La mise en œuvre des rendez-vous de carrière se heurte à de nombreuses difficultés qui ne remettent pas en cause la philosophie du projet mais rendent son démarrage particulièrement hésitant.
Philippe Guizard, IA-IPR d’histoire-géographie dans l’académie de Montpellier, et Laurent Souchard, IA-IPR de mathématiques à Mayotte, analysent la mise en œuvre difficile des rendez-vous de carrière.
Un manque évident de formation, des stratégies académiques pas toujours claires, une application numérique à améliorer, l’accompagnement qui parait avoir été oublié.
Philippe Guizard Laurent Souchard
Un défaut de formation
L’institution semble frappée d’une timidité étonnante à l’égard d’un texte censé bouleverser la gestion des ressources humaines au sein de l’Éducation nationale. En ce qui concerne les rendez-vous de carrière, peu d’académies ont mis en place une formation pour les évaluateurs alors que le texte est connu depuis le début de l’année 2017. Prévue tardivement dans certaines académies, elle réduit d’autant la « fenêtre » durant laquelle ces rendez-vous peuvent se tenir.
Peu d’académies ont mis en place une formation pour les évaluateurs
Des stratégies académiques encore dans le flou
Des étapes importantes du processus n’ont pas été précisées par l’autorité académique ce qui rend le travail des évaluateurs particulièrement incertain. Ainsi, dans les académies, peu d’informations ont été communiquées concernant la façon dont seront déterminés les 30% d’agents accédant de façon accélérée aux 7ème et 9ème échelons. Dans ces conditions, les évaluateurs sont en peine pour mener les premiers rendez-vous de carrière faute d’une stratégie académique claire. Comment par exemple positionner un agent dans la grille du compte-rendu d’évaluation si l’on ne sait pas sur quels critères seront retenus les 30% ? De la même manière, comment rédiger l’appréciation littérale si elle doit constituer un élément déterminant ?
Les évaluateurs sont en peine pour mener les premiers rendez-vous de carrière faute d’une stratégie académique claire
Beaucoup de situations spécifiques n’ont pas été anticipées si bien que les évaluateurs s’interrogent sur la légitimité voire la légalité de leur action, conduisant alors à l’attente des éclaircissements de la part de l’administration centrale ou académique.
Un outil numérique poussif
Si un outil numérique, l’application SIAE, a bien été pensé pour faciliter et harmoniser les procédures, beaucoup de dysfonctionnements rendent son utilisation encore hasardeuse : impossibilité de se connecter, liste des agents à évaluer non conforme, didacticiel non disponible, micro-bugs de toutes sortes…
L’accompagnement, parent pauvre du dispositif
Les rendez-vous de carrière posent tant de difficultés qu’ils occupent pour l’instant l’essentiel des réflexions, faisant passer au second plan ce qui, pour le SGEN-CFDT, constitue le volet majeur du dispositif, l’accompagnement. L’inquiétude portait sur la faisabilité de ce dernier au regard du nombre de rendez-vous de carrière à effectuer. Quand la fenêtre pour tenir ces rendez-vous se réduit considérablement (dans certaines académies ils ne débuteront réellement qu’en janvier), on comprend alors que l’accompagnement risque d’être remis à l’année prochaine… Il est donc urgent de régler les problèmes liés aux rendez-vous de carrière afin que les corps d’inspection puissent se consacrer pleinement à l’accompagnement.
L’accompagnement risque d’être remis à l’année prochaine
Les propositions du SGEN-CFDT
- Il est nécessaire de débuter rapidement la campagne de rendez-vous de carrière avec une stratégie académique claire.
- Il convient d’éviter le retour à des pratiques anciennes ou des approches technocratiques qui consisteraient par exemple à ne s’intéresser qu’à la grille du compte-rendu d’évaluation en affectant des points à chaque niveau d’expertise et pour chaque item de la grille.
- Le choix des 30% d’agents bénéficiant d’un avancement accéléré ne revient pas aux évaluateurs mais à l’autorité académique. Les évaluateurs n’ont donc pas à « s’autocensurer ».
- Le Sgen-CFDT propose qu’une commission restreinte, nommée par l’autorité académique, se tienne à l’issue de la campagne de rendez-vous de carrière, rassemblant des chefs d’établissement et des inspecteurs du second degré, afin d’examiner l’ensemble des comptes-rendus d’évaluation (grille et appréciations littérales) et de dégager les 30% d’agents promus, à l’aide de consignes formulées dès maintenant par l’autorité académique (par exemple : veiller à l’égalité hommes-femmes, à l’équilibre entre les disciplines, à l’équilibre entre les territoires, à la représentation de l’éducation prioritaire, …).
Il est donc urgent de ne pas attendre, si l’on veut que le chantier ambitieux du PPCR ne tourne au fiasco tant souhaité par certains.
Le ministre a écrit aux inspecteurs pour préciser quelques points de procédure : qui pour mener l’entretien, report du RDV de carrière, articulation entre RDV de carrière et avancement pour 2017/2018.