Mardi 5 novembre, Ariane Azéma et Pierre Mathiot ont remis au Ministre de l'Éducation nationale leur rapport : Mission Territoires et réussite. 25 mesures sont proposées en direction des quartiers populaires, mais aussi des zones rurales.
Le rapport remis hier pose clairement les enjeux éducatifs des territoires actuels. Il dresse un bilan sans concession, s’inscrit dans la réflexion menée depuis 2014 et insiste sur la nécessaire consolidation de la politique de l’éducation prioritaire au travers de 25 mesures. Si la crainte pouvait être de voir supprimer la labellisation « éducation prioritaire », cela n’a pas été le cas. Pierre Mathiot et Ariane Azéma pensent qu’il faut adapter les dispositifs voire pour certains les déconcentrer. Leur réflexion s’étend aux territoires ruraux qui peuvent cumuler difficultés sociales et isolement. Le rapport propose de prendre en compte l’indice d’éloignement comme critère pour l’attribution de moyens. Le Sgen-CFDT trouve pertinente la prise en compte de cet indice, même si les problématiques sociales et éducatives ne sont pas pour autant, comme le souligne le rapport, les mêmes qu’en zone urbaine dense. Les comparaisons montrent ainsi que les questions sociales et scolaires sont plus aiguës au sein de ces dernières.
Un rapport où les enjeux de mixité sociale sont centraux
Parmi les éléments mis en avant dans ce rapport, la nécessité de la mixité sociale. Pour le Sgen-CFDT, c’est l’enjeu central pour les zones sensibles, quelle que soit la typologie des réseaux d’éducation prioritaire, afin d’éviter que ces derniers ne deviennent des ghettos. De nombreuses tentatives n’ont pas abouti et ce malgré des politiques volontaristes. Cela vient avant tout d’un manque de cohérence entre les politiques interministérielles et notamment entre celles menées par les ministères et celles des quartiers de politique de la ville. Plus de cohérence, cela veut dire réguler les affectations des élèves dans les établissements scolaires, expérimenter de nouvelles cartes scolaires, et plus particulièrement en direction des établissements privés sous contrat. Le rapport propose d’ailleurs de développer une politique d’association de l’enseignement privé sous contrat aux politiques de mixité et de cohésion territoriale. Cela pourra passer par des contractualisations tripartites. Pour le Sgen-CFDT, cela peut passer par des moyens financiers fléchés en fonction des objectifs de mixité sociale de ces établissements. Il est donc très clair que les établissements privés sous contrat doivent s’engager sur ces zones sensibles à scolariser des élèves du public. La mixité sociale ne se décrète pas mais se construit avec les acteurs dans l’accompagnement des élèves et des personnels.
Une déconcentration des REP au niveau académique
Si le rapport propose de reconduire à l’identique la carte nationale des réseaux d’éducation prioritaire renforcée REP+ jusqu’en 2022, il préconise, à partir d’un cadrage national et d’éléments de contexte territoriaux objectivés, que les académies puissent déployer tout ou une partie des mesures pour les REP. Pour le Sgen-CFDT, cette mesure allant vers un rapprochement de la décision de son lieu d’application, dans un cadrage national, peut être gage d’amélioration si les conditions sont réunies. Pour permettre un meilleur accompagnement des élèves et des équipes, la mise en place d’instances locales de concertation associant l’ensemble des acteurs et les partenaires sociaux des territoires concernés est nécessaire. Pour le Sgen-CFDT, cela n’est pertinent que si la gestion des ressources humaines s’avère plus fine, plus adaptée et permet un abondement en moyens suffisants sur une durée de minimale de 4 ans. Le rapport préconise la possibilité pour les académies d’avoir recours à l’ensemble des outils de priorisation (postes, bonifications, mobilité, seuil). Au-delà de cela, le Sgen-CFDT réclame que les acquis en terme de points et de bonifications pour les personnels demeurent. D’autre part, si la déconcentration se limite au redéploiement de moyens, à du saupoudrage, cela ne pourra jamais répondre aux besoins réels des territoires.
Des mesures pour tous les personnels et quelques réserves
Allant dans le même sens que les annonces du Ministre, le rapport propose pour les personnels exerçant en éducation prioritaire renforcée de reconnaître et de valoriser sur le plan indemnitaire leur investissement. Pour les deux rapporteurs, cela doit s’étendre à l’ensemble des personnels concernés, une revendication historique du Sgen-CFDT qui le demande depuis des années. Ainsi, IEN, Conseillers Pédagogiques, AESH et AED pourraient donc être concernés par les primes afférentes à ces quartiers prioritaires. Seul hic à cela, cela n’est pas budgétisé. Cet élément sera pour le Sgen-CFDT un marqueur fort de la volonté politique de ce gouvernement de reconnaître le travail de tous les acteurs en éducation prioritaire renforcée. Il revendique de l’étendre à l’ensemble de l’éducation prioritaire.
Par contre, le Sgen-CFDT s’oppose à ce que la troisième tranche de primes REP+ soit adossée à des formations pendant les vacances. Les personnels ont besoin de déconnexion d’autant plus qu’en REP+, il n’est pas rare que les collègues soient contraints d’absorber des Heures Supplémentaires Annuelles (HSA). Les temps de pondération, s’ils étaient partout respectés et organisés de manière pertinente, permettraient la mise en place de formations.
De même, il s’oppose également à la proposition de substituer à l’actuelle prime REP un dispositif finançant une prime d’installation sur les postes non attractifs. Pour le Sgen-CFDT, prévoir des mesures pour favoriser le maintien des personnels affectés sur ces territoires est une bonne chose. Les accompagner financièrement également dans les zones où les loyers sont prohibitifs est tout aussi nécessaire. L’un ne peut aller sans l’autre.
Une attention particulière pour les territoires ruraux
Avec 70 % des élèves de milieux modestes scolarisés en dehors de l’éducation prioritaire, le rapport ne pouvait que faire des propositions pour ces jeunes. Ces enfants, ces jeunes de milieu rural se voient pénalisés du fait des incidences de l’éloignement des centres culturels et universitaires qui affecte la réussite de leur parcours. Le rapport propose ainsi de s’y intéresser et de revaloriser les bourses d’internat pour favoriser la mobilité et les parcours des élèves, quel que soit leur lieu de résidence. De même la proposition de réinstaller le dispositif Plus de Maîtres que de Classes (PDMQDC) dans certaines écoles de bourgs et petites villes isolées va dans le bon sens. Vouloir renforcer les politiques sociales et éducatives pour tous, le Sgen-CFDT ne peut qu’y souscrire. Mais cela n’a de sens que si le Ministère cesse de réduire les fonds sociaux des établissements du second degré et que les équipes soient formées à l’accompagnement des publics fragilisés.
Une prise en compte des écoles orphelines et des lycées
Le Sgen-CFDT note avec satisfaction que le rapport préconise de prendre enfin en compte les écoles orphelines avec comme première étape les dédoublements des classes (comme pour les écoles relevant de critères REP). Cette intégration correspondrait à une revendication portée par le Sgen-CFDT depuis 2015.
Le rapport propose d’attribuer des moyens aux lycées accueillant des élèves issus des collèges de l’éducation prioritaire. Il souhaite en plus mettre en place une dotation spécifique dans les lycées professionnels dont l’Indice de Positionnement Social (IPS) est faible afin de gérer l’ensemble des enjeux d’accompagnement du périscolaire. Les personnels de ces lycées verraient ces spécificités prises en compte pour leurs promotions et sous forme de primes. Pour faire cela, le rapport propose de rééquilibrer les moyens académiques. Le Sgen-CFDT est en accord sur ces mesures qui permettent une plus grande justice sociale, et une solidarité entre les académies.
Le Sgen-CFDT sera vigilant à la mise en œuvre
Si ce rapport est dense, certains éléments centraux aux yeux du Sgen-CFDT ne sont que très peu évoqués, voire inexistants. Ainsi, la place des parents et celle des élèves sont très peu évoquées tout comme l’indice de climat scolaire dont ils sont des éléments déterminants. Les critères pris en compte notamment pour la révision de la carte de l’éducation prioritaire, qu’elle soit nationale ou académique, seront à spécifier. Le Sgen-CFDT sera vigilant sur un certain nombre de mesures, notamment au sort des collègues contractuels qui ne devront pas être les acteurs principaux de l’éducation prioritaire.