Pour recruter et former les nouveaux enseignants, il faut concilier des intérêts contradictoires. D’un côté, la règle républicaine d’un juste équilibre des enseignants titulaires sur l’ensemble du territoire national, de l’autre les aspirations des personnels : une équation difficile à résoudre.
Les concours, ou plutôt la notion de concours est souvent présentée comme la manifestation essentielle de cet équilibre républicain. Toutefois, entrent aussi en ligne de compte l’immense diversité des réalités territoriales – dont l’attractivité n’est pas le moindre des soucis – et aussi, par exemple, les besoins par discipline.
Les procédures qui prévalent dans les premier et second degrés ne se ressemblent pas, tant dans le recrutement que dans l’affectation des stagiaires et des néo-titulaires. Si les procédures qu’on observe dans le premier degré semblent être celles qui pourraient être privilégiées par le ministère à l’avenir dans la gestion de tous ses personnels elles n’en restent pas moins problématiques lorsqu’il s’agit de faire face au manque d’attractivité de certains départements, ou de certaines académies, qui précisément manquent de viviers.
L’attitude des organisations syndicales, enfin, n’est pas sans conséquence, le mouvement des enseignants étant évidemment un enjeu capital pour les organisations majoritaires lors des élections professionnelles. Quoi qu’il en soit, ces questions interrogent la gestion des ressources humaines (GRH) de façon très importante !
Du côté du premier degré…
Un recrutement académique qui ne permet pas de réaliser l’idéal égalitaire républicain
Les engagements de la Refondation de l’école s’appuyaient – en particulier dans le premier degré repéré comme prioritaire par le gouvernement – sur la création de milliers de postes. Mais, assurer un recrutement à la hauteur des créations de postes et selon les répartitions académiques prévues pour faire face aux besoins dans les écoles n’est pas chose aisée.
Ainsi, les résultats au concours de recrutement des professeurs des écoles (CRPE) 2016 sont très contrastés et témoignent d’une véritable pénurie de recrutements dans les académies d’Ile-de-France. 23,2 % de candidats lauréats dans l’académie de Rennes, 25,6 % à Toulouse, mais 77 % dans l’académie de Versailles : ce contraste est saisissant ! Moins le territoire est attractif et plus la barre d’admissibilité est basse. Et malgré tout, si le CRPE reste plus sélectif dans les académies de l’ouest et du sud-ouest de l’Hexagone, les postes créés en Ile-de-France ne sont pas tous pourvus, d’où le recours à des embauches massives de contractuels. L’ouverture d’un concours exceptionnel à Créteil permet d’éviter, depuis deux ans, le crash attendu.
L’équation ministérielle est complexe : recruter massivement des professeurs des écoles (PE) dans des territoires peu attractifs alors que le vivier réduit d’étudiants au niveau master nécessite d’attirer des candidats dans toutes les régions.
Si le principe d’un recrutement académique des PE peut sembler plus sécurisant que le concours national de leurs collègues du second degré en matière d’affectation, il ne permet pas de réaliser l’idéal égalitaire républicain.
Une affectation départementale initiale qui ne repose que sur le rang de réussite au concours
Un dialogue doit s’ouvrir avec les autorités académiques pour une prise en compte des situations familiales et médicales, et des conditions d’une première maternité, afin d’améliorer l’affectation départementale initiale qui actuellement ne repose que sur le seul rang de réussite au concours. Même les académies attractives sont obligées de réfléchir à ces questions, car il n’est pas rare qu’un département soit en net déficit d’image par rapport aux autres départements de l’académie. De même, l’amélioration des conditions d’accompagnement des premières années et l’accès facilité au logement participent à les rendre plus attractives.
… et du second degré…
Des concours nationaux, une mobilité forcée lors de la première affectation
Du côté du second degré, le recrutement se fait grâce à des concours nationaux. Le ministère utilise donc les lauréats du second degré à l’issue de leur année de stage pour pourvoir les besoins éducatifs là où ils sont le plus criants. C’est le grand brassage qui amène chaque année 45 % des stagiaires dans les académies de Créteil, Versailles et Amiens dont beaucoup en « extension de voeu ». Mais cette politique avoue ses limites : 20 % des titulaires ne rejoignent finalement pas leur affectation en Ile-de-France et les académies franciliennes peinent à recruter des contractuels dans beaucoup de disciplines.
Chaque année 45 % des stagiaires sont affectés dans les académies de Créteil, Versailles et Amiens sans les avoir choisies.
Une perspective parfois très lointaine de mobilité choisie
Ainsi, dans le second degré, comme dans une moindre mesure dans le premier, les candidats subissent une mobilité forcée lors de leur première affectation avec parfois une perspective très lointaine de mobilité choisie. Cela entraine bien des démissions qui sont autant de pertes pour le système. Beaucoup de lauréats en provenance d’autres régions ne reviendront pas chez eux avant dix ans, ce qui n’est pas sans poser des problèmes en matière de droit à la mobilité. Or pour le Sgen-CFDT l’employeur devrait être en mesure d’afficher les délais probables pour rentrer dans la région de son choix. Ce constat repose indirectement la question de l’attractivité des territoires. Le concours doit-il servir à pallier le côté repoussoir de certaines académies ?
Le Sgen-CFDT n’est pas fermé à l’idée d’un concours national avec choix de région. Mais en l’état actuel, cette procédure ne garantirait pas un meilleur fonctionnement du système ni aux personnels d’enseigner là où ils le souhaitent. La réflexion doit donc être poursuivie et approfondie.
Penser les questions de Gestion des Ressources Humaines…
Enfin, entrer dans cette problématique par la seule dimension du périmètre territorial du concours parait trop réducteur. Faire face à ces défis suppose de penser les questions de Gestion des Ressources Humaines GRH : structuration des viviers d’enseignants, accueil, rémunération, conditions de travail, conditions de logement, mobilité… tout cela au cours de la carrière. Mais, elles dépassent le strict cadre de notre ministère.
Le concours est un moyen de recruter les personnels que l’institution estime nécessaires pour assurer ses missions. Mais il est totalement anormal que les collègues subissent une double mobilité dans ce cadre : comme stagiaires puis comme titulaires, ce qui constitue un phénomène unique au sein de la fonction publique.
Pour aller plus loin : Consultez notre dossier « Recruter, affecter et garantir la mobilité : des défis importants ».