Après plus d'une année de travail, la commission sénatoriale chargée d'évaluer la mise en place des rythmes scolaires a rendu public son rapport. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce rapport ne remet pas en cause la semaine de quatre jours et demi, bien au contraire.
« Rythmes scolaires : faire et défaire, en finir avec l’instabilité »
Alors que le Conseil Supérieur de l’Éducation se tient ce 8 juin, et qu’à l’ordre du jour la question de la pérennité de la semaine de quatre jours et demi est posée par le Ministre, le Sénat rend public son rapport sur cette réforme emblématique du quinquennat précédent. Le titre du document pose à lui tout seul le constat : « rythmes scolaires : faire et défaire, en finir avec l’instabilité ». Ce constat, le Sgen-CFDT le partage totalement.
L’équipe ministérielle actuelle aurait été avisée de prendre le temps de lire ce rapport, ainsi que tous les autres, et de consulter les acteurs de la communauté éducative, avant de proposer précipitamment une réécriture du décret « rythmes ».
Trois constats pour prendre le temps de la réflexion !
Pour les sénateurs Jouve, Longuet, Carle, Foucaud, il est en effet urgent de prendre le temps de la réflexion. Ce rapport est basé sur trois constats :
- une réforme justifiée du point de vue des apprentissages mais qui a été imposée par le haut ;
- des difficultés en matière de ressources humaines et de financement qui perdurent ;
- un acquis important de la réforme : la mise en place d’un dialogue avec les différents acteurs de la communauté éducative, qui a initié une dynamique qu’il convient de préserver.
Ces constats, le Sgen-CFDT les a également faits, en dénonçant le manque de concertation locale, notamment avec les enseignants, lors de la mise en place sur les territoires. Trop souvent, des Projets Éducatifs de Territoire (PEdT) ont été construits sans leur avis, entre le Maire et le Dasen. Aussi ont-ils eu le sentiment d’être les grands oubliés de cette réforme : comment pouvaient-ils porter vraiment un projet, s’ils n’ont pu en être partie prenante ?
Les politiques publiques doivent être fondées sur des constats scientifiquement validés
Pour le Sénat, il convient donc, avant de prendre toute décision de retour à la semaine de quatre jours, de mener une évaluation scientifique de ses conséquences sur les apprentissages. Les politiques publiques doivent en effet être fondées sur des constats scientifiquement validés et non « par des injonctions répétées et contradictoires ». Sans évaluation, les sénateurs préconisent la stabilité, et surtout de ne pas revenir à la situation antérieure à 2013. La semaine de quatre jours a montré ses inconvénients (concentration du temps de classe, fatigue, resserrement des contenus, diminution de la vigilance) et ce, de façon répétée. Elle nuit aux apprentissages, plus particulièrement pour les élèves défavorisés.
C’est par l’accompagnement des communes, pas exclusivement au niveau financier, que la réforme prendra tout son sens. Le rapport estime ainsi qu’il faut faire du retour de l’école au samedi matin une modalité de droit commun.
Élargir la réflexion au calendrier annuel !
Cependant, si malgré ces recommandations, certaines communes souhaitent tout de même revenir à quatre jours, la commission sénatoriale recommande d’instituer un maximum horaire de 5h30 par jour d’enseignement. Cela revient donc à réduire considérablement les vacances scolaires des élèves et des personnels (6 semaines en été, contre 9 cette année, et une réduction des petites vacances). Pas sûr que les enfants et les enseignants soient gagnants dans ce retour !
Le rapport estime ainsi possible que le recteur soit habilité à déterminer le calendrier scolaire : une révolution, tant cette question est toujours délicate et les enjeux contradictoires.
Tout comme le Sgen-CFDT l’a toujours affirmé, il convient donc d’élargir la réflexion à l’année scolaire et de revoir le calendrier scolaire existant.
Pourquoi ne pas penser le temps scolaire en fonction de l’âge de l’enfant ?
C’est aussi l’insuffisance d’accompagnement de l’État qui est pointé du doigt car cette réforme a été trop verticale. Toutefois, partout où les acteurs de la communauté éducative se sont engagés dans la concertation, des organisations originales du temps scolaire ont vu le jour. Elles sont aujourd’hui très appréciées par l’ensemble des acteurs : enseignants, élus locaux, parents d’élèves.
Un gros bémol cependant : le constat est différent, suivant que l’enfant est scolarisé en élémentaire ou en maternelle. Pour les enfants entre 2 et 5 ans, le constat est plutôt négatif – sans pour autant ancrer ce ressenti dans une évaluation précise. Dès lors, pourquoi ne pas penser le temps scolaire en fonction de l’âge de l’enfant ? Quant à la fatigue souvent décrite, elle doit s’analyser avec précaution au regard des différents facteurs (multiplication des temps d’activités scolaires, périscolaires, temps des familles, etc.)
Le Ministère doit prendre le temps de l’évaluation avant tout retour en arrière
Devant ces différents constats, la commission sénatoriale émet un certain nombre de recommandations :
- Fonder toute nouvelle réforme sur l’expérimentation, l’évaluation et la contractualisation ;
- Conserver le principe de la réforme et donner davantage de souplesse aux acteurs locaux, en particulier aux élus pour élaborer les emplois du temps scolaires ;
- Permettre des organisations du temps scolaire spécifiques pour les maternelles ;
- Fixer à 5 h 30 la durée maximale des cours et compenser par la réduction des vacances scolaires ;
- Mettre en place des formations communes destinées aux animateurs et aux enseignants ;
- Faire du PEdT le document d’orientation des politiques éducatives communes ;
- Encourager les mutualisations en matière scolaire ;
- Sécuriser le financement pour les communes en modulant les aides en fonction des critères qualitatifs et quantitatifs.
Le Sgen-CFDT ne peut qu’abonder dans ce sens. Le Ministère doit donc prendre le temps de l’évaluation avant tout retour en arrière. Il en va de la crédibilité des personnels, et de tous les acteurs de la communauté éducative.