’applique nationalement y compris sur des territoires où les cas avérés de transmissions nouvelles du virus sont quasi absents. Ce n’est pas au Sgen-CFDT de demander un assouplissement dans son application, ce n’est absolument pas de la compétence d’une organisation syndicale. Mais force est de constater qu’il met à mal nombre d’enseignant·es qui sont épuisé·es voire en situation de burn-out. Ce sentiment est d’autant plus pénible qu’ils sont souvent pointés du doigt par des médias qui les accusent de ne pas vouloir revenir en classe, des pseudo-journalistes qui malheureusement parlent sans connaître la réalité de leur situation professionnelle.
Alors, quels objectifs pour ce mois de juin ?
Comment continuer à travailler dans ces conditions ? Comment transmettre des compétences à des élèves lorsqu’on est face à eux avec un masque ? Pour le Sgen-CFDT, il faut avant tout faire confiance au professionnalisme des équipes pédagogiques et à leur capacité à s’organiser pour répondre aux besoins des élèves. Il faut enfin sortir des injonctions de l’institution et des municipalités pour permettre un minimum de sérénité dans la période. Cela implique aussi de cesser de multiplier les déclarations contradictoires sur un éventuel assouplissement du protocole qui n’aura peut-être pas lieu de sitôt.
Dans le contexte actuel, l’objectif de la reprise au sein de la classe ne peut être un retour aux programmes scolaires. Il faut avant tout permettre à un maximum d’élèves de reprendre pied au sein de l’école, de retrouver leurs camarades et d’asseoir les compétences acquises jusque là. Les équipes pédagogiques doivent pouvoir disposer de l’autonomie nécessaire pour se concerter.
Pour le Sgen-CFDT, le mois de juin doit être le moment pour les équipes de préparer la rentrée de septembre si celle-ci se déroule normalement. Les personnels doivent pouvoir construire les parcours des élèves en travaillant notamment par cycle. Charger leur barque avec des directives contradictoires augmenterait leurs difficultés et conduirait à les épuiser encore un peu plus.