A l'origine uniquement disponibles sous leur format papier, le RSST et DUER seraient-ils plus accessibles dans leur version dématérialisée ?
Un sondage effectué auprès de nos référents SST apporte un éclairage du terrain.
Le registre de santé et sécurité au travail (RSST) et le document unique d’évaluation des risques (Duer) font partie des documents obligatoires que l’employeur doit mettre en place et présenter au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Ces deux outils sont essentiels pour assurer la santé et la sécurité au travail des agents sur chaque lieu de travail ou dans chaque unité de travail.
En 2023, dans les trois fonctions publiques, le comités technique (CT) et les CHSCT feront place aux comités sociaux d’administration (CSA) avec leurs éventuelles formations spécialisées. Les inscriptions sur les registres seront alors examinées par les CSA.
- Le RSST permet à tout agent d’un service ou d’un établissement d’y inscrire toutes les observations et toutes les suggestions qu’il juge opportun de formuler dans le domaine de la prévention des risques professionnels et de l’amélioration des conditions de travail. Le chef de service (ou d’établissement) appose son visa en regard de chaque inscription. Le RSST doit être accessible à toutes et tous à tout moment.
- Le Duer doit lister les risques professionnels encourus par les agents et les actions de prévention et de protection qui en découlent. Il doit logiquement permettre l’élaboration d’un plan annuel de prévention (annuel, c’est-à-dire réévalué annuellement). L’évaluation des risques professionnels relève en effet de la responsabilité de l’employeur, et s’inscrit dans le cadre de son obligation générale d’assurer la sécurité et de protéger la santé des salariés. Le Duer doit être tenu à la disposition de tous les acteurs de la santé et de la sécurité au travail, et donc des agents eux-mêmes.
Santé et sécurité au travail : le contexte
Un éclatement géographique
Sur le territoire national, notre communauté représente entre autre, 61 510 écoles et établissements du second degré, 172 établissements (universités, CNRS, Inserm, Inria, IRD …) de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (ESR) très fortement multi-sites (Aix-Marseille université : 58 sites – 9 villes, 4 départements, 14 composantes, 122 structures de recherche – CNRS : 1083 laboratoires et unités de services – IRD : 200 agents dans le monde – France, outremer français, Afrique, Amérique latine, Asie –, etc.), plus de 80 implantations pour le réseau des œuvres universitaires et scolaires…
Une vaste communauté
866 500 agents de l’Éducation nationale, plus de 256 000 agents de l’ESR, 12 352 200 élèves, de l’ordre de 1 675 100 étudiants…
Une complexité des structures
- La responsabilité de l’employeur, notion de chef de service : « L’employeur doit veiller à la santé et à la sécurité de ses travailleurs en mettant en place des actions de prévention, d’information et de formation. Il doit également évaluer les risques professionnels sur chaque poste de travail. Ces risques sont consignés dans un document. En cas de non-respect de cette obligation, sa responsabilité civile et/ou pénale peut être engagée. ». « Le mécanisme de la délégation de pouvoirs permet à un responsable de transférer une partie de ses pouvoirs à un subordonné, le délégataire, plus à même de suivre l’activité au quotidien et de contrôler l’application des obligations qui doivent être respectées. Par voie de conséquence, en cas de manquement à l’une d’elles, c’est le délégataire qui engage sa responsabilité pénale. ». Si dans un laboratoire de recherche le directeur, chef de service, est délégataire de pouvoir, et est donc clairement et pleinement responsable, qu’en est-il par exemple dans une école du premier degré ?
- La responsabilité de locaux et de leur conformité, notion d’hébergeur : l’employeur doit veiller à la santé et à la sécurité de ses agents, mais l’hébergeur (c-à-d celui qui met les locaux à disposition) doit veiller à la conformité des locaux quant à leur usage. Chose qui doit se faire en lien avec l’hébergé.
L’état des lieux
Historiquement, RSST et Duer sont sur support papier, quand ils existent ! La dématérialisation de ces documents devrait en permettre l’accès à toutes et tous. Le sondage effectué fin septembre 2021 auprès des référent·e·s SST de la fédération Sgen-CFDT permet d’apporter à cet article un éclairage du terrain.
Registre de santé et sécurité au travail (RSST)
Compte tenu des caractéristiques et des modes de fonctionnement de nos établissements, nous pouvons aisément imaginer, si ce n’est vivre, les difficultés pratiques à mettre le RSST à disposition de tous les agents, de faire en sorte que les inscriptions qui y sont faites soient visées « rapidement » par le chef de service, que le CHSCT puisse s’en saisir… que des actions préventives ou correctives puissent être entreprises. Si cela fonctionne peu ou prou dans certains de nos établissements (par exemple dans les organismes de recherche et les universités), la situation est loin d’être satisfaisante ailleurs, comme dans les premier et second degrés.
La dématérialisation des RSST pourrait faciliter leur déploiement et leur exploitation. Quand elle se pratique, le sondage met en évidence une forte hétérogénéité des pratiques et des résultats.
Selon les retours que nous avons obtenus, en ce qui concerne le passage à la dématérialisation, la situation est très hétérogène quelle que soit la structure. Certains ne la pratiquent pas et ne l’envisagent pas (académie de Versailles…), d’autres sont en train d’y réfléchir (université de Paris-Saclay, académie de Grenoble…), certains y sont depuis quelques années (académies de Dijon, de Reims, université de Lorraine…).
Les points positifs apportés par la dématérialisation :
- accès rapide et direct au RSST ;
- possibilité d’information immédiate par mail/sms du chef de service, des membres du CHSCT d’une inscription ;
- sécurisation du registre ;
- possibilité de joindre des photographies ;
- normalement, on observe moins de possibilités de filtrage structures/hiérarchique des fiches.
Les points négatifs apportés par la dématérialisation :
- parfois pas de visa formel, en cas d’information par mail, certains chefs de service considèrent que cela vaut visa ;
- risques de filtrage de certaines fiches pour visibilité par tous ;
- droits d’accès et donc possibilité d’accès souvent restreints car conditionnés à l’appartenance à la structure, donc problématiques pour les usagers (élèves, parents, intervenant extérieurs…).
Là où le RSST est dématérialisé, le nombre de signalements a globalement augmenté, parfois dans des proportions importantes. Néanmoins, les signalements ont aussi augmenté avec les RSST au format papier. Il faut probablement lier cette augmentation des signalements au fait que depuis plusieurs années les représentant·e·s syndicaux et les mandaté·e·s CHSCT sensibilisent les personnels à l’existence et au rôle du RSST et à l’importance de son utilisation. Cette sensibilisation doit être amplifiée, en particulier par l’employeur.
Alors qu’il est obligatoire, le visa par le chef de service des signalements reste insuffisamment réalisé. Les informations relatives au traitement des signalements restent encore trop souvent absentes ou imprécises.
Des formations à l’utilisation du RSST dématérialisé sont rarement mises en œuvre et les manuels d’utilisation, quand ils existent, sont parfois difficiles à trouver sur les sites Internet des établissements.
Dans les premier et second degrés, le traitement par les CHSCT académiques et départementaux des données du RSST n’est pas facilité : difficulté d’accès aux fiches, réticences de la hiérarchie… Quand la dématérialisation du RSST est réalisée et bien mise en œuvre, les mandaté·e·s CHSCT peuvent y avoir accès en temps réel et ont donc la possibilité de saisir rapidement l’administration en cas de besoin.
Dans les établissements de l’ESR, en règle générale, une extraction des registres RSST et parfois une analyse de la typologie des signalements sont présentées à chaque CHSCT.
Les détournements d’usage ou l’instrumentalisation des RSST papier ou dématérialisés restent très marginaux.
Document unique d’évaluation des risques (Duer)
Dans les premier et second degrés, les Duer ne sont en général pas dématérialisés. S’ils le sont les mandaté·e·s en CHSCT apparaissent ne pas y avoir directement accès. Dans certaines académies, seul·e le·la secrétaire du CHSCT dispose d’un accès aux documents uniques dématérialisés.
Dans l’ESR, la dématérialisation existe, mais n’est pas la règle. Dans les laboratoires de recherche en cotutelle, chaque tutelle peut avoir un format de Duer. Cela complique l’examen du document déjà complexifié par la notion d’hébergeur/hébergé. Le CNRS utilise, pour les laboratoires qu’il héberge la solution dématérialisée d’évaluation des risques professionnels EvRP, solution faisant l’objet d’un partenariat avec l’Agence de mutualisation des universités et établissements d’enseignement supérieur ou de recherche (Amue). Les agents de prévention (AP) sont formés à EvRP. Les mandaté·e·s CHSCT CNRS ont accès à l’historique des versions validées des Duer des laboratoires de leur périmètre.
Conclusions
Concernant les registres de santé et sécurité au travail (RSST)
La dématérialisation des RSST s’inscrit dans une logique d’efficacité et de rapidité de la prise en charge de la prévention des risques. L’outil doit être aisément accessible à tous les acteurs de la prévention, c’est-à-dire à toutes et tous ! Des formations à l’usage de l’outil doivent être réalisées et des manuels d’utilisation doivent être facilement accessibles. L’outil doit également être configuré pour envoyer un mail/sms au chef de service et aux membres du CHSCT à chaque signalement. Le visa par le chef de service des signalements doit faire l’objet d’une procédure adaptée.
Concernant les documents uniques d’évaluation des risques (Duer)
L’existence de ce document obligatoire doit être connue de tous les agents, il doit être associé à de véritables démarches de prévention des risques professionnels et doit permettre des diagnostics annuels partagés avec les agents et tous les acteurs de prévention. La culture de prévention sur les lieux de travail ne pourra progresser qu’à ces conditions.
Remerciement aux collègues du réseau SST ayant répondu au sondage du 29 septembre 2021.
Une synthèse de cet article a paru dans le no 282 – Novembre-décembre 2021 de Profession Éducation, le magazine du Sgen-CFDT.