La crise sanitaire illustre la nécessité de travailler à une complémentarité des acteurs éducatifs et le besoin de projets éducatifs de territoire ambitieux. Le renouvellement des PEdT doit être l'occasion d'une réflexion collective pour construire les objectifs communs à tous les temps de l'enfant.
PEdT : L’école doit-elle être le seul étai du développement éducatif de l’enfant ?
Cette question a été mise en évidence par la réforme des rythmes éducatifs qui a révélé les inégalités territoriales et de pratiques (culturelles, sportives). Elles sont actuellement aggravées par la mise en extinction des différents espaces de sociabilité des jeunes, de vie collective et d’apprentissages multiples du fait des contingences sanitaires. Les jeunes sont actuellement particulièrement isolés.
Si l’attention s’est portée initialement sur les modalités des cours, il apparaît maintenant que c’est la globalité de la participation des jeunes dans les temps – scolaires – périscolaires – extrascolaires – qui nécessite une reconfiguration. A l’heure où les PEdT vont être renouvelés, c’est bien l’ensemble de la communauté éducative qui doit se mettre autour de la table pour penser la complémentarité.
PEdT : Un impératif de décloisonnement
Avec des dispositifs juxtaposés (2S2C, vacances apprenantes, cité éducative, ouverture des établissements scolaires en distanciel ou en présentiel…), impossible de créer de la cohérence éducative. L’enfant, le jeune, doit passer d’un temps à un autre dans une adaptation permanente alors que les objectifs sont souvent communs, parfois partagés.
Ainsi, on peut remarquer que la mixité, l’inclusion, la lutte contre les inégalités (notamment) sont bien au centre des préoccupations des acteurs de la communauté éducative. C’est en ce sens que les cités éducatives avaient été pensées : rendre cohérente dans un territoire donnée l’action des différents partenaires. Alors pourquoi ne pas faire émerger des parcours, voire en amender certains défavorables ?
Une idée louable qui nécessite pourtant du dialogue et avant tout la reconnaissance de la professionnalité de l’autre.
Un enseignant, n’est pas un animateur même si chacun construit pour le temps qu’il passe face aux enfants un projet pédagogique avec des objectifs pouvant être proches. Cependant les exigences d’instruction d’un côté et de socialisation de l’autre imposent des pratiques, des approches différentes, parfois en opposition. Il en va de même pour l’éducateur sportif du club voisin ou encore le professeur de musique du conservatoire. Chacun dans son domaine apportera à l’enfant des éléments qui lui permettront de se construire et ainsi de devenir un citoyen ouvert sur le monde. Qui en garde trace ? Qui les certifie, les agglomère, en valide la pertinence ou la transférabilité ?
La sociabilité des jeunes, un objectif essentiel
La période du confinement a montré que les jeunes ont avant tout besoin de se retrouver, de partager ensemble. C’est donc pour sortir de cet isolement qu’il faut instaurer une certaine sociabilité des enfants, des jeunes. Elle peut prendre plusieurs formes comme la capacité à tenir une conversation, à respecter des normes de vie en société ou à se mettre en position d’élève au sein d’un établissement scolaire avec des codes spécifiques.
Dès lors, comprendre le « fonctionnement » de l’autre peut permettre de jeter des passerelles qui augmenteront la capacité du jeune à mieux évoluer dans la société, dans un groupe. Le croisement des regards est primordial pour construire le parcours de l’enfant et ce dès le plus jeune âge. Pour y parvenir, des temps de rencontre entre acteurs sont indispensables. Plutôt que de vouloir scolariser le temps péri-scolaire voire extra-scolaire, ne faudrait-il pas au contraire « déscolariser » le temps scolaire ?
Le numérique un enjeu non négligeable
L’irruption et l’omniprésence du numérique doivent être analysées. Les jeunes développent également des sociabilités numériques, exploitent ou détournent les outils. Un bond qualitatif doit être fait sur ce point, notamment sur une approche critique qui sorte de la simple condamnation des écrans. L’hybridation numérique / physique devrait donc être pensée également comme une hybridation des temps pour sortir de la simple grille horaire.
Travailler avec les familles pour laisser les jeunes partir
S’il est nécessaire que les différents acteurs travaillent ensemble, il est tout aussi important que les familles soient impliquées.
Premiers éducateurs de leur enfant, les familles, notamment dans les quartiers populaires se sentent démunies à l’âge de l’adolescence, l’âge où le jeune se construit dans une opposition face aux adultes, tout en appelant leur présence sous d’autres formes (poser un cadre, ouvrir des possibles, garantir l’autonomie …).
Les activités organisées par l’éducation populaire dans les espaces jeunes des villes, voire la possibilité donnée aux jeunes de partir en vacances, en classe de découverte sont un moyen pour la famille de souffler. C’est aussi la possibilité pour le jeune de se frotter à une autre autorité, à un autre fonctionnement dans un groupe où les règles vont différer de ce qu’il connaît habituellement.
Il convient donc d’accompagner les familles pour que celles-ci comprennent la nécessité de laisser partir leur enfant et tout l’intérêt pédagogique, éducatif, social d’un tel départ.
Le dispositif « vacances apprenantes » même s’il était un peu posé comme « un cheveu sur la soupe » a répondu en partie à cet objectif. Il a permis à 60 000 jeunes de découvrir un autre territoire que celui de leur quotidien. Si l’on y ajoute les enfants qui ont pu bénéficier de centre de loisirs apprenants ou du dispositif école ouverte/buissonnière, ce sont 250 000 enfants qui ont bénéficié de dispositifs leur permettant de vivre leurs vacances différemment. Un succès à relativiser au regard des 4 millions d’enfants qui ne partent pas en vacances… mais « les petites gouttes font les grandes rivières » alors gageons que sa prorogation sur les prochains étés puisse accroître considérablement le nombre d’enfants concernés. Cela pose toutefois les bases d’un discours commun sur la nécessité de faire partir les enfants.
Difficultés d’accès pour les familles, complexité du pilotage liée à des financements multiples, ambiguïté du terme “apprenant”, il reste beaucoup à faire avant les prochaines vacances, quand il sera enfin possible de partir.
Nouveaux PEdT : une construction nécessairement partenariale
Construire ces différentes démarches, ces différentes complémentarités ne peut se faire qu’au niveau du territoire en y associant l’ensemble des partenaires institutionnels, associatifs. C’est pourquoi toutes ces intentions doivent être consignées dans un projet éducatif global, le PEdT, qui influe sur toutes les personnes d’un territoire au-delà même de la stricte jeunesse. Ainsi la Ville de Brest a construit un projet éducatif citoyen pour les personnes de 0 à 90 ans preuve que le travail intergénérationnel peut aussi servir à tout un chacun.
A l’heure où de très nombreux PEdT vont être renouvelés partout sur le territoire, il convient de ne pas renouveler les erreurs passées. Pour le Sgen-CFDT, Il est important que l’ensemble des acteurs construisent les bases de leur collaboration. Chaque institution, chaque partenaire doit ainsi dégager du temps de travail pour permettre à ses agents d’asseoir cette vision commune. L’occasion est unique de penser l’enfant dans sa globalité, dans un parcours qui dépasse les clivages actuels. Être ambitieux dès aujourd’hui pour des objectifs communs à tous les temps, c’est construire la société de demain et les futur·es citoyen·nes. Une seule possibilité pour cela, remettre l’enfant, le jeune au centre des préoccupations.
Construire ensemble
Comme les Cités éducatives, comme les PEdT, comme toutes les initiatives éducatives locales, il faut sortir d’une simple mise en commun de modalités et de ressources (horaires, financières). Il faut créer des consensus, établir une culture partagée, développer l’interconnaissance des acteurs… Tout cela nécessite du temps et ne se décrète pas. Cultivons nos ambitions !