Communiqué de presse commun du Sgen-CFDT, de l'Unsa-éducation, SE-Unsa et Sup’recherche Unsa
Nous avons appris par une dépêche de l’AEF datée du 14 avril 2020 que M. Mark Sherringham, inspecteur général, s’était vu confier par les ministres de l’ENJ et de l’ESR une mission « de conseil opérationnel et d’évaluation des politiques académiques auprès des recteurs qui ont la responsabilité de mettre en place les nouveaux Inspé ». Elle prend effet « à compter du 1er mars 2020 et pour une durée de 2 ans ».
Cette annonce interpelle fortement nos organisations syndicales. À plus d’un titre.
Sur la forme tout d’abord. Apprendre l’existence de cette mission par une agence de presse est un message que nous recevons mal ! Depuis l’ouverture des négociations, nos organisations syndicales ont toujours été force de propositions dans les discussions sur la réforme de la formation initiale des enseignants et des CPE. Cela pose aussi la question du rôle et de l’existence même du comité de suivi de la réforme des INSPE qui n’a, à aucun moment, été informé et encore moins consulté.
Sur le fond. Cette mission marque un tournant dans l’ancrage de la formation des enseignant.e.s et des CPE qui passe ainsi nettement de l’ESR au MENJ.
En effet, la lettre de mission, citée dans la dépêche et qui n’a toujours pas été communiquée, précise que ce sont les « recteurs qui ont la responsabilité de mettre en place les nouveaux Inspé » et que M. Sherringham « accompagnera les recteurs dans la vérification de la conformité des maquettes pédagogiques ». Cela va à l’encontre de l’organisation même de l’enseignement supérieur et de l’autonomie dont jouissent les universités en France. Nos organisations syndicales rappellent que les INSPÉ sont des composantes universitaires à part entière et, qu’à ce titre, ils relèvent des prérogatives à la fois de leur Conseil d’Institut, de la Commission Formation et Vie Universitaire et in fine du CNESER. Nous apprenons également qu’il revient à Mark Sherringham de veiller à « évaluer la richesse des viviers des candidats à la direction des Inspé ». Depuis la loi Blanquer sur « l’école de la confiance », les Conseils d’Institut ont déjà été privés de l’audition des candidats à la direction de la composante au bénéfice d’un « comité d’audition ». Celui-ci va devenir une simple chambre d’enregistrements.
Le second volet de la mission concerne la création de « classes préparatoires au professorat des écoles » (CPPE) que l’inspecteur général est chargé de définir et de concevoir « en lien avec la Dgesco, la Dgesip, l’IGÉSR et les corps d’inspection territoriaux », sans qu’apparaissent à aucun moment le rôle des INSPÉ et des universités. L’objectif est de mettre en place ces classes préparatoires « dès la rentrée de septembre 2020, dans 3 ou 4 académies-pilotes » puis il s’agira d’ouvrir « au moins une CPPE par académie » dès 2021. Nous sommes en train de revenir 30 ans en arrière avant la création des IUFM ! La création sans concertation de ces CPPE rendra encore moins lisibles les voies d’accès au métier de professeur des écoles et va concurrencer les dispositifs de préprofessionnalisation mis en place dans les licences. Il s’agit là d’un dispositif parallèle et concurrent et d’une décision unilatérale pour le moins paradoxale alors que nous travaillons à l’universitarisation de la formation des enseignants du premier degré depuis les années 90.
Croit-on vraiment que ces nouvelles annonces, vont contribuer à rendre plus attractives les conditions d’accès aux métiers de l’enseignement et de l’éducation, à renforcer la professionnalisation en formation initiale et à améliorer la rémunération et les conditions de travail des étudiant.e.s et des stagiaires ?
Cette manière de procéder n’est respectueuse, ni des partenaires sociaux, ni des personnels des INSPÉ et des composantes universitaires impliquées dans la réforme de la formation des enseignant.e.s et des CPE. Nous rappelons que depuis le confinement décrété le 17 mars, et l’annonce du Président de la République de suspendre les réformes en cours, toutes les réunions sur la formation des enseignants ont été suspendues, en particulier celles portant sur la modification de l’arrêté du 27 aout 2013 et qui prévoyait dans sa dernière version travaillée le 4 février 2020 une possibilité de décliner l’alternance sur les deux années du master MEEF.
Pour nos organisations syndicales, l’annonce de la mission Sherringham est un nouveau rebondissement qui montre à quel point la réforme de la formation initiale est encore loin d’être aboutie. Cela renforce notre revendication de reporter la mise en œuvre de la réforme et de reprendre les négociations sur les bases d’un vrai dialogue social.