Le 13 avril, le président de la République annonçait une réouverture progressive des écoles et établissements scolaires à partir du 11 mai. Dans le contexte épidémique, c'est un défi qui exige des garanties préalables indispensables pour assurer la santé et la sécurité des personnels et des élèves.
Une annonce, beaucoup de questions
Le président de la République a annoncé le 13 avril 2020 que la réouverture progressive des écoles, collèges et lycées était envisagée à partir du 11 mai. Tout en réaffirmant la priorité à la santé et à la lutte contre l’épidémie, il a souligné que la réouverture vise à réduire les inégalités. Celles et ceux qui mesurent le défi sanitaire et logistique autant que pédagogique d’une réouverture dans le contexte épidémique sont nécessairement dubitatifs et inquiets.
Pour le Sgen-CFDT et la Fep-CFDT des conditions préalables doivent être impérativement remplies pour garantir la santé des personnels, des élèves et la santé publique.
L’annonce présidentielle donne bien peu de précisions : « Le Gouvernement, dans la concertation, aura à aménager des règles particulières : organiser différemment le temps et l’espace, bien protéger nos enseignants et nos enfants, avec le matériel nécessaire ». Le ministre de l’Éducation nationale prévoit des bilatérales avec les syndicats représentatifs dès la semaine du 13 avril 2020.
A quelles questions le gouvernement doit-il répondre ?
Que doit-il pouvoir garantir aux personnels et aux familles pour qu’une réouverture puisse s’envisager sereinement ?
Que signifie une réouverture « progressive » ?
Les attentes du Sgen-CFDT et de la Fep-CFDT
Pour nous, la priorité est la santé et la sécurité des personnels de toutes catégories et des élèves au moment où s’envisage la reprise :
- Ne pas imposer de reprise pour celles et ceux qui sont particulièrement vulnérables au covid19, personnels et élèves.
- Garantir un approvisionnement suffisant et régulier en équipements de protection individuelle, et une formation à leur utilisation.
- Garantir la capacité à mettre en œuvre la distanciation et les gestes barrières, et donc revoir le temps et l’organisation de tous les locaux scolaires (classes, salles de permanence, CDI, infirmerie, couloirs, cours de récréation…) comme administratifs (Rectorat, DSDEN, en universités…).
- Organiser le nettoyage des locaux et la restauration scolaire selon les recommandations des autorités de santé dans tous les établissements en garantissant aux agents territoriaux concernés les conditions de santé et de sécurité au travail de plus haut niveau, et en veillant à une charge de travail raisonnable.
- Organiser les transports scolaires nécessaires avec les conditions de santé et de sécurité pour les salariés des sociétés de transports et les enfants.
- Préciser quelle organisation périscolaire pourra être mise en place, là aussi dans le respect des conditions de santé et de sécurité pour les adultes intervenant sur ces temps et les enfants.
- Donner aux équipes le temps et les moyens d’organiser à partir du 11 mai la reprise pédagogique et l’accueil des élèves en fonction des contraintes et des réalités de leur territoire, en lien avec les partenaires de l’école et les collectivités
Répondre à toutes ces attentes est indispensable pour qu’une réouverture puisse être envisagée sereinement et en confiance par tous les personnels, toutes les familles.
Répondre à toutes ces attentes est déjà un défi… cette organisation est-elle la priorité des quatre semaines qui viennent ? Dans de nombreux territoires nous en doutons. Et nous ferons connaître au gouvernement nos doutes, nos questions, nos attentes.
Le gouvernement doit expliquer aux familles, aux employeurs privés et publics que le système éducatif ne reprendra pas à plein dès le 11 mai au matin.
Les employeurs doivent donc maintenir toutes les mesures permettant aux familles d’être auprès de leurs enfants de moins de 16 ans sans avoir à s’inquiéter de leur vie professionnelle : télétravail ou travail à domicile avec charge de travail adaptée à la présence des enfants quand c’est possible, autorisations spéciales d’absences et indemnités journalières renouvelées quand le télétravail ou le travail à domicile n’est pas possible et garantie toujours du maintien du contrat de travail.
Que signifie réouverture « progressive » ?
L’annonce d’une réouverture progressive à partir du 11 mai 2020 signifie que tous les établissements scolaires n’ont pas vocation à accueillir tous les élèves pour un temps scolaire plein dès le 11 mai 2020 au matin sur l’ensemble du territoire.
Pour le Sgen-CFDT et la FEP-CFDT, l’élément premier dans la décision de réouverture et dans ses modalités pratiques doit être la santé publique, la santé et la sécurité des personnels et des élèves et leurs familles.
Il faut donc envisager des décisions étalées dans le temps en fonction des constats des autorités de santé sur l’évolution de l’épidémie.
Il serait incompréhensible que la reprise ait lieu partout en même temps de la même manière…
La géographie de l’épidémie étant très différenciée, la décision ne peut pas être homogène selon les territoires. Il serait incompréhensible que la reprise ait lieu partout en même temps de la même manière. Nous demandons que les décisions prennent en compte la pression sur le système hospitalier, la prévalence de l’épidémie, les besoins locaux des locaux scolaires pour d’autres usages.
L’objectif de santé publique et de solidarité requiert que l’on ne génère pas des mobilités, des sorties nombreuses dans des territoires dans lesquels les hôpitaux sont toujours en situation de saturation. Ce même objectif requiert qu’on ne vide pas les internats réquisitionnés du jour au lendemain quand ils sont la seule solution pour permettre à des malades de guérir, de s’isoler. Des internats sont en effet réquisitionnés pour loger des personnes malades qui vivent dans des logements exigus, dans des bidonvilles ou à la rue, dans des habitats collectifs, autant de lieux de vie dans lesquels le repos nécessaire à la guérison est difficile à trouver, lieux de vie dans lesquels il est quasi impossible de se confiner et donc de limiter la propagation de la maladie.
Il est donc vraisemblable qu’il n’y ait pas de reprise de tous les élèves à temps plein dès le 11 mai au matin. Pour respecter les gestes barrières et la distanciation sociale, les classes entières ne pourront être réunies dans un même espace, les modalités ne pourront sans doute pas être les mêmes selon les classes d’âge. L’organisation de ce qui pourrait s’apparenter à une rotation implique que les internes ne pourraient pas reprendre tout de suite sinon comment justifier de générer de tels déplacements pendulaires.
Celles et ceux qui mesurent le défi sanitaire et logistique autant que pédagogique d’une réouverture dans le contexte épidémique sont nécessairement dubitatifs et inquiets…
Ces questionnements ne sont sans doute pas exhaustifs. Déjà nombreux, ils montrent tout l’écueil d’un discours politique qui aura sans doute été entendu diversement selon les personnes et ce qu’elles espèrent de la sortie du confinement. Celles et ceux qui espèrent une reprise complète du système scolaire seront vraisemblablement déçus. Celles et ceux qui mesurent le défi sanitaire et logistique autant que pédagogique d’une réouverture dans le contexte épidémique sont nécessairement dubitatifs et inquiets, quand bien même conscient.e.s des inégalités que le confinement et l’enseignement à distance à 100% pour tous les élèves creusent.
En outre, ces annonces d’abord à la population générale mettent en tension les personnels qui doivent faire face dès ce matin aux questions des parents et qui ne disposent d’aucune information plus précise que ce qu’a dit le président de la République. La CFDT fonctions publiques avait pourtant alerté Olivier Dussopt début mars 2020 sur le fait que ce défaut d’information des agents était insupportable.
Le ministre de l’Éducation nationale dans une interview mardi 13 avril au matin a commencé à préciser ce qui devait être entendu par “reprise progressive”. Il confirme que ce ne sera pas une réouverture à tous les élèves, sur le temps scolaire habituel dès le 11 mai au matin. Le 11 mai est plutôt la date à partir de laquelle des modalités de reprise adaptées au contextes sanitaire pourraient commencer à se mettre en œuvre. Jusqu’au 27 avril, ce sont donc deux semaines de concertations qui s’ouvrent pour envisager les modalités d’une reprise progressive et différenciée.
Les temps de la reprise (que ce soit en mai, en juin ou en septembre)
Pour toute reprise, quelle qu’en soit la date, plusieurs étapes sont indispensables selon le Sgen-CFDT et la Fep-CFDT.
En amont, compte-tenu de tout ce qu’il faut organiser et des nombreux acteurs à mobiliser pour que les établissements scolaires fonctionnent, un dialogue social élargi avec toutes les parties prenantes (personnels de l’Éducation nationale, personnels territoriaux, collectivité locales, services jeunesse et vie associatives, associations complémentaires, acteurs des temps périscolaires, transport scolaire, parents d’élèves, élèves) est indispensable.
Il serait incompréhensible et inacceptable que les décisions soient prises entre employeurs publics et privés. Les représentants des agents publics et des salarié.e.s impacté.e.s doivent être intégré.e.s au dialogue social en amont de toute réouverture. Cela revient à négocier des plans de reprise.
La reprise ne saurait être une reprise « sèche »…
Ensuite, la reprise ne saurait être une reprise « sèche ». Les personnels des établissements scolaires doivent avoir le temps d’une sorte de pré-rentrée. Lorsque l’accueil des élèves est possible, là aussi il serait impensable de démarrer directement une activité d’enseignement classique. Pour toutes et tous du temps sera nécessaire pour faciliter la résilience, permettre de refaire collectif. La ré-union ne sera pas évidente, ne sera pas facile, certain.e.s d’entre nous auront subi des traumatismes (deuil, affaiblissement par la maladie, angoisses). La préparation de ces temps est délicate, elle suppose de conjuguer des compétences multiples.
Le temps scolaire qui serait ensuite disponible doit être prioritairement dévolu aux apprentissages et non à l’évaluation.
Enfin quelle que soit la date d’une reprise possible avant le 4 juillet, la reprise en septembre 2020 sera elle aussi une rentrée particulière, à soigner pour que l’année scolaire 2020-2021 se passe du mieux possible.