Comme nous l'avions prédit, derrière la réforme des services déconcentrés de la Jeunesse et des Sports, se profilent des bouleversements de grande ampleur qui suscitent bon nombre d'inquiétudes, y compris chez des personnels qui ne font pas directement l'objet de cette réforme.
Qui est concerné ?
Dans le cadre de la réforme de l’organisation territoriale de l’Etat, 3000 agents JS devraient rejoindre l’Education Nationale répartis en majeure partie dans les services régionaux (Rectorats) et départementaux (DSDEN) de l’EN. Première alerte : ce chiffre n’est pas anodin, dès lors que ces agents auraient vocation à être gérés par l’administration centrale de l’Education Nationale. Car cela correspondrait à un doublement brutal des effectifs que gèrent actuellement ces services, sans que le nombre de personnels affectés à leur gestion ne soit revu à la hausse…
Dans ce contexte, le Sgen-Cfdt pointe également de nombreux angles morts, comme autant de sujets d’inquiétude :
- Le devenir des personnels dits de soutien. De difficiles tractations ont lieu entre DGRH de l’éducation nationale et DRH des ministères sociaux, car il faut à la fois transférer des personnels administratifs dans les services déconcentrés pour le soutien aux missions, et vers l’administration centrale du MEN pour gérer les agents. Or ces personnels ont pour une grande part intégré les corps administratifs des affaires sociales. Le secrétariat général des ministères sociaux ne lâchera pas comme cela ses ETP !
- La gestion des personnels des établissements: la secrétaire générale du MEN a découvert ce dossier qui ne lui a pas été présenté, notamment le fait que plus de 40% des personnels administratifs de ces établissements avaient intégré des corps des affaires sociales. Elle vient également de prendre connaissance de leurs montants indemnitaires et de ceux, identiques car alignés, de leurs collègues des corps de l’éducation nationale en poste dans ces établissements. Rappelons que le ministère de l’éducation nationale est le plus mauvais payeur de tous les ministères ! Le Sgen-CFDT revendique des garanties de maintien des acquis de ces agents, indemnitaires notamment. Si leur transfert en gestion passe par une convention de gestion entre affaires sociales et éducation nationale, les termes de celle-ci doivent être définis en concertation avec les organisations syndicales du champ J&S.
- Le devenir des CTS. Ils sont basculés désormais en gestion vers le programme 219, à la main du ministère des sports, notamment pour prendre en charge la subvention destinée aux établissements. Il faudra analyser attentivement le budget 2020 du ministère pour évaluer les conséquences concrètes de cette décision, mais pour ce qui concerne leur transfert en gestion à l’éducation nationale, sa secrétaire générale… est en attente de précisions, dans un contexte où leur devenir n’est pas réglé puisque nous sommes dans l’attente de la restitution des conclusions d’un groupe de travail annoncé par la Ministre des Sports, mais non encore mis en place à ce jour…
Quelles missions ?
Les agents « auront vocation à suivre leurs missions » et les ETP transférables seront définis au regard de l’enquête activité du MAS.
Suivre leurs missions, soit, mais lesquelles ?
Une revue des misions menée par les IGESR en lien avec les IGAS doit se tenir, elle n’a toujours pas débuté à ce jour.
Si l’on se reporte aux missions évoquées dans la circulaire (très peu claire) du 12 juillet dernier signée du Premier ministre on ne peut ignorer l’importance qui sera donnée à la mise en œuvre du SNU dans le volume d’activité des personnels J&S transférés : or la faisabilité et la soutenabilité de ce dispositif à l’échelle d’une classe d’âge est interrogée, tandis que sa dimension éducative reste très discutable…
Rien n’est tranché non plus concernant le devenir des formations et certifications Jeunesse et Sport, dont la circulaire annonçait le transfert à l’éducation nationale après allègement de la mission…
Mme LEVEQUE s’interroge aussi légitimement sur les redéfinitions de missions induites par la montée en puissance de l’Agence nationale du sport.
Pour le Sgen-CFDT, il apparaît très dommageable qu’un transfert aussi précipité des services ait été acté avant de réfléchir aux missions : en clair « on a mis la charrue avant les bœufs ».
Contrairement à l’UNSA ou à la FSU qui réclamaient ce transfert des services et des personnels, le Sgen-CFDT pensait qu’il fallait d’abord réfléchir à une interministérialité de projet, autour de la coordination des politiques publiques à visée éducative menées conjointement par le MEN, le MESR et le ministère des Sports, avant d’envisager une quelconque opération de transfert : les faits semblent nous donner raison.
Nous lire ou nous relire : notre tract, « Pôle éducatif et gestion des personnels techniques et pédagogiques ».
Quel calendrier, quel accompagnement, quelles garanties ?
La Secrétaire Générale nous a laissé entendre que le transfert des missions et des personnels devrait être rapide. Il est désormais envisagé qu’une nouvelle organisation prenne effet dès le 1er juillet 2020 même si une convention de gestion devait s’établir entre le MAS et le MENJ afin d’assurer la transition budgétaire définitive au 1er janvier 2021.
Ce transfert implique la modification d’au moins de 12 décrets, ce qui laisse présager un gros travail juridique à mener sur un temps très restreint et quand on sait qu’au meilleur des cas les préfigurateurs devraient être nommés dans le courant du mois d’octobre !
Il faudra donc ensuite que tout aille très vite….
Le Sgen-CFDT réclame dans ce contexte à ce que les choses se fassent en prenant d’abord le temps nécessaire à la revue des missions et envisager seulement ensuite de façon plus sereine le transfert des personnels dans les meilleures conditions possibles sur leurs nouvelles missions, dans leurs nouvelles structures qui nécessitera aussi des changements de lieux d’exercice pour beaucoup d’entre eux (lieux d’implantation physique non encore définis à ce jour !).
Concernant la gestion des personnels, les nombreux points restant à régler exigent que l’on prenne le temps de la concertation, et même avant cela que l’on prenne le temps pour les services de gestion d’appréhender la complexité des statuts, la variété des situations individuelles…
Et tout cela dans un contexte où les services administratifs vont être considérablement bousculés par la mise en œuvre de la loi de transformation de la fonction publique !
Enfin,d’un point de vue fonctionnel, même si le tandem Recteur-Préfet nous est présenté de manière idyllique, nous nous interrogeons tout de même sur la pertinence d’un tel système de pilotage bicéphale qui va certainement nécessiter de nombreux ajustements et arbitrages au plus haut niveau.
Alors faut-il brûler les étapes ?
Pour le Sgen-CFDT dans cette restructuration de grande envergure il est capital que tous les agents disposent d’un droit d’option.
Un tel chantier, où doivent être pris en compte les choix individuels, nécessite un calendrier de mise en œuvre adapté.
Un accompagnement RH doit être mis en œuvre sous l’égide des deux DRH : à ce sujet des informations inquiétantes de nos collègues des affaires sociales laissent comprendre que la DRH des ministères sociaux n’intègrerait plus l’accompagnement des personnels J&S dans ses priorités… ce serait scandaleux, mais faut-il en s’étonner dès lors que la plupart des OS Jeunesse et Sports, hormis le Sgen-CFDT, ont insisté pour la quitter rapidement !!
Des sujets RH concrets doivent pourtant être expertisés, dont la lancinante question du régime indemnitaire des PTP, miroir de tous les fantasmes et crispations identitaires de ces corps, sur laquelle nous reviendrons dans un prochain message.
Rappelons seulement que les enseignants de l’éducation nationale, auxquels les personnels des corps techniques et pédagogiques sont souvent assimilés, ont des primes ridiculement faibles, ce qui fait d’ailleurs débat dans le cadre du projet de réforme des retraites…
Les conditions d’exercice des personnels techniques et pédagogiques devront être aussi discutées : quelle organisation du temps de travail ? quel encadrement ? quelles modalités d’évaluation ? Sur tous ces sujets, une fois connues les nouvelles organisations au sein de l’éducation nationale, on attendra avec curiosité les premières analyses de celles des organisations syndicales qui n’avaient de cesse de dénoncer la gestion des PTP JS par la DRH des ministères sociaux et de réclamer leur transfert à l’Éducation nationale.