Les études vétérinaires vont connaître une réforme importante. Quelles en sont les raisons et les modalités ?
Diversifier le profil des étudiant-es recruté-es
Depuis plusieurs années le projet de refonder l’organisation de l’enseignement vétérinaire est en suspens. Le nombre d’étudiant.es a augmenté de 35 % depuis 2012 pour répondre à la pénurie de vétérinaires en milieu rural. Malgré ces efforts, les modalités actuelles de sélection des étudiant.es ne permettent toujours pas de recruter des profils socialement diversifiés et en adéquation avec les réalités du métier et de la formation. Le ministère de l’agriculture (Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche – DGER) met en avant plusieurs arguments pour justifier la refonte des études vétérinaires :
1 – La nécessité de raccourcir la durée des études vétérinaires.
La France dans le paysage européen se singularise : la durée des études vétérinaires conduisant au diplôme d’État de docteur vétérinaire est la plus longue (de 6 à 8 ans contre 6 ans en moyenne pour nos partenaires). Cette singularité a un coût pour les finances publiques. Elle peut aussi constituer une contrainte forte, voire insurmontable pour les jeunes de familles modestes. Le Sgen-CFDT partage ce même constat et souhaite une harmonisation au niveau de l’Union Européenne.
2 -Diversifier les origines sociales, géographiques et scolaires des étudiants
La volonté de diversifier les origines sociales, géographiques et scolaires des étudiant-es sélectionné-es. Les données statistiques montrent que ces filières sont souvent l’apanage des enfants issus de familles « aisées » ou résidant en région parisienne et issus de quelques lycées « connus ». Ce manque de diversité n’est ni soutenable pour la profession, ni acceptable socialement. Pour le Sgen-CFDT, il faut ouvrir ces filières aux « candidats » de toutes origines.
3 -Clarifier des dispositions relatives à la thèse
Une clarification des dispositions relatives à la thèse pour l’obtention du diplôme d’Etat de docteur vétérinaire. Pour le Sgen-CFDT, ce toilettage administratif était nécessaire.
Si le Sgen-CFDT partage le diagnostic initial posé par le ministère, il s’interroge sur les modalités concrètes de mise en œuvre de cette réforme. Sont-elles à la hauteur des enjeux et des ambitions affichées et servent-elles la cause qu’elles sont censées défendre ? Le débat est ouvert.
De nouvelles modalités de recrutement post-bac
Le projet de décret étudié au CNESERAAV (Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire) du 8 septembre 2020, propose la création d’une nouvelle voie d’accès, post-baccalauréat, aux études vétérinaires. Les élèves de classe terminale préparant le baccalauréat général pourront, dès 2021, candidater sur PARCOURSUP. Une sélection sera organisée par les ENV prévoyant notamment le recrutement d’un pourcentage minimal de bacheliers bénéficiaires de la bourse nationale de lycée. Ces étudiants pourront accéder au diplôme d’État de docteur vétérinaire après six ans d’études.
Un recrutement en deux temps…
Le recrutement sur PARCOURSUP se caractérisera par une phase d’admissibilité (700 étudiants sélectionnés) suivie d’une phase d’admission (160 places). Cette dernière constituera une voie d’accès au concours vétérinaire. Les épreuves d’admission évalueront les capacités des candidats retenus à argumenter, à soutenir un point de vue notamment sur les questions de la santé et du bien-être animal et la connaissance du milieu professionnel, des enjeux sociaux et culturels.
La première année d’étude aura une visée propédeutique commune aux 4 ENV, le programme est en cours de construction. Ces étudiants rejoindront les étudiants recrutés par les autres voies du concours vétérinaire. 160 étudiants vont être recrutés en 2021 soit 40 étudiants par école vétérinaire (Nantes, Maisons-Alfort, Toulouse, Lyon) ;
Ce dispositif innovant va-t-il être au service d’une plus grande diversité des profils recrutés ?
Des critères sociaux (élèves boursiers) et d’âge (néo-candidats) interviendront dans la phase d’admissibilité, l’algorithme PARCOURSUP peut être configuré en retenant ces critères. Le Sgen-CFDT note que ce nouveau dispositif se caractérise par une absence de préparation au concours. Dès lors, ne risque-t-on pas de favoriser par ce biais les élèves issus des milieux les plus favorisés (socialement, culturellement, géographiquement) ?
La DGER a indiqué que ces épreuves d’admission seront différentes d’une année sur l’autre, leur caractère ne sera pas académique, elles ne pourront pas faire l’objet d’une préparation . Pour le Sgen-CFDT, ce dispositif inédit devra être évalué dès que possible afin de confirmer si le but affiché est bien atteint.
Un passage en seconde année aux modalités atypiques
Le passage en 2eme année est conditionné à la validation de tous les ECTS des deux semestres et à la réussite d’épreuves nationales proposées par le conseils des directeurs des 4 ENV. L’exclusion, le redoublement ou l’admission relèvera de la compétence du directeur de chaque école, sur proposition du conseil des enseignants, après avis du conseil des directeurs des quatre ENV. La gestion du cas d’étudiant.es ayant obtenu tous ces ECTS mais exclu ou admis en redoublement par un directeur risque « de ne pas aller de soi ».
Le Sgen-CFDT lance le débat sur plusieurs questions…
Le Sgen-CFDT a lancé le débat avec plusieurs questions : pourquoi faut-il l’avis du conseil des directeurs ? Qu’est-ce qui motive cette décision paradoxale ? Pour les autres années, cet avis n’est pas sollicité…
La DGER en réponse a précisé que les directeurs entérineront l’avis du conseil des enseignants. Cette procédure vise à assurer « l’harmonisation » des évaluations entre les écoles en éliminant d’éventuelles distorsions dans la notation. Pour le Sgen-CFDT, le risque de doublon est réel…
Enfin le Sgen-CFDT s’est inquiété du devenir des étudiants qui ne seront pas admis en seconde année, pourront-ils obtenir des équivalents ECTS ? afin de suivre une filière universitaire sans perdre leur acquis ? La DGER a indiqué que ce volet doit être travaillé avec les universités pour que ces ECTS puissent être reconnus dans le cadre des parcours de licence.
Les nouveaux moyens débloqués seront-ils à la hauteur des besoins ?
La DGER a recruté 16 agents supplémentaires pour accompagner cette refondation dont 12 PRAG (professeurs agrégés ou certifiés). Cet effort est significatif mais est-il suffisant ? En réponse à cette question posée par le Sgen-CFDT, la DGER a reconnu que certains enseignants-chercheurs devront intervenir en complément. Pour le Sgen-CFDT, c’est donc une charge de travail supplémentaire qui va incomber aux enseignants-chercheurs et qui s’ajoute à une charge de travail déjà lourde qui pose problème depuis de nombreuses années.
Le point de vue de la CFDT
Les objectifs sociaux affichés par la DGER et justifiant cette refondation sont difficilement contestables. Par contre, les modalités pratiques de mises en œuvre peuvent être interrogées et devront être évaluées. Dans le débat, la DGER a donné des réponses qui devront être confirmées dans les faits. Il faudra le recul de deux années afin d’évaluer pleinement le bien-fondé de cette réforme et l’adéquation des moyens aux besoins nouveaux créés.
Le Sgen-CFDT déplore que depuis plus de vingt ans, les réformes successives n’aient pas été l’objet d’une évaluation systématique. Cette lacune française de culture de l’évaluation devient de moins en moins soutenable. Si le Sgen-CFDT avec l’ensemble des autres organisations syndicales (FSU, CGT, FO) ne s’est pas opposé à cette réforme (vote favorable à l’unanimité), il attend fermement un retour d’expérience qui devra être réalisé le plus rapidement possible.