Déclaration liminaire du Sgen-CFDT au Conseil supérieur de l'Éducation du 8 octobre 2019.
La question des rémunérations est un sujet essentiel non seulement tout au long de la carrière mais aussi tout au long de de la vie. Elle est particulièrement d’actualité puisqu’en ce moment même a lieu au Ministère des Solidarités et de la Santé la première concertation sectorielle sur la réforme des retraites. Ce sera sans doute l’occasion de lever au passage certains malentendus soulevés par des passages particulièrement confus du discours du Président de la République lors de la réunion de Rodez.
Pour le Sgen-CFDT les conditions sectorielles d’une réforme juste et acceptable par toutes et tous sont posées : il faut nécessairement revaloriser tous les métiers dont la rémunération actuelle – primes comprises – ne peut suffire à compenser le passage à un nouveau système de retraite. Parce que leur traitement indiciaire et leurs primes sont trop faibles, parce que – pour des raisons de niveau de diplôme et de modalités de recrutement – des personnels risquent sinon une diminution de leur pension.
déconsidération croissante et manque d’attractivité des métiers enseignants
Cet état de fait entraîne aussi une déconsidération croissante et un manque d’attractivité problématique pour les futurs enseignants.
Mais ne nous y trompons pas, et la lettre de Mme Renon en est un rappel dramatique, la principale souffrance au travail est la question complexe du temps. Faute de donner aux personnels le temps de partir de leur vécu et de la situation éducative en contexte, de pouvoir dégager du temps de travail en commun, du temps d’appropriation des réformes c’est le temps procédural qui domine. Dans le quotidien des écoles, des établissements et des services, c’est trop souvent le « comment mettre en place une mesure » qui s’impose sur le « pourquoi ». La réforme censée répondre aux problèmes en entraine à elle seule de nouveaux. Les exemples sont multiples, et sans être exhaustif il peut s’agir :
– des circulaires injonctives censées régir les pratiques d’apprentissage de la lecture,
– des évaluations nationales censées permettre une remédiation et qui s’avèrent inexploitables,
– des remontées d’enquêtes administratives diverses pour les directeurs d’école, les corps d’inspection ou les personnels de direction,
– des blocs d’évaluation du baccalauréat qui ont été déterminés par leur type de passation, et non par leur contenu ou par les compétences attendues,
– les nouvelles modalités pédagogiques de la voie professionnelle qui viennent percuter la prise en charge d’un public de plus en plus hétérogène (inclusion, accueil des jeunes migrants, apprentis).
un pilotage délétère
Ce pilotage délétère par les procédures s’est imposé pour deux raisons :
– d’une part, parce que dans notre système pyramidal on confond systématiquement contrôle et reddition de comptes, et sur ce plan l’évaluation systématique des établissements pourra être vécue, selon sa mise en pratique, comme un facteur de progrès mais aussi d’aggravation si l’institution cède à ses travers ;
– d’autre part, parce que le calendrier inféodé au politique bouleverse la marche du temps et impose urgence et précipitation au mépris de celui de l’appropriation et de la mise en œuvre progressive.
redonner aux agent·es le pouvoir d’agir sur leur travail
Remettre les conditions du travail réel au centre des métiers et des professions de l’Éducation nationale est donc un impératif pour améliorer à la fois la qualité de vie au travail et le service rendu. Le temps donné pour construire en équipe les réponses singulières au territoire, aux publics et leur environnement est donc un préalable incontournable. La méthode que prône le Sgen-CFDT est connue, c’est celle du dialogue social, à tous les niveaux du système éducatif, comme première condition nécessaire à tout changement. L’inflexion constatée au niveau ministériel en cette rentrée est tardive, mais elle va dans le bon sens. Cette évolution doit aussi se faire à l’échelon académique et surtout à celui des lieux de travail. La possibilité de négocier des accords locaux, ouverte par la loi de transformation de la fonction publique, devra se mettre en œuvre dans notre champ : ce doit être en effet un puissant levier pour redonner aux agent·es le pouvoir d’agir sur leur travail.