La réforme du bac présentée par le ministre laisse dans le flou trop de questions pourtant essentielles, que ce soit en terme d’objectifs ou de conditions de mise en œuvre, et en particulier sur les changements induits dans l’exercice du métier enseignant.
Réforme du lycée et du bac : quelle vision du métier enseignant ?
Pour l’instant rien n’est précisé sur le sujet, ce qui est assez logique puisque les annonces s’adressaient d’abord à l’opinion publique et aux lycéens. Il est pourtant urgent de clarifier les nouvelles modalités pour en vérifier la faisabilité.
Les moyens alloués et les modalités pédagogiques des enseignements
Seuls les horaires élèves sont proposés, or le taux d’encadrement des élèves est un facteur fondamental de leur réussite, et il est très différent d’avoir des classes à 35 élèves ou des groupes à 15 pour pratiquer les langues, faire des TP ou préparer l’oral de l’épreuve terminale.
Rien n’est dit sur la distribution globale des moyens… Seront-ils fléchés selon les disciplines, selon les enseignements (qui sont parfois pluri-disiplinaires) ou laissés à la libre appréciation des équipes. Dans ce cas à quelle hauteur seront les marges et comment seront calculées les dotations si les élèves peuvent réellement choisir librement leurs « triplettes » ou « doublettes » d’enseignements de spécialités ?
Il faut sécuriser les personnels avec des dotations pluri-annuelles en nombre de postes par établissement…
Pour le Sgen-CFDT, il faut sécuriser les personnels avec des dotations pluri-annuelles en nombre de postes par établissement (et non pas en nombre d’heures comme c’est le cas actuellement), avec une marge conséquente pour permettre aux équipes de faire des choix de pratiques pédagogiques ou d’organisation qui soient de moyen terme. C’est la condition indispensable à la conduite du changement, pour espérer en tirer les bénéfices attendus pour la réussite des élèves.
L’organisation et le contenu des enseignements
Si pour l’instant le projet évite plutôt l’écueil du trop grand morcellement disciplinaire et de la multiplication des groupes, il aborde mal la question de l’interdisciplinarité. Plusieurs enseignements de ce type sont proposés, Humanités numériques et scientifiques, Histoire-Géopolitique et Sciences politiques, Humanités, littérature et philosophie, ce qui en soit est un projet intéressant.
Mais quels objectifs seront fixés à ces enseignements ? Pourquoi par exemple avoir déconnecté les sciences politiques des SES, au risque de les déstructurer ? Selon quel programme ? Avec les enseignants de quelles disciplines ? Quel temps auront-ils pour se concerter et travailler ensemble ?
Pour le Sgen-CFDT il est urgent d’entrer dans le détail opérationnel des mesures, de façon à éviter des tensions à l’intérieur des établissements et de façon à rendre lisible les objectifs poursuivis par la réforme.
Cela passe par la définition des référentiels de compétences et de connaissances des enseignements, mais aussi par les problématiques budgétaires et matérielles.
La question de l’oral, présentée comme une compétence à travailler au lycée
Pour cela, il faut d’abord revoir les programmes pour donner plus de place à l’oral en sortant de l’encyclopédisme pour définir des référentiels clairs sur le sujet dans toutes les disciplines et donner du temps pour travailler la compétence orale. Or les déclarations récentes de la présidente du Conseil supérieur des programmes ne laissaient pas percevoir cet objectif… Si les programmes actuels restent dans la même logique, les enseignant·e·s de lycée ne pourront pas préparer correctement leurs élèves à cette épreuve, et cela risque de laisser peser la responsabilité de l’échec ou de la réussite de cette épreuve sur les qualités personnelles des élèves (ou sur une externalisation de cet apprentissage) ce qui serait une injustice insupportable.
Pour le Sgen-CFDT, travailler les compétences orales durant toute la scolarité est une nécessité.
Cela demande des moyens et une identification précise des temps dédiés dans les enseignements afin que cela ne reste pas une simple injonction et que cela n’aboutisse pas à une inégalité sociale des chances de réussite de l’épreuve.
L’accompagnement
Pour le Sgen-CFDT, C’est une composante de la professionnalité enseignante, surtout dans un contexte où l’objectif est de personnaliser les parcours et le ministre en a convenu. Or le dispositif envisagé reste très flou : en seconde l’accompagnement personnalisé – AP sera réservé à la remédiation de français et, on ne sait pas à qui seront dévolues les heures étiquetées « aide à l’orientation ». Cet accompagnement ne semble pas pour l’instant envisagé dans sa composante pluri-professionnelle associant enseignant·e·s de la classe (et pas seulement professeur·e principal·e), professeur·e documentaliste, CPE, PsyEN.
Pour le Sgen-CFDT, l’accompagnement est un enjeu majeur pour permettre la réussite de chaque élève.
Cela nécessite des moyens pour suivre les élèves de façon adaptée et souple (et pas en classe entière), des objectifs clarifiés, des temps établis permettant le croisement des regards de divers professionnels.
Autant de questions qui restent en suspens et qu’il faut traiter par le dialogue social, à tous les niveaux, pour sortir de l’effet d’annonce et entrer dans la construction d’une politique publique éducative cohérente.