La CFDT présente l’impact que cette réforme aurait sur la qualité de la formation des futur.es enseignant⋅e⋅s et CPE, sur le travail des étudiant⋅e⋅s, des formateurs et formatrices en licence et en master et plus globalement sur la nouvelle orientation donnée par ce gouvernement. Touche-t-on au but ?
Les tensions autour de la formation initiale se sont trop longtemps cristallisées sur la place d’un concours de recrutement qui n’a cessé de fluctuer au gré des alternances gouvernementales avec pour conséquences la déstabilisation du schéma global de formation, l’épuisement des équipes dans les IUFM-ESPE-INSPE, la précarisation des étudiants et des étudiantes. Les dernières annonces sont encourageantes mais des incertitudes demeurent.
Des revendications d’ors et déjà garanties
À partir des éléments communiqués le 28 mars dernier par le Premier ministre, la CFDT Éducation formation Recherche Publiques se réjouit de voir plusieurs de nos revendications garanties :
- Une symétrie pour les enseignants du 1er et du 2nd degré, dans les modalités de recrutement et de formation ;
- une formation initiale diplomante assurée par un établissement d’enseignement supérieur public (abandon du fantasme des écoles normales supérieures du professorat) ;
- une rémunération satisfaisante pour les lauréat⋅e⋅s pendant leurs deux années de formation en master, appuyée sur un statut qui assure l’acquisition de droit à la retraite ;
- une formation initiale en alternance avec des stages en milieu professionnel
Des préoccupations fortes
Rassurés sur ces points, des préoccupations et des questions demeurent.
Dialogue social en berne
Les formateurs et formatrices et les représentants et représentantes des personnels constatent encore une fois que les annonces médiatiques l’emportent toujours sur les concertations avec les principaux et principales intéressé.es.
L’arrêt par le DGRH de la première multilatérale mercredi 2 avril, suite au départ de certaines organisations syndicales n’est pas un signal encourageant sur la volonté de discussion du ministère.
Nous exigeons la tenue d’un CSAMEN exceptionnel en présence de la Ministre d’état pour discuter le projet de décret concernant le concours, le statut des lauréats et les obligations.
Si la version a peu changé depuis juin 2024 nous disposons depuis d’informations que nous n’avions pas à l’époque sur l’ensemble de la réforme. Nous avons donc des amendements à soumettre qui méritent examen pour éviter des écueils susceptibles de nuire à l’objectif d’attractivité.
Un concours en fin de licence, un incontournable ?
Repositionner les concours (hors agrégation) en fin de L3 n’est pas une demande de la CFDT. Il nous importe surtout de défendre un service public d’éducation de qualité, porté par des professionnels conscients de leurs responsabilités et des enjeux des métiers de l’éducation et de la formation.
Un concours trop précoce, sous réserve d’assurer un vivier, conduira à des épreuves de recrutement insuffisamment professionnalisantes et sans pour autant garantir la maîtrise des savoirs à enseigner. Les « sujets 0 » qui ont circulé l’année dernière ont confirmé nos craintes à ce sujet.
Un recrutement en L3 est manifestement la seule façon d’assurer un financement des études pendant le master alors que le statut d’apprenti que nous défendons à la CFDT depuis la mastérisation de la formation en 2010 aurait pu sécuriser le parcours d’étude des étudiants et des étudiantes.
Une mise en œuvre précipitée en 2025, ce sont des personnels malmenés
Le repositionnement du concours en fin de L3 dès la session 2026 aura nécessairement un impact sur les licences pour la rentrée 2025.
Encore une fois, les équipes dans les universités sont acculées à travailler dans la précipitation pour répondre aux injonctions ministérielles toujours tardives et surtout à l’attente des étudiants et des étudiantes.
On parle de modules de préparation aux concours d’une soixantaine d’heures. Doit-on considérer que 60 heures suffisent pour réussir un concours ? Le ministère de l’enseignement supérieur confirme un financement mais sans enveloppe précise et sans dotation en poste. Quelles prises en compte pour les épreuves du concours de CPE et CAPLP ?
Une licence spécifique, oui mais…
La CFDT est favorable à une licence pluridisciplinaire qui reconnaît la spécificité du métier de professeur des école, la polyvalence. Pour autant, il ne faut pas négliger les difficultés importantes que la création d’une telle licence pose.
La création d’une licence « professorat des écoles » (LPE) aura nécessairement un impact sur d’autres licences, en particulier en sciences humaines et sociales, et d’autant plus si les étudiants et les étudiantes de cette LPE sont dispensé.es des épreuves d’admissibilité du CRPE (« fast-track ») dès la session 2028 et sachant que la cible est à 4 000 à 5 000 étudiant⋅e⋅s par promotion.
Se dirige-t-on progressivement vers une profession réglementée, au moins pour les PE ?
Qui va porter cette nouvelle licence ? Elle va se substituer progressivement aux PPPE (parcours de préparation au professorat des écoles) mais les conditions d’études seront-elles maintenues pour les étudiants ?
Cette licence très spécifique pose aussi des questions d’orientation. Elle nécessite de penser les possibilités d’intégration ou de réorientation au cours de la licence et en fin de L3.
Il est question d’« équipes pédagogiques intégrant universitaires et professeurs issus de l’éducation nationale » pour encadrer cette licence. Quel sera le ratio ? Pour quelles missions ? Quelles seront les conditions de rémunération et la reconnaissance de leur investissement ?
La mise en concurrence de candidat⋅e⋅s au CRPE, issu.e⋅s ou non de la LPE doit être anticipée. Elle dépendra des places offertes au concours par rapport aux nombre d’étudiant.e.s LPE. Les candidat⋅e⋅s pourront-iels passer le concours dans une académie différente de leur lieu de formation ? Autant de questions qui nécessiteront des explications claires pour les équipes universitaires et pour les étudiantes et les étudiants.
Un nouveau master pas comme les autres 
La formation en master à l’Inspé pour les lauréats et lauréates des concours de l’enseignement public est une satisfaction mais certains éléments annoncés à ce stade sont à reconsidérer.
Le volume de stage l’année de fonctionnaire stagiaire à 50% de service est beaucoup trop important.
Nous demandons qu’il ne dépasse pas 1/3 du temps de service (12 semaines) et qu’il soit nécessairement précédé d’une pratique accompagnée, en particulier pour les stagiaires lauréats du concours et qui n’auront pas droit à une première année d’élève fonctionnaire. Les stagiaires ne doivent pas être considérés comme des moyens d’enseignement. Les affectations proposées dans l’école ou l’établissement doivent garantir les conditions d’accueil et d’accompagnement nécessaires à la formation. Les missions des tuteurs et maitres d’accueil temporaire doivent être reconnues financièrement et par de la décharge d’activité.
Une première année de master pour découvrir
Nous demandons qu’une partie des 12 semaines de stage permette un départ en mobilité pour découvrir des systèmes éducatifs étrangers. Ces 12 semaines doivent permettre de découvrir la diversité des conditions d’exercice du métier.
Une formation académique de qualité
Le volume de 800 heures de formation sur les 2 années du master doit être revu à la hausse pour garantir une formation de qualité.
Dans le cadre d’une formation universitaire adossée à la recherche, nous demandons le rétablissement d’un mémoire de master qui ne se limite pas à un mémoire de stage.
Plus globalement nous nous interrogeons sur la possibilité qu’auront ou non les étudiants et les étudiantes de licence de suivre un master indépendamment de l’obtention du concours et comment se fera l’entrée en M2 dans la perspective annoncée d’une validation du M1 subordonnée à l’avis de l’employeur.
Nous rappelons qu’une formation universitaire portée à bac +5 a justement pour ambition de permettre l’émancipation des personnels. A ce titre, nous sommes très inquiets de la « Proposition de référentiel de compétences des enseignants français » du CSEN mis en ligne sur le site de Canopée. Ce référentiel et d’autres expressions venant du ministère associés à la contrainte forte de l’employeur sur les contenus de formation, nous inquiètent sur la vision du métier qui sera portée pendant la formation initiale des personnels d’éducation et d’enseignement.
Enfin, nous ne comprenons pas pourquoi les écoles académiques de la formation continue (EAFC) seraient mobilisées dans le cadre d’une formation initiale et sur des domaines réservés (contenus dits « professionnels »).
Une obligation de servir 4 ans à discuter
Après la titularisation, l’engagement à servir pendant 4 ans dans la fonction publique peut représenter un risque et dissuader finalement des étudiants et des étudiantes à s’engager dans la formation. L’obligation de servir l’état combinée aux contraintes de mobilité risque de représenter une double peine.
La CFDT propose que ces quatre années soient surtout un engagement de l’état à assurer une formation continuée pour les néo-titulaires avec aménagement de service.
La CFDT voit dans cette réforme une étape importante mais elle ne réglera pas à elle seule le problème sérieux de l’attractivité des métiers de l’éducation nationale. Nous attendons des propositions fortes sur la rémunération, l’affectation, la mobilité professionnelle, l’évolution de carrière et les conditions de travail.