La réforme de l'apprentissage, dont le projet de loi est déjà écrit, va bousculer l'enseignement agricole. Catastrophe ou opportunité ?
Le Sgen-CFDT prône un optimisme de combat.
Le point sur l’avancement de la réforme de l’apprentissage, qui s’annonce complexe !
Les arbitrages
Le 9 février dernier, le Gouvernement a arrêté 20 mesures pour présenter la réforme de l’apprentissage, présentées dans un dossier de presse, disponible ci contre : Les 20 mesures.
La Loi
Le 27 avril prochain, le Gouvernement présentera au Conseil des Ministres son projet de Loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». Cette loi portera la réforme de l’apprentissage, de la formation professionnelle et de l’assurance chômage. Ce projet passera cet été par les chambres parlementaires. Nous disposons déjà d’une version écrite de ce projet car elle sera présentée notamment au CNEA du 18 avril
Calendrier d’application de la réforme de l’apprentissage , mené au pas de charge…
Le changement essentiel est dans les modes et le circuit des financements : le passage de la « taxe d’apprentissage » (système actuel) vers la « contribution alternance » se fera le 1er janvier 2020. On peut donc penser que les conséquences importantes sur les CFA n’auront lieu qu’en 2020. Des dispositifs de transition pourront se mettre en place, la ministre du travail souhaite cependant des modifications dès la rentrée 2019.
Les spécificités de l’Enseignement Agricole, aucune annonce…
Pour le moment, la DGER n’a rien écrit, une première réunion n’a eu lieu que le 15 mars 2018. La DGER avoue que la réforme de l’apprentissage avançant très vite, elle n’a pas le temps d’organiser de multiples réunions avec les organisations syndicales. Les services de la DGER sont mobilisés pour que la réforme épargne le plus possible les CFA agricoles, une des trois voies de formation conduites par nos EPLEFPA.
Si la réforme de l’apprentissage est bien avancée sur certains aspects qui nous ont été présentés, il reste encore de nombreuses interrogations et incertitudes.
Au lieu d’émarger à diverses subventions, les CFA, demain, seront financés au contrat, c’est-à-dire qu’ils toucheront une aide à chaque fois qu’un jeune signera un contrat d’apprentissage. Chaque branche fixera le montant de la somme à verser au CFA dont il dépend. En effet, un des axes majeurs de la réforme est le passage du pouvoir des régions vers les branches professionnelles.
Les branches travailleront avec les Régions. Elles pourront passer des conventions avec les Conseils régionaux.
Dans le secteur agricole, pour l’instant, il existe une multitude de branches (une centaine). Par exemple, pour la production agricole, il y a une convention collective par département donc une branche par département. Cette complexité n’est pas encore traitée dans la nouvelle organisation annoncée mais ce ne sera pas sans poser des problèmes d’équité et de réactivité.
À terme, l’esprit de la loi est d’aboutir à une seule branche qui piloterait l’ensemble de l’apprentissage pour le secteur agricole. Il faudra sans doute une longue période de transition et de nombreuses négociations.
Une privatisation : vrai ou faux ?
Le passage de l’essentiel du financement des Régions vers les branches n’est pas une privatisation. En effet, les branches sont des organismes paritaires, tout comme les organisations patronales, et à parité siègent les grandes organisations syndicales dont la CFDT.
L’exemption, une particularité de « nos » agriculteurs.
Outre la multitude de branches, le secteur agricole dispose d’une seconde spécificité. Les agriculteurs sont dispensés, pour l’instant, de la taxe d’apprentissage. Il est donc probable que l’essentiel des financements de l’apprentissage agricole proviendra, soit de l’État, soit plutôt des autres secteurs via un dispositif prévu : les dispositifs de péréquation. Ceux-ci devaient représenter 15 à 20% des fonds collectés.
L’apparition de la concurrence, une réelle inquiétude !
L’objectif du Gouvernement n’est pas du tout de promouvoir ni même de maintenir l’apprentissage conduit par le service public. Il est vrai qu’il n’est largement majoritaire (75%) que dans le secteur agricole. Dans le reste des secteurs économiques, il est très faible.
Au contraire, le Gouvernement souhaite introduire de la concurrence dans le secteur de l’apprentissage.
Tout organisme de formation, via une certification, pourra assez facilement ouvrir une section apprentissage et se faire reconnaitre comme CFA.
Tout CFA pourra craindre de voir apparaître, dans son territoire, un autre CFA.
Y-aura-t-il une régulation et/ou des arbitrages ?
Le projet de loi n’est pas encore très précis. Une instance prenant le relais du CREFOP (Comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles) gérera et arbitrera la future carte des formations. Vraisemblablement, les branches auront beaucoup de poids dans les décisions finales mais le dispositif ne « devra pas faire obstacle à la libre création ou au développement des CFA ».
Les différents niveaux de financement selon le niveau de formation
Les aides à l’embauche d’apprentis seront supprimées pour les Post Bac.
Il sera plus difficile de remplir les classes de BTS dans les CFA.
Comment réagir à cette réforme de l’apprentissage ? Et quand ? Y a-t-il urgence ?
Contrairement au gouvernement, le Sgen-CFDT souhaite défendre l’apprentissage conduit par le service public.
Il compte intervenir auprès des députés et sénateurs : le dispositif législatif doit prendre en compte de nombreuses spécificités, dont celle de l’Enseignement Agricole.
Il faut absolument sauver les petits Établissements, nos EPLEFPA et leurs trois voies de formation.
Le Sgen-CFDT proposera si nécessaire des amendements aux parlementaires avant les débats des mois de mai et juin prochains.
Le projet de Loi actuel ne remet pas directement en cause les CFA agricoles de nos EPLEFPA, mais l’ambiance est morose face au manque de visibilité et face à l’accélération des réformes.
Le Sgen-CFDT veut aussi participer à l’accompagnement des CFA et de leurs équipes, pour que ceux-ci soient maintenus voire se développent, même si la loi finale ouvre la possibilité de concurrence, restons attentifs et combatifs face à la menace.
Face à la concurrence annoncée, certains CFA, qui subsistent grâce à des subventions d’équilibre pour maintenir de petits effectifs dans les classes, ne pourront sans doute pas continuer avec un tel fonctionnement.
En effet, un autre grand changement de la réforme est le financement au contrat et non à la section.
Cependant, il est aussi possible que les responsables des branches agricoles soient sensibles, au même titre que les Conseils régionaux, au maintien de formations dans des zones géographiques sensibles et pour les formations où l’emploi est en tension.
Le financement par contrat dans les branche actuelles couvertes par nos CFA n’étant pas très élevé, l’activité de formation ne sera sans doute pas très rentable, il est peu probable de voir arriver de nouveaux concurrents de taille importante.
Par ailleurs, les coûts actuels de nos formations sont souvent inférieurs aux coûts pratiqués par nos concurrents déjà présents. Les CFA seront donc en moyenne bien placés, dans un environnement concurrentiel.
Réactivité et fermetures de classes
Le projet de loi se veut plus réactif sur les ouvertures et les fermetures.
Dans l’agriculture, la réactivité est déjà présente. Par exemple en Rhône-Alpes, en 2018, 3 classes sont fermées et 7 sont ouvertes.
Le Sgen-CFDT accepte l’idée de coller davantage aux préoccupations des entreprises, mais revendique la mise en place de dispositifs qui puissent installer une stabilité des effectifs et une ambiance rassurante, pour que les formateurs et l’ensemble du personnel puissent acquérir de l’expérience et avoir une évolution de carrière et pour maintenir des compétences.
La nouvelle loi fait l’impasse sur les conditions de travail du personnel des CFA.
Autres données : le hors-quota.
• Le hors quota est maintenu mais sûrement diminué et prendra le nom de « contribution supplémentaire ». C’est particulièrement important pour le financement de l’apprentissage dans l’Enseignement Supérieur et les équipements pédagogiques dans les Lycées. Cependant, il est probable que les flux d’apprentis dans l’enseignement supérieur, en forte croissance actuellement, auront plus de peine à croître.
• En termes de pré-apprentissage, les DIMA seront amenés à disparaître, remplacés par les prépa-apprentissage ; ce dispositif correspondrait largement à ce que l’Enseignement agricole public sait déjà faire.
Les questions non résolues
Les dynamiques d’EPL permettant des synergies, des échanges et des mutualisations seront-elles impactées par cette réforme de l’apprentissage ?
Quelques éléments du plan d’action de la DGER pour accompagner les CFA face à la réforme de l’apprentissage
Certains fonctionnaires de la DGER sont optimistes, les CFA ayant une longueur d’avance et leur efficience étant reconnue, ils devraient être sereins face à une éventuelle concurrence.
L’objectif de faire reconnaître tous les EPL comme des campus des métiers permettra de les rendre visibles et attractifs.
L’organisation en novembre 2019 d’un séminaire sur l’apprentissage pour aider cette future révolution culturelle
L’embauche d’un chargé de mission spécifiquement sur cette transition devient nécessaire pour ne pas louper cette réforme.
La mise en réseau reste indispensable pour dynamiser les réseaux régionaux des CFA / CFPPA.
La DGER évoque des stratégies variées des CFA, certains pourront se tourner vers d’autres champs professionnels ou passer des alliances avec des CFA d’autres branches comme le bâtiment, le BTP…
La DGER se veut proactive sur le volet certification, assurance-qualité qui deviendra obligatoire dans la future loi.