Témoignage de Morgane Alonso, Principale. Préparer la réforme du collège : organisation de la concertation entre les équipes , mise en place de groupes de travail pour répartir les tâches, formations dans l'établissement...
Chirens est un bourg de 2000 habitants en centre Isère. Le collège des Collines y a ouvert ses portes en septembre 2012. La dynamique liée à cette ouverture et la nécessité de tout construire à partir des expériences de chacun a été accentuée par une synergie forte qui s’est mise en place entre tous les personnels du collège. L’équipe d’enseignants a été immédiatement très volontaire pour oser expérimenter des méthodes d’enseignement et d’évaluation différentes. En une année scolaire, nous sommes entrés dans une démarche d’innovation pédagogique en partenariat avec la CARDIE de Grenoble pour mettre en place l’évaluation par compétences.
Depuis deux ans, toutes les classes de 6ème sont évaluées par compétences dans toutes les matières, ainsi que sur des compétences transversales communes, sans aucune note chiffrée. Cette réflexion a été accompagnée d’une modification significative de l’organisation de la classe, de façon à prendre en compte l’hétérogénéité du public accueilli : développement du travail en îlots, mise en place progressive d’outils de remédiation et de régulation, usage de plus en plus fréquent de la carte mentale, tant par les enseignants que les élèves, approche de la classe inversée, travail autour d’un projet par classe en 6ème, développement des parcours personnalisés, …
C’est dans ce cadre bienveillant envers les élèves, et dans ce contexte a priori favorable que nous sommes entrés dans la mise en place de la réforme, en suivant une démarche devenue habituelle : un travail collectif, beaucoup de concertation sans pour autant démultiplier les réunions, anticipé autant que possible, pour une mise en place progressive, en appui sur des travaux de groupe et une stratégie de formations établissement.
Nous avons beaucoup anticipé la préparation de rentrée 2015 en juin 2015 afin de libérer un maximum de temps de concertation dédié à la Réforme, et ce dès les journées de pré-rentrée. Dès le mois de juin, l’information avait été diffusée aux enseignants, la seconde journée de pré-rentrée et la journée de solidarité seraient consacrées à la mise en place de la réforme.
1ère ÉTAPE : ORGANISER LA CONCERTATION ENTRE LES ÉQUIPES ET DONNER UN CADRE RASSURANT
La seconde journée de rentrée a été découpée en 3 soirées de travail de 17h à 19h, réparties sur le premier trimestre. Cette information et les dates retenues ont été communiquées dès le 31 août à tous les personnels de l’établissement.
Ce calendrier étant établi, il a fallu prévoir le contenu de ces soirées, leur articulation avec le calendrier ministériel et académique, le lien avec les autres journées de formation.
Il a aussi été nécessaire de réfléchir à la place que nous pouvions accorder aux enseignements complémentaires, actuelles options : latin et grec dès la classe de 5ème, mise en place d’une mini entreprise dans le cadre de l’option DP3. Le maintien de ces deux dispositifs est une attente forte de la communauté enseignante du collège. Il fallait dès maintenant apporter des éléments de cadrage à ces sujets.
Nous avons fait le choix de maintenir une mini-entreprise en classe de 3ème et l’enseignement de complément langues et civilisations antiques sur les trois niveaux de classe de la 5ème à la 3ème. Afin que les élèves n’aient pas à se déterminer sur cette « option » dès la fin de la classe de 6ème, nous allons sans doute procéder comme suit :
- Mise en place de l’EPI LCA sur le premier semestre de la classe de 5ème
- Démarrage de l’enseignement de complément à partir du second semestre de la classe de 5ème. Ainsi, tous les élèves auront eu la même approche au travers de l’EPI et pourront se déterminer à suivre un enseignement facultatif en connaissance de cause. Il n’est bien sûr pas question que les enseignants qui interviendront dans l’EPI soient en charge d’une initiation au latin ou au grec. Cela pourra se faire en complément, sur l’AP, par les enseignants de lettres classiques, comme nous le faisions jusqu’ici avec les élèves de 6ème.
Difficultés principales à lever : comment penser les emplois du temps en amont pour que des élèves répartis sur 6 classes de 5ème puissent, quelle que soit la classe dans laquelle ils sont affectés, démarrer un enseignement facultatif au second semestre ? Et comment gérer, en vie scolaire, tous les autres élèves du niveau, qui, de fait, ne seront pas occupés sur ces créneaux ? Nous allons prévoir une barrette sur les 6 classes dès la constitution initiale des emplois du temps, en plaçant une heure en tout début ou toute fin de journée, et une heure en dernière partie de matinée.
Et enfin, autre pré-requis : quelle place sera accordée à chacune des langues vivantes 2 ?
A ce jour, nous faisons un constat problématique au collège des Collines : trop peu d’élèves choisissent l’allemand dès la classe de 6ème (pas d’allemand LV2 proposé en 4ème), et trop peu d’élèves choisissent l’italien en 4ème. Cela a pour conséquence de créer un déséquilibre dans la représentativité des 3 langues vivantes, mais aussi dans la taille des groupes d’élèves : quand les élèves faisant italien ou allemand suivent un enseignement en groupes de 15 à 24 élèves maximum, les élèves suivant un enseignement d’espagnol sont 27 à 30 par classe. Où est l’équité des parcours dans ce cas ?
Nous allons, en classe de 6ème, durant le mois de décembre 2016 et de janvier 2017, proposer à tous les élèves de 6ème une petite introduction ou initiation à chacune des trois langues vivantes 2 proposées au collège. Ainsi, chacun aura eu la même information, quelle que soit sa classe. Nous espérons ainsi que les élèves se détermineront de manière plus homogène. Et nous aurons aussi les effectifs prévisionnels suffisamment en amont du travail de ventilation de la dotation globale pour prévoir le nombre de groupes dans chacune des trois disciplines.
DEUXIÈME ÉTAPE : LA MISE EN PLACE DE GROUPES DE TRAVAIL QUI SE RÉPARTISSENT LES TÂCHES
Nous avons constitué 4 groupes de travail autonomes, chacun se concentrant sur une partie de la mise en place de la réforme : un groupe est en charge du cycle 3, trois groupes sont en charge du cycle 4, avec un découpage par niveau (5ème, 4ème 3ème). Afin de faciliter la répartition des enseignants dans les groupes, j’ai créé un tableau en ligne (sous doodle) sur lequel chaque enseignant s’est inscrit avant la première soirée de travail, en respectant une répartition homogène des enseignants d’une même discipline (français, maths, hist-géo, anglais, EPS) ou d’un même champ disciplinaire (sciences, LV2, arts) dans les différents groupes.
Chaque groupe ainsi constitué doit travailler sur deux axes :
- La mise en place des EPI (quelles matières, quelle partie du programme, sur quelle période, durant combien de temps hebdomadaire, selon quelles modalités).
- L’usage de l’AP (Accompagnement personnalisé).
Cette organisation a plusieurs avantages :
- Les groupes constitués sont homogènes en taille (environ 10 enseignants par groupe).
- Les groupes constitués sont hétérogènes en profils d’enseignants, toutes les disciplines ou champs disciplinaires sont représenté(e)s.
- Chaque groupe pourra facilement être en formation sur une journée sans que cela ait un impact considérable sur l’organisation des enseignements, tel que cela nous est demandé.
- Chaque groupe désigne un référent qui s’engage à être membre du Conseil Pédagogique et à assister à la journée de formation par bassin prévue début octobre. Ces quatre référents pourront aussi facilement être consultés par le chef d’établissement lors de petites réunions sur la plage méridienne, afin de mesurer l’état d’avancement des projets.
- Chaque groupe travaille de manière autonome, avec rendu compte de l’avancée des travaux lors de la partie plénière de la soirée de travail suivante.
Mais elle a aussi quelques inconvénients :
- Quelle articulation entre les groupes pour être sûrs que 6 thèmes d’EPI sur les 8 seront bien abordés au cours du cycle 4 ?
- Difficulté pour certains à entrer par l’axe EPI tant que tous les enseignants ne se sont pas approprié leurs nouveaux programmes, leur déclinaison sur le cycle 4, le lien avec le socle. Ce point est sensible et est facteur de beaucoup d’inquiétudes dans certaines disciplines (EPS, lettres, essentiellement). Il faudrait, pour certains, un temps de concertation par discipline afin de leur permettre de travailler ces aspects, ce qui peut être un préalable rassurant. Cependant, les programmes n’étant pas finalisés, nous devons faire face à une distorsion du calendrier impossible à prendre en compte.
A l’issue de la première soirée de travail, nous avons pu constater que, dans chaque groupe, la réflexion s’était amorcée sous l’angle pédagogique, et non pas sous l’angle de la répartition des moyens.
Nous pensons avoir terminé le travail préparatoire sur les EPI et l’AP en décembre. Nous aurons alors une vision de la répartition du temps de travail des enseignants entre enseignement disciplinaire, enseignement dans le cadre des EPI et participation à l’AP. Ceci nous permettra de démarrer des simulations concrètes de ventilation de la dotation globale dès la fin du mois de décembre, voire début janvier.
La journée de solidarité sera sans doute découpée en trois soirées, à moins que nous fassions le choix d’une soirée et d’un mercredi après-midi, ou d’une soirée et d’un samedi matin. Nous n’avons pas encore établi un calendrier précis, nous attendons d’avoir des informations plus précises sur le contenu des journées de formation, entre autre. Dans tous les cas, ces soirées auront lieu entre les vacances d’hivers et le mois de mai.
TROISIÈME ÉTAPE : LES FORMATIONS ÉTABLISSEMENT AU SERVICE DE LA RÉFORME
Nous allons aussi faire une demande de formation établissement sur le thème de la remédiation, en lien avec
- la notion d’école inclusive
- la liaison écoles-collège
- l’usage de l’AP
Cette formation d’une durée de 2 jours aura lieu en mai pour la première journée et en juin (ou début juillet) pour la seconde journée. S’il s’avérait que nous manquions de temps disponible pour que chacun participe à cette formation dans de bonnes conditions, nous la reporterions à septembre 2016. Ce choix stratégique a été arrêté en plénière lors de la première soirée de travail.
En enfin, dans le cadre institutionnel du conseil école-collège, nous avions fait, l’an passé, en lien avec les deux IEN de secteur, une demande de formation inter-cycle sur l’évaluation par compétences. Notre objectif est de mettre en place un outil commun d’évaluation par compétences, utilisé sur le cycle 3 par tous les enseignants du premier et du second degré.
QUELQUES QUESTIONS DEMEURENT :
- Quel travail devrons-nous mener en conseil pédagogique sur le premier semestre 2016 pour préparer la rentrée 2016 ?
- Quels seront nos prochains besoins en formation? (Ex :l’évaluation des projets, l’interdisciplinarité)
La réforme est en marche au collège des Collines. Chacun, malgré ses peurs ou ses appréhensions, a conscience que l’immobilisme en matière de stratégie pédagogique ne mènera à rien, et qu’il vaut essayer de tirer le meilleur parti de ce qui nous est proposé, tout en ayant conscience de nos limites : peut-être n’arriverons-nous pas à tout mettre en place du premier coup, ou en une seule année, mais nous aurons fait de notre mieux.
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