Hybridation des enseignements : pis-aller ou opportunité ? Comment combiner présentiel et distanciel pour l'année universitaire qui démarre ? Analyse et propositions du Sgen-CFDT.
La crise de la COVID-19 a imposé une longue période de confinement, ce qui a conduit à mettre en place en urgence des cours en ligne dans les universités. Cela s’est fait du mieux possible compte tenu des circonstances, l’ensemble des actrices et acteurs ayant joué le jeu pour sauver l’année des étudiant.e.s.
Il faut souligner ce point essentiel : c’est l’ensemble de la communauté universitaire qui s’est mobilisé pour faire face à la crise.
Tout n’a sans doute pas été parfait, mais faire un bon cours en ligne demande du temps. Dans certains cas, les enseignements étaient déjà en plus ou moins grande partie hybrides avant le confinement et cela a bien sûr facilité le passage à une version totalement à distance.
À l’opposé, dans d’autres cas, rien n’existait, et il a fallu inventer la moins mauvaise solution possible pour accompagner étudiantes et étudiants. Forcément, dans ces conditions, nul ne pouvait s’attendre à ce que cette mise en ligne soit identique à un cours hybride produit progressivement sur plusieurs années. Mais enseignantes et enseignants ont très largement été soucieux de faire du mieux possible avec les moyens du bord, et pour répondre aux besoins des étudiant·es.
Il faut mesurer ce que cet engagement a exigé d’eux, ainsi que des services dédiés à la pédagogie et au numérique dans les établissements.
Manques de garanties et de reconnaissance du travail
Mais cela ne signifie pas que cette situation ait été bien vécue par l’ensemble des collègues, qui ont quelquefois estimé que seul le présentiel permet d’assurer des cours de qualité. Cette conviction est parfois renforcée par le manque de garanties que les collègues ont de la part de leur employeur quant à la reconnaissance des heures d’enseignement à distance dans leur service statutaire, ainsi que par la crainte de voir à terme les postes vacants dans leurs établissements remplacés par des cours en ligne.
Pour le Sgen-CFDT, il est temps que tous les établissements intègrent l’enseignement à distance ou hybride dans leur référentiel d’enseignement.
Mais on peut inversement être rendus très anxieux en raison des risques encourus avec la reprise des enseignements en présentiel. Car un certain nombre d’universités ont décidé de reprendre les cours à 100% sur les campus, sans respect de la distanciation sociale puisque le MESRI les y autorise, avec une probabilité donc assez forte d’apparition de clusters, puis de fermeture de formations, de bâtiments…
Or, cette pandémie n’est pas terminée et n’est pas maîtrisée, et d’autres risquent fort de prendre le relais, à des échéances plus ou moins rapprochées. Il faut donc intégrer ce point dans les politiques à mener dans l’enseignement supérieur.
Pour le Sgen-CFDT, hors période de crise, l’hybridation des enseignements constitue en tant que telle une modalité pédagogique intéressante.
Par exemple, lors d’un cours classique en présentiel, certains étudiants peuvent être parfois très passifs, ils cherchent du « prêt à consommer », avec comme seul objectif le fait d’obtenir l’examen, comme un « papier » à obtenir, sans appropriation réelle, sur la seule base d’un apprentissage souvent de dernière minute, et sans se préoccuper des compétences professionnelles correspondantes.
L’hybridation des enseignements : un outil pour redonner du sens aux apprentissages
L’hybridation apparaît alors comme un outil qui permet de redonner du sens aux apprentissages, en amenant l’étudiant à redevenir actif dans le cadre de sa formation, en lui faisant par exemple préparer un travail en amont d’un cours, ce qui correspond au principe de la classe inversée.
C’est aussi un moyen de le conduire à mobiliser ses savoirs et à interagir avec l’enseignant. De nombreux logiciels permettent désormais de rendre les étudiants actifs (sondages, quizz), tout en gardant l’anonymat, ce qui facilite la prise de « parole » : ils se sentent ainsi plus libres de répondre, et ces applications peuvent être utilisées à distance ou en présentiel.
Ces modalités permettent à certain·es étudiant·es de regarder plusieurs fois une séquence de cours, de refaire plusieurs fois un questionnaire ou un exercice.
Cela permet aussi à l’enseignant·e de mieux suivre le travail réalisé par ses étudiant·es, que ce soit du travail en solo, ou du travail en groupe.
L’hybridation offre aussi la possibilité de proposer des parcours différents selon les besoins. C’est donc une modalité pédagogique particulièrement intéressante.
Mais cela suppose une véritable reconnaissance de ce travail, car la construction de scénarii d’apprentissage, la production de vidéos, de documents en ligne, le suivi des étudiant·es, demandent de se former et sont très consommateurs de temps.
Cela suppose aussi que les étudiant·es aient accès à des ressources numériques satisfaisantes (ordinateur, capacité de connexion), ce qui n’est pas toujours le cas. Les universités se sont largement mobilisées pendant la crise pour proposer ces outils aux étudiant·es dans le besoin, afin de limiter la rupture pédagogique.
Combiner distanciel et présentiel
Enfin, l’hybridation comme son nom l’indique, combine distanciel et présentiel. Le présentiel dans le cas d’un cours hybride permet de faire le point sur les apprentissages, de donner des lignes directrices aux étudiant·es, de les motiver. Et a contrario, l’enseignement uniquement à distance enregistre des abandons plus nombreux, entre autres parce qu’il n’y a plus de lien entre l’enseignant·e et les étudiant·es, et entre les étudiant·es eux-mêmes.
Faut-il rappeler que la socialisation est un facteur essentiel de la réussite ?
De ce point de vue, il est important de préciser que le confinement n’a pas correspondu à de l’hybridation, mais à un enseignement uniquement à distance, même s’il était possible d’organiser des cours en direct en ligne, des webinaires…
Il est donc dommage d’avoir parfois choisi de réaliser les enseignements 100% en présentiel pour cette rentrée, et de faire courir à toutes et tous le risque de devoir ensuite réaliser des formations totalement à distance, au lieu de mettre en place des formations plus ou moins hybrides, même si cette hybridation restait encore assez « sommaire », faute de temps pour structurer véritablement un enseignement sous cette forme.
Reconnaître l’engagement de toutes les équipes
Il est d’autre part incompréhensible que le ministère ait procédé sous forme d’appels à projet pour financer cette hybridation. Si pour les projets les plus ambitieux en termes de transformation pédagogique, une telle opération peut peut-être faire sens, toutes les universités devraient recevoir des financements additionnels pour ce travail.
Car même s’il est encore embryonnaire, reconnaître l’engagement des équipes pédagogiques, tant enseignants-chercheurs, enseignants que personnels de soutien, est essentiel pour encourager les agents à continuer à se mobiliser, en reconnaissant leur investissement. Les établissements qui n’ont reçu aucun amorçage, ceux qui n’ont pas répondu au PIA hybridation ont autant besoin de réaliser la transition vers l’enseignement hybride que les autres !