Après avoir présenté le Pacte du pouvoir de vivre et son fonctionnement, la question de la restauration collective a été abordée en lien avec la transformation écologique. La suite dans cet article.
Pacte du pouvoir de vivre, suite de la première partie de cette interview parue dans Profession Éducation, le magazine des Sgen-CFDT, no 293 – Octobre-novembre 2023, page 17.
Si je veux travailler sur ce sujet dans mon territoire, vers quelles associations du Pacte puis-je me tourner ?
Vers le Secours catholique, très investi sur ce sujet des cantines ; vers la Fondation pour la Nature et l’Homme qui a mis en place l’outil « Mon restau responsable » pensé pour mener un projet d’amélioration de la cantine au sein d’un établissement ou d’une collectivité.
Des Crous, des petites mairies et même des hôpitaux utilisent cet outil. Il permet d’identifier des axes de progrès pour les mettre en discussion et au débat.
On retrouve ainsi cette dimension démocratique pour des projets communs à visées écologiques. Il faut alors veiller à toujours impliquer les acteurs, ici de la cantine et de la restauration collective. Grâce aux outils mis en place, de plus en plus de collectivités, d’écoles, de collèges, de lycées et d’universités agissent pour transformer les cantines.
S’agissant du bâti scolaire, de la renaturation des cours de récréation… comment faire financer la transition écologique ?
En matière de transition écologique, on a besoin de financements, on a besoin d’investir. Le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz évalue entre 25 et 35 milliards l’argent public nécessaire par an pour réaliser la transition écologique. Il y a donc un enjeu à trouver des financements massifs et durables dans le temps. Pour le Pacte, cette question est centrale.
Néanmoins, il ne faut pas oublier qu’outre ces sujets, se posent des besoins en matière de protection sociale, de santé, de jeunesse… Si on prend du recul pour ne pas voir les enjeux en silo, on se retrouve face à un mur d’investissements. Pour investir dans l’avenir, dans du pouvoir de vivre, on a besoin de milliards d’euros sur le long terme. Pour le Pacte, la question du financement du pouvoir de vivre est un enjeu démocratique qui doit faire partie du débat public. Il y a des marges de manœuvre en matière de fiscalité. Aujourd’hui, on a une fiscalité qui n’est pas assez juste. Dit de manière synthétique, l’enjeu est de partager plus pour financer plus.
On a besoin d’ouvrir le débat sur la fiscalité en France pour que les plus aisés contribuent davantage à ces transitions.
Le dernier rapport d’Oxfam, sorti cette semaine, montre qu’il y a des inégalités dans les émissions de gaz à effet de serre et des inégalités dans les contributions des plus riches aux efforts collectifs. On a donc besoin de poser ce sujet sur la table et le Pacte du pouvoir de vivre préconise la mise en place, notamment, d’une taxe exceptionnelle sur le patrimoine financier des plus riches ; il y a la question de l’ISF, de la progressivité de l’impôt… Nous portons un certain nombre de propositions dont le point commun est la nécessité d’une meilleure justice fiscale car on voit bien que les hyper riches ne contribuent pas suffisamment à l’effort collectif. L’enjeu, on le rappelle, est à la fois économique et démocratique parce que la transition écologique ne doit pas se faire au détriment de la justice sociale.
On ne réussira cette transition que si les plus pauvres ou les plus modestes sont dans le même train que tout le monde.
Comment peut-on parvenir à rassembler plus largement sur la transformation écologique juste ?
La transformation écologique et sociale va modifier la société en profondeur. C’est un défi. À aucun moment, on ne dit que ce sera facile. Pour mobiliser les uns et les autres, il faut rappeler la raison pour laquelle on porte cette transition écologique et sociale : vivre dignement dans un environnement plus sain.
Il faut pouvoir faire le récit de propositions qui vont participer à résoudre ces problématiques qui touchent très profondément le quotidien des gens.
Il faut aussi raconter comment cette transition écologique va se passer. On entend beaucoup parler – à juste titre – décarbonation, neutralité carbone à 2050, fin de la vente des véhicules diesel et essence à 2035… Ce sont des caps essentiels pour les acteurs économiques et pour la société. En revanche, cela ne dit rien du chemin, de ce que cela implique, par exemple, pour les salariés du secteur automobile en France.
Quelles seront les implications en matière de formation, de changement de métier ?
Il y a vraiment un enjeu à raconter comment on peut collectivement y arriver. Ce que cela voudra dire pour vous en tant que travailleur, pour vous en tant qu’enseignant, pour vous en tant que jeune, etc.
Quel regard porte le Pacte du pouvoir de vivre sur la question de l’éducation en lien avec la transformation écologique ?
Nous avons très récemment lancé un nouveau groupe de travail pour renforcer nos propositions en matière d’éducation. Corollairement à cet enjeu éducatif, il y a la manière dont on répond aux questions que pose jeunesse. Ces questions ne sont pas assez prises en compte dans les politiques publiques quand sont abordés les enjeux de société que sont le logement, la mobilité, l’alimentation… Dans le Pacte, vous trouvez la Fage, Animafac et nombre d’organisations, aussi, qui travaillent sur l’éducation populaire. C’est l’occasion de construire et porter un discours commun très fort. Les transformations à venir concerneront directement la vie des plus jeunes. Le double enjeu est donc de :
- répondre à ces transformations,
- impliquer la jeunesse de manière très concrète.
Le Pacte croit profondément au retour de l’éducation populaire.
C’est pourquoi nous avons lancé L’École du pouvoir de vivre dont la première promotion est constituée le 2 décembre avec une journée de lancement à Paris. Notre ambition est de transmettre l’expertise, l’expérience, la vision des organisations membres du Pacte. C’est la première formation en France uniquement dispensée par la société civile. À raison de deux fois une heure trente hebdomadaire, un duo de membres d’organisations du Pacte interviendra sur la pauvreté, la loi immigration, la transition écologique… Il essaiera de décrypter l’actualité avec les lunettes de la société civile, des associations, des syndicats, des mutuelles…
Nous croyons beaucoup en l’éducation populaire et au fait de transmettre ce qu’on est. En effet, on va avoir besoin d’engagement dans le collectif. Nous sommes convaincus qu’il faut redorer le blason du mot « politique ». Son sens premier est de s’engager dans la vie de la Cité. Faire de la politique autrement (en dehors d’un parti, de candidats et d’élections), et porter une vision de la société. Ne pas se laisser dépasser par les crises, les difficultés, les blocages.
C’est être pleinement acteur de la vie qu’on souhaite et l’éducation joue un rôle fondamental.